ainfi que leur bafe, elles offrent une grande réfif-
tance & donnent un foutien très-folide aux défenfes.
Celles-ci varient beaucoup, fuivant les différens
individus, pour leur forme & leur volume, &
quelquefois , fur un même fujet, elles font différentes;
ainfi, fur le fquelette d’éléphant décrit
par Daubenton, la défenfe gauche formoit un arc
d’un cercle qui auroit eu trois pieds fept pouces
de diamètre, tandis que la droite avoir une courbure
plus prononcée.
En général, cette courbure s’approche de l ’el-
Jipfe. La première portion, celle qui eft engagée
dans l’alvéole, a une petite courbure en dehors,
tandis que l’extrémité même de la défenfe eft
courbée en dedans. La grofleiir de cette extrémité
varie auffi, parce que l’animal l’ufe & la déforme
en la frottant contre des corps durs. C ’eft cette
circonftance qui fait que la furface des défenfes
ne refte dans fon entier que fur la partie qui eft
fous les gencives & dans les alvéoles; auffi y aperçoit
on de petites cannelures longitudinales, qui
font prefqu’entièrement effacées fur le refte de la
dent. Leur partie poftérieure eft creufée d'une
fort grande cavité conique.
Les défenfes des éléphans s’éloignent un peu
d’une forme conique régulière , foit parce que
leur bafe eft ovale ou elliptique, foit parce que
l ’axe du cône qu’elles repréfentent n’eft point perpendiculaire
à fa bafe, mais forme lui-même une
certaine courbe.
La longueur des défenfes eft différente fuivant
Page, l’efpéce & l e fexe. Selon Pennant ( i ) , les
plus grandes défenfes viennent de Mozambique,
& ont quelquefois dix pieds de longueur : à la côte
de-Malabar, elles n’ont guère que trois à quatre
pieds ; mais à la Cochinchine elles font plus grandes
que dans le refte de l’ Inde. Au refte, comme
ces dents croiflent pendant toute la v ie , l’âge influe
plus que tout le refte fur leurs dimenfions.
. Le poids des défenfes n’ eft pas moins arbitraire
que leur longueur. Celles qu’on apporte aujourd’hui
de la Guinée pèfent rarement plus de cent à
cent vingt livres. On allure pourtant qu’on en a vu
une à Amfterdam du poids de trois cent cinquante
livres (2). Il paroît d’ ailleurs hors de doute que
le poids des défenfes ne peut excéder deux ou
trois cents livres. Au Bengale, il ne s’élève guère
qu’ à foixante-douzelivres, & à cinquante au plus
dans la province de Tiperah, qui produit les meilleurs
éléphans.
Les diamètres ne font pas dans la raifon direCie
du poids & de la longueur. Une défenfe de deux
(1) Hiftr of Quadruppag. icr2.
(2) Voyez Camper, 1. c. ; Johallon-, Hïflr. nat., pag. 1%
Scaliger, Exercit., 204 5 Hartenfels, pars I I , cap. 6. On
trouve, d'à fis ces divers auteurs, l’indjcadon du poids des
plus grofles défenfes d’éléphant dont on ait eu connoif-
fance.
cent huit livres, & longue de près de huit pieds^
avoit à peu près neuf pouces & un tiers de diamètre,
tandis qu'une autre du poids de cent cinq
livres, & longue de fix pieds, en avoit environ
fept, de même qu’une troifième du poids de
foixante livres. ( Camper.)
Les défenfes des jeunes fujets font creufes au-
delà même de la partie ehchâftee dans les alvéoles.
Une dent longue de trois pieds & demi , & du
poids de dix-huit livres , confervée dans la collection
de M. Camper le fils, eft creufe jufqu’à la
profondeur de vingt-fix pouces. Une autre, de
huit pieds de longueur, a une cavité de trois
pieds. En comparant au refte l’étendue des cavités
dans des défenfes bien conformées, on voit que
la proportion change avec l’âge, mais qu’au terme
de l’accroiffement elle occupe environ le tiers de
leur longueur.
Parmi les éléphans indiens on obferve que les
mâles ont de longues défenfes ; les femelles les
ont toutes petites & dirigées en ligne droite vers
le bas (1), ainfi que l’a dit autrefois Ariftote, dans
un paftage ma!-à propos contredit depuis (2 ), &
une partis les ont reliemënt courtes, qu’on ne peut
les apercevoir qu’en foule vant les lèvres. ( Cuvier.)
