
d’exemples bien différens, tant pour ces oifeaux ,
que pour beaucoup d’autres efpèces.
, Ainlî Buffon a vu des coqs de vingt ans & des
perroquets âges de plus de trente ( i) . Un homme
digne de foi lui a même rapporté , qu’ un de ces
derniers , âgé de plus de quarante ans, avoir
pondu fans le fecours d’aucun mâle, au moins de
fon efpèce.
Il ett queftion auflî, dans les livres des ornitho-
Jogiftes, d’ un perroquet élevé dans 'unè famille
françaife depuis plus de cent dix ans, lorfqu’on en
parla devant les membres de l’Académie royale
dés fciences (2).
Le fai fan ^ le dindon, le paon & la perdrix peuvent
vivre auflî de douze à vingt ans.
Willughby dit que les linottes vivent quatorze
ans, & les chardonnerets vingt-trois (5). On a
vu des roflîgnols de.feize à dix-huit ans (4) & des
alouettes à peu près du même âge ( y ) , & le pius
fouvent même ces oifeaux étoieïit confervés en
captivité.
Hervieux parle d’un ferin qui a vécu feul pendant
plus de vingt-deux ans (6).
L ’ épervier, parmi les rapaces , peut atteindre
fa quarantième année (7 ) , & l’on a gardé un aigle
cent quatre ans dans une cage (8).
L'oie vit cinquante ans orainatrement (9 ), &
peut arriver à quatre-vingts (10 ) , & même à
cent (1 1).
L ’onocrotale ou le pélican vit pendant auflî
long-temps (12). On en dit autant des grues &
des cigognes.
Le cygne arrive fréquemment à cent ans (13).
On en cite même un qui avoic vécu trois cents
ans (14).
Le corbeau paffe auflî généralement pour vivre
un grand nombre d*années (15).
Au rapport d’Aldrovandi (16), im pigeon avoit
vécu vingt-deux ans , & n’avoif ceffé d’engendrer
que les lix dernières années de fa vie. Cependant
le terme ordinaire de l’exiftence des pigeons & des
tourterelles eft de huit ou neuf ans.
S’ il nous étoit permis de tirer quelques co’nfé-
quences de ces obfervations recueillies dans dif-
(1) Difcours Jur la nature des oifeaux.
(2) H‘fi. de 1‘Acad., i ^47 > Pag*^7*
(3) L . c ., pag. 12.
(4) Haller, Element. phyfiol. corp. human., tom. VIII,
Kb. xxx , pag. 91. 5) Skyrlark english fong birds, pag. 38.
6) Ubi fuprà , pag. 354-
U) F. Bacon, l . c , pag. 82.
(8) Klein , Omithol., pag. (\o.
(9) Bradley, Farmers direct. , pag. 25.
(10) Buffon , 1 . c. .
(11) Bradley, l. c.
(12) Buffon, l. c.
f i3) F. Bacon, Le ., pag. 85.
(14) Buffon, l. c.
(15) Ancienne Encyclopédie, article Oiseàü.
(16; L. c,
férens auteurs, & d’ un affez grand nombre d’autres
, que nous n’avons point cru devoir rapporter,
nous accorderions aux palmipèdes la vie la plus
longue i les échaflîers viendroient après, & les oifeaux
de proie, malgré l’aflertion du fameux chancelier
Bacon, n’arrivercient qu’en troifième lieu.
Après ceux-ci, il faudroit placer la plupart des
grimpeurs J puis, un peu plus loin, les gallinacés,
& enfin les petits paflereaux infeétivores, qui ont
la vie la plus courte ( 1 ).
Les oifeaux qui paffent leurs jours dans le célibat
& dans la continence vivent bien plus longtemps
que ceux qui s'abandonnent à leur ardeur
amoureufe. Le coq , efpèce polygame & très-laf-
cive , meurt jeune en comparaifon des ramiers,
qui peuvent atteindre cinquante ans quand ils le
bornent à une feule femelle ftrittement (2).
