
des tropiques, où des myriades d‘infe&es éclofent
à toute heure & fans interruption. Ces contrées
feules, en effet, peuvent fournir à la confomma-
tion que font en ce genre les grimpereaux, les
figuiers, les hirondelles, les barbus, les coucous,
les loriots, les pies-grièches, &c. C ’ eft là furtout
que les grands mammifères font tourmentés par
des animaux parafites ; c’eft là que la nature a
placé le pique-boeuf ( i) .
Les granivores habitent, au contraire-, de préférence
les régions tempérées.
Beaucoup d’oifeaux d'eau fe tiennent dans les
contrées du Nord. C ’eft là que font répandus
•n abondance les poiffons, les rçrollufques & les
zoophytes qui doivent devenir la proie des diverses
efpèces d’oies & de canards, de harles, de
pingouins, de manchots, d’albatroffes, de pétrels,
de goélands, de fous, de mouettes, de plongeons
, de macareux, & c . ,' qu’on obferve vers
les contrées polaires.
Certains oifeaux n’émigrent pas véritablement, 6e fe contentent de s’avancer progreffivemcnt vers
les zones méridionales à mefure que le froid les
pourfuit. Tels font îes pinfons des Ardennes, les
alouettes, les proyers, les ortolans, les litomes,
& autres efpèces erratiques, qui courent ainli à la
recherche de leur nourriture (2).
1319* Les aiimens confidérés par rapport a Vefio-
mac , aux intefiins & aux âges. Nous venons de reconnoitre,
dans le paragraphe précédent, qu’ il y
avoit des oifeaux qui vivoient de chair, & d’autres
auxquels les fruits, les graines, les plantes
fuffifoient pour fe nourrir. Les mêmes caufes phy-
fiques qui déterminent une différence totalement
analogue dans les mammifères, fubfiftent ici également;
les oifeaux carnafiiers ont un efiomac & des
intefiins beaucoup moins étendus que ceux qui fe
nourriffent de grains ou de fruits (3). Le jabot,
qui manque ordinairement aux premiers, femble
remplacer la panfe de,s ru'minans dans ceux-ci,
qui peuvent d’ailleurs vivre d’alimens légers &
maigres, parce qu’ils ont la faculté d ’en prendre
un grand volume en rcmpliffant leur jabot, moyen
de compenfer la qualité par la quantité. Ainfi que
nous l’avons d it, d’ailleurs, les efpèces granivores
ont deux cæcums & un géfier très-vigoureux,
très-ferme & propre à triturer les parties dures
des graines qu’ ils avalent. Les oifeaux de proie ,
au contraire, ont les intefiins bien plus courts,
& manquent fouvent de géfier, de jabot & de
double cæcum. 1 2 3
(1) On fait que cet oifeau des pays chauds vient fur le dos
des beftiaux s’emparer des infcôes qui y ont établi leur fâcheux
domicile.
(2) Klein , Prodrom. avi., part. III, §. 3 , pag. i 56.
(3) F'oyeç la Table des longueurs comparatives des in-
teflins , que nous avons donnés plus haut, page 646. —■
yoyeq auffi les descriptions anatomiques des oifeaux, dans
les Mémoires pour fervir à l’hifioire dés Animaux.
Si donc les oifeaux rapaces ont plus de dureté
dans le naturel & plus de férocité que les autres
efpèces, n’ attribuons ce fâcheux caractère qu’à
un fentiment impérieux, celui de la néceflité. Par
la conformation de leur efiomac, par fuite des di-
menfions de leurs intefiins, ils font forcés de fe
nourrir de chair & de vivre de proie. Quand
même ils fèroient nés doux, ils prendroient bientôt
de la férocité dans i’ ufage de leurs armes &
dans l’habitude des combats. Ce n’efi qu’ en dé-
truifant les autres, qu’ils peuvent fatisfaire à leurs
befoins.
Ce n’ eft pas néanmoins avec beaucoup de raifon
que certains naturaliftes ont prétendu établir une
divifion fyftématique des oifeaux d’après la manière
de vivre ( i) ; car, la plupart de ceux qui fe
nourriffent de matières végétales, peuvent aulfi
manger de la chair. Nous en avons un exemple
journalier dans les poules & les dindons, oifeaux
principalement granivores & qui recherchent avec
avidité les v e rs , les irifedtts, les parcelles de
viande jetées de nos cuifines. Prefque tous les
oifeaux qui paroiffent n’aimer que les femences,
ont pourtant, dans le premier âge, été nourris
avec des infeétes par leurs père & mère.
Dans la plupart des oifeaux, comme on le fait
déjà (2 ) , le fens du goût eft prefque nul. Auffi ,
en général, ne peuvent-ils guère juger des faveurs,
& le plus grand nombre d’entr’eux ne fait
qu’avaler, fans jamais favourer. Voilà pourquoi oh
les voit fouvent s’empoifonner en voulant fe nourrir.
Le perfil, le café, les amandes amères, font
des fubftances très-vénéneufes pourlespoulès, les
perroquets & plufieurs autres oifeaux , qui néaw-
moins les mangent avec autant d’avidité que les
alimens qui leur conviennent le mieux.