De plus, il s’ en faut bien que tous les mâles
en aient de grandes. Tavernier affure q ue , dans
l’jle de Ceilan, il n’y a que le premier-né de chaque
femelle qui en porte (.3). On diftingue, fur
tout le continent de l’ Inde, las dauntclah ou éléphans
à longues défenfes, des mookna qui les ont
très-courtes. Ceux-ci les ont toujours droites,
W o lfs , qui a voyagé long-temps à Ceilan, dit
auffi qu’ il y a dans cette île beaucoup dé mâles
fans défenfes. ( Camper, /. c. pag. 17-)
L’éléphant d’Afrique a de grandes défenfes dans
les deux fexes. ( Cuvier.)
Le degré de courbure des défenfes des éléphans
varie prefqu autant que leur grandeur. Il exi fie
auffi dans les cabinets, des défenfes à courbures
plus ou moins bizarres. Camper en a vu plufieurs
contournées en fpirale dans le Mufée britannique.
Il en exifte une pareille dans celui de Florence,
& Grew a donné la repréfentation d’une particularité
analogue (4).
L’époque du renouvellement des défenfes paroît
avoir lieu dans un âge fort jeune : il eft à préfumer
qu’ elles tombent, avec les premières molaires
, avant la quatrième année. ( Camper. )
On fait que la fubftance des défenfes eft employée
à différens ufages , fous le nom ivoire.
Si l’on coupe tranfverfalement une défenfe d’éléphant
, on voit au centre, ou à peu près au
centre, un point noir qui eft appelé le coeur } mars
fi la défenfe a été fciée au niveau de fa cavité, on
(1) Cor Ce, TranfàÜions philof. 1790, page 20 5.-
(2) H ifl. Anim., lib. I I , cap. 5.
(3) Voyages, tome II, page 1 n5.
(4) Muf. Soc. reg.y tab. IVtrouvé
dans ce même centre un trou roudou ovale.
Des lignes courbes s’étendent en fens contraire de
« point vers la circonférence, 8c, en fe croifant,
forment des lofanges curvilignes très-régulières.
On obferve en outre ordinairement, tout-a-fait a
l'extérieur, une bandelette peu epailfe. I.es lignes
courbes fe ramifient à mefure qu elles s eloignent
du centre, & le nombre de ces lignes eft d autant
plus grand qu'elles approchent plus de la circonférence,
ce qui fait que la grandeur des lofant
s eft prefque partant à peu près la même ; leurs
côtés ont une couleur plus vive que l’airej la
bande de la circonférence eft compofee de fibres
droites, rayonnées, tendantes vers le centre.
( Daubenton.) . ,
On voit de plus, fur la coupe tranfverfale des
défenfes, plufieurs cercles & zones concentriques,
de nuances différentes, d’un diamètre & d une
courbure irréguliè e , & des lignes qui fe dirigent
du centre à la périphérie. ' J
Ces cara&ères font fujets a beaucoup de varié
tés-; rarement le coeur eft au centre ; les courbures
des lignes concentriques ne font point uniformes j
les zones ont plus de largeur dans un point que
dans un autre; la bande corticale paroît meme
manquer quelquefois, &c.
Après avoir fcié une défenfe dans la direélton
de fa longueur, on aperçoit fur cette coupe des
bandes longitudinales qui forment des portions
d'ovale, comme celles que l'on remarque à la fur-
fice d’une planche de fapin.
L'ivoire eft donc compofé de couches coniques
emboîtées les unes dans les autres & fiiperçofées.
La cavité qui fe trouve dans la partie pofterieure
de toutes les défenfes eft formée par la furface interne
de leur première couche intérieure.
Le grain de l'ivoire eft moins apparent fur la
coupe longitudinale que fur la coupe tranfverfale
de la défenfe, parce que les fibres ne s’y croifent
que rarement, & dans quelques endroits feulement
; voilà pourquoi les peintres en miniature'
préfèrent la première de ces coupes. En général,
les ouvri rs rejettent , fous le nom i'ivoire grenu,
celui dont les fibres font très-apparentes.