Lorfque les ferins ont été dans le cas de pondre
chique année, le mâie vit à peine dix ans, & la
femelle lix ou fept. Nous avons déjà dit que les
individus ifolés pouvoient atteindre vingt-deux
ans.L
e moineau, en raifôn de fon extrême lafeiveté,
a auflî uné exiftence peu prolongée.
Mais une foule d’autres caufes peuvent agir
d’une manière plus ou moins intenfe fur la durée
de la v ie , dans les oifeaux, comme dans les mammifères.
On peut ranger . parmi ces caufes , l’aétion dos
climats. Quoiqu’elle foie beaucoup moins puif-
fante fur l’oifeau que fur le mammifère, parce
qu’il tient moins à la terres il n’en eft pas moins
vrai de dire que chaque climat a pour lui fori empreinte,
comme chaque latitude a fa couleur. Les
oifeaux carnivores , trouvant en tous lieux une
nourriture femblable, n’en reçoivent aucune variation
fenlîble ; mais les efpèces granivores, attachées
de plus près au fol & à la nature de fes
productions, font auflî plus expofés à éprouver
les influe «ces des régions.
Le fentiment doux qui porte les oifeaux à vivre
en fociété, doit auflî modifier la prolongation de
leur exiftence dans un grand nombre de cas. Pouvant
aifément fe fouftraire à la main de l’homme ,
& même fe mettre hors de la portée de fa vue ,
ils ont dû conferver un caractère pur; plus libres,
plus indépendans que les mammifères, ils font
moins troublés dans le cours de leurs habitudes
naturelles, 81 , par cette rai fon, ils fe raffemblent
plus volontiers, & la plupart ont, dit Buffon,un
inftinCt décidé pour la fociété,' inftinft qui fait la
chafteté, la pureté de leurs moeurs, & qui, les
obligeant à fubordonner leurs plaifirs à leurs défi)
On trouvera quelques détails curieux fur ce füjec;
dans Bacon de Vérulam, Hifi. vit# & mords , dans Willughby,
Omithol., lib. I, & dans Daudiii , Ornithol.,
rom. £, dite. 1.
(2) F. Bacon, /. c.
voirs,
voirs, doit faire écouler moins rapidement le
cours de leurs ans.
Mais toutes ces circonftances & plufieurs autres
n’agiflent point feulement fur la durée de
l’exiftence; elles modifiant encore le genre de
v ie, les moeurs, les habitudes, & c . .
II eft affez remarquable, par exemple, que les
efpèces qui fe nourriffent de végétaux font, en
général, plus fociables que ces oifeaux deftinés à
égorger une timide proie, & que la nature , dans
une heure de colère, arma,de ferres crochues &
d ’un bec acéré. Les rapaces, auxquels elle inf-
pira une foif inextinguible du fang, & la paillon
du meurtre, femblables aux tyrans de nos cités,
vivent foiitaires, & n’ont jamais d’amis. Les efpèces
aimables & tranquilles, au contraire , fe
raffemblent en fociétés, en familles, en ménages,
fous les verts bocages, ou au fein des bruyères
& des guérets, femblant chercher la paix & le
plaifir, qu’elles favent irjfpirer par leurs chants.
Les oifeaux, quoique paroiffant appartenir plus
à l’air qu'à la terre, quoique formant des républiques
ambulantes, qui traverfent l’atmofphère à
des époques réglées, adoptent cependant une patrie
de préférence à une autre, fe choififfent une
habitation dans un lieu plutôt que dans un autre.
Lorfque le changement des faifons- les force à
chercher, fous de nouveaux cieux, unféjour analogue
à celui qu’ils ont pris en aff.élion, ce n’eft
que pour un temps feulement.
C ’eft ainfi que lès vautours, les aigles, les faucons,
les éperviers , les milans, les bufes, les hi-
bous & tous les oifeaux de proie, en g é n é r a lfe
tiennent au fein des rochers, dans Us hautes
montagnes, & fur les lieux élevés & foiitaires.
C ’ eft de-là qu’ ils fondent tout-à-coup fur la victime
que le fort leur conduit, ou qu’ ils partent
avec rapidité pour leurs expéditions fanglantes &
périlleufes.
Les gallinacés au contraire, race lourde & peu
belliqueufe, habitent communément les champs,
les terrains fecs , les collines, les vallons chauds,
où ils aiment à fe rouler dans la pouflîère, afin
d’y découvrir les petites graines, les infe&es, ou
les parcelles d’alimens qui peuvent y être enfe-
velies.
‘ Les pingouins, les manchots, les pétrels, les
guillémots, fes albatroffes, les harles, les oies ,
les canards, îes goélands, & la plupart des autres
palmipèdes, oifeaux entièrement aquatiques, recherchent
fpécialement les régions glaciales & les
mers polaires, fillonnant fans ceffe la fur face des
flots, ©u fendant l’étendue d’une atmofphère bru-
njeufe.
Les échaflîers à longues jambes & qui fouillent
dans la vafe avec leur énorme b e c , fupportent
moins lés grands froids que les palmipèdes & fe
rapprochent davantage des zones tempérées. Ils
cherchent les lieux marécageux, humides & couverts,
où abondent les iriféétes, les reptiles . les
Syft, Anat. Tomç III,
mollufques, & c . Tels on voit les hérons ,^les
vanneaux, les grues, les cigognes, les courlis,
les bécaffes, fréquenter les rivages, mais ne
point habiter exclufïvement les eaux., comme le
font les palmipèdes.
Les grimpeurs, qui ne fe tiennent jamais a terre ,
vivent fpécialement entre les tropiques, dont les
forêts toujours vertes font fans ceffe animées par
les coucous, les pics , les perroquets, les toucans,
les barbus, & c ., fous un ciel ferein & lumineux,
& dans une atmofphère chaude & fèche.
L i plupart des paflereaux , les moineaux , les
gros-becs, les fauvettes, les becs-fins , les colibris
, & c . , feplaifent dans lesbofquets ,au milieu
des buiffons & des brouffailles. D’autres cherchent
les bois des pays tempérés : tels font les
merles, les loriots, lés étourneaux.
En réfumé, il femble qu’ il y ait une gradation
bien marquée de l’oîfeaù aquatique à l’oifeau
grimpeur, fous le rapport des climats qui conviennent
à leur habitation.
Le pingouin & le manchot, type des palmipèdes,
fe tiennent vers les pôles, reliant coriftam-
ment dans les eaux ou fur terre, avec un plumage
terne & des couleurs fans éclat, avec une voix
rude & défagréable, avec une démarche lourde
& embarraffée.
Les perroquets, au contraire, que l’on pour-
roic, à jufte titre , placer en tête des grimpeurs,
habitent les contrées les plus chaudes du G lo b e ,
fans ceffe logés fur les arbres les plus élevés. Les
plus vives couleurs décorent leur plumage ; la légèreté
fignale tous leurs mouvemens & leur voix
eft flexible.
Les premiers, d’ailleurs, font voraces à l’excès,
polygames & froids en amour. Leur corps,
épais & gras , femble l’indice de leur ftupide ca-
ra&ère. Mais les féconds, à corps maigre & délicat,
font fobres, fpirituels, monogames & ar-
dens.
Les échaflîers, les gallinacés, les paflereaux,
les rapaces font placés comme par échelons,
entre ces deux extrêmes.
Le genre d’habitation que nous venons de lïgna-
ler dans les divers ordres des oifeaux , femble
d’accord avec la conftitution de leur corps, pour
déterminer leurs habitudes. Rarement les palmipèdes
, les échaflîers & les gallinacés fe perchent
fur les arbres. Il eft rare, au contraire, que les
oifeaux des autres familles ne fe perchent point.
Remarquez aufli que le féjour des oifeaux eft
auflî varié que celui des mammifères ; les uns , en
effet, & c’ eft le plus grand nombre, vivent fur.
les arbres; quelques autres dans l ’eau, un petit
nombre fur la terre; mais il n'y a pas un feul oi-
feau q u i, comme la taupe ,. dans les mammifères,
le protée, dans les reptiles, demeure fous la terre
ou fous l’eau habituellement.
Au refte, quelle que foit la zone qu’il habite ,
quelle que foit la nature de fes alimeris, qiiel que
Rrrr