L’ivoire a généralement une teinte blanche
éclatante j il jaunit par fon expoficiqn à 1 air. Quand
cette fubftance éll nouvellement pvife fur 1 animal,
elle préfente à ,l’ intérieur une couleur olivâtre
claire, qui fe diffipe avec le temps, fur tout fi
elle eft expofée à la chaleur.
L’ivoire fe forme, ainfi que nous pouvons le
conclure de ce-qui vient d’être d it,, de la meme manière
que les autres dents,. par des couches lue-
ceffives de phofphate de chaux, qu exhale un
noyau pulpeux central.
M. Cuvier ayant ouvert l’alvéole & la bafe
d’une défenfe fur un éléphant frais» a VU ( un
noyau pulpeux d’une grandeur énorme & entièrement
dépourvu de toute union organique avec la
défenfe qu’ il avoit précédemment féerétée. Quoieue
l’individu fût parfaitement frais, on ne voyoït
pas la moindre adhérence entre le noyau & la tie-
fenfe ; pas la moindre fibre, pas le moindre vaif-
feau, aucune cellulofué ne les lioit. Le noyau
étoîc dans la cavité de la défenfe , comme une
épée dans fon fourreau, & n’ adheroit lui-même
qu’au fond de fon alvéole. WÈSs .
Rien ne peut donc retenir les defenfes en place,
que l’élafticité des parties qui les ferrent ; au!h on
peut en changet la diteftion par des prtffions
douces. C ’eft une expérience qui a jeuni Jj,r un
des éléphans élevés à Paris ; Ces defenfes fe rap-
prochoiént de manière à gêner les mouvemens de
la trompe; on les écarta par degrés'au moyen
d'une barre de fer dont le milieu étort en vis,
& qui s’alongeoit à volonté. _ , . .
Les couches fucceffives dont l’ ivoire fe cora-
pofe, ne laiffent que peu de traces fur la coupe
d’une défenfe fraîche; mais les défenfes fofliles ,
que l’on trouve enfouies fous la terre, dans un
grand nombre de pays, fe délitent en lames coniques
& minces, joutes enveloppées les unes
,dans les autres , ce que ne .fait jamais aucun os
proprement dir. . . . r
Les entailles faites à la furface d une défenfe
ne fe rempliffent dans aucun cas ; elles ne difpa-
roiffenr qu’à mefure que la défenfe s ufe par le
frottement.
Il n’ eft point rare de trouver des corps etrangers
enclavés , 8e comme foudés dans la fubftance
de l ’ivoire, fans qu’ il en pareille aucune marque
à l’extérieur. Le doéteurKlockner, dans une lettre
adreffée à Camper, cite le cas d'un tourneur
d’Amfterdam, qui trouva une balle d or dans l intérieur
d’une défenfe d’élephant. Pennant a^ fait
la même obfervation fur des balles de cuivre.
Camper rapporte plu fi r ut s faits analogues j plufieurs
autres auteurs en parlent également (1)»
On en conferve un exemple dans le Muféurn d hu-
toire naturelle de Paris, & un fécond dansjes-
collections de la Faculté de médecine de la meme
ville. Les fibres longitudinales de 1 ivoire , inter-
rorrrmes dans leur cours y entourent le métal &
reftent féparées de la fubftance faine par «ne gerçure
concentrique, qui s’étend à quelque dntance
de la balle. . .
Quelques-uns en ont conclu que le chemin
tra-verfé par les balles avoir dû être rempli par
les fucs mêmes de la défenfe & par fa force organique
, ou , comme s’exprime Haller ( P'hy-
fioL V I I I , pag. 319)3 par une efpèce de ftalac-
tke ; mais il eft bien plus vraifembSable que les
corps métalliques dont il eft queftion,- doivent
avoir pénétré à travers les- alvéoles dans l’extrémité
cave des défenfes, s’être logés dans le
Ci) Blumembach, Manuel d‘Anatomie comparée, pag. 4>-
_Gallandat, Mèm. .de VAcad. de Harlem, I-X, 35a. -
Bonn, Thef Hovian., pag. 146. — Haller, Opera minora, Il r
pag. 554.. — Ruyfch,, Thef. anat., X,.cab. M, fig. 7