D ’un autre cô té , la maftication, afte fi important
dans l’exercice de la digeftion chez les mammifères,
manque totalement aux oifeaux qui avalent
leurs alimens fans les mâcher, & dont le b e c ,
ne repréfentant qu’ à certains égards les mâchoires
des quadrupèdes, ne fupplée que très-imparfaitement
à l’ office des dents.
Les animaux dont nous parlons font donc forcés
d’avaler les graines entières ou demi-concaf-
fées feuleme-nt, puifqu’ils ne peuvent les broyer avec
le bec ; mais leur efiomac, autrement conformé
que celui des animaux qui ont des dents, fupplée
au défaut de cette fonction fi importante pour la
digeftion & par fuite pour la nutrition. Tous les
oifeaux granivorés ont un géfier afiez .ferme &
affez folide pour broyer les alimens, à l’ aide particulièrement
de quelques petits cailloux qu’ils
avalent, & qui feinblent repréfenter autant de
dents placées dans la cavité de ce vifeère tritu-
(1) Le nacuralifte prulîlen Frish a publié, d’après ce fyf-
tèrhe, en 1 n36 , à Berlin, une Hijloire des Oifeaux., en
i deux volumes in-folio , avec des figures coloriées,
j fa) Voye-i ci-dcjfus., n°. 8ÿ&.
rant, & dont la force eft telle qu’on a obfervé
qu3, par fon feûl frottement, il avoit rayé profondément
& ufé prefqu’aux trois quarts plufieurs
pièces de monnaie qu’on avoit fait avaler à une
autruche (1) , & qu’une piftole d’or d’Efpagne,
avalée par un canard, avoit perdu feize grains de
fon poids au moment où elle fut rendue (2). D-rs
expériences entreprifes par Réaumur font bien
propres auffi à confiimer l ’idée que nous nous
formons de la force mufculaire de cet organe. Le
célèbre académicien que nous venons de nommer
a vu que cette puiffance fuffifoit pour aplatir des
-tubes métalliques affez épais'& pour brifer le verre
en petites parcelles.
Les oifeaux font donc, de tous les animaux,
ceux dont la digeftion parent le mieux confacrer
le fyftème de la trituration, puifqu’à l’aide des
cailloux qu’ils avalent, les graines font pour ainfi
dirë mâchées dans l’eftomac, mais il s’exerce aulfi,
dans leurs organes, une véritable dilïolution vita
le , comme chez les mammifères; la preuve en
eft que, dans les oifeaux carnafiiers qui n’ont point
de géfier proprement dit, mais dont l’eftomac eft
fouple & purement membraneux , la digeftion s’opère
fort bien , & l ’on a quelquefois trouve, dans
î’oefophage du cormoran, des poiffons déjà à demi
digérés (3).
La membrane ridée, qui revêt l’intérieur du
géfier fi robufte des oifeaux granivores, eft d’ailleurs,
ainfi que celle qui tapiffe l’eftomac des efpèces
carnivores, douée de quelques propriétés
chimiques qui méritent de la faire dillinguer, &
à l’aide defquelles elle joue , fans douce , ici un
rôle affez important. Traitée par l’eau bouillante,
elle fe convertit en gelée, & donne à l’eau la faculté'
de rougir les couleurs bleues & de faire
coaguler le lait. Elle contient, par conféquent, un
principe acide , dont le célèbre Fourcroy a , depuis
long-temps , déjà-fignalé l’exiftence (4).
A la fortie de l ’eftomac, les alimens, réduits
en une forte de bouillie ou de chyme, parcourent
le refte du canal inteftinal, où les particules nutritives
font fucceflivernent abforbées. Le réfidu
eft expulfé par le cloaque.
Les excrémens des oifeaux , ainfi éliminés , ont
un caractère très-diftinél & des propriétés très-différentes
de ce qui appartient à ceux de l’homme
& des mammifères.
On y reconnoît conftamment deux matières
tout-à-rait différentes; l’ une, fouvent plus abondante
& colorée en vert-brun , comme nous l’avons
d it , eft le réfidu même des alimens ; l’autre
(1) Mémoires pour fervir à l’hijloire dis Animaux , tom. I ,
pag. i3y & v -
(2) Colleftion academique, partie étrangère, tome V ,
pag. io5.
(3) Hijloire de l’Académie des fciences, année 1719,
pal(4e)3 7S-y ftème des connoijfances chimi.q ues , • Par.is, an 9,
tome X , page 3x3.
eft plus blanche & plus fèche ; nous en avons parlé
en traitant de l’oeuf.
En général , la fétidité eft loin d'être auffi forte
dans les excrémens des oifeaux, que dans ceux
des autres animaux. D’après les recherches de
M. Je profeffeur Vauquelin , ces excrémens , fpê-
cialementceux des pigeons, fermentent avec beaucoup
de force & de promptitude, & contiennent
un acide affez énergique, d’une nature probablement
particulière.
Or, la préfence d’ un acide dans les matières excrémentielles
des oifeaux, dans la membrane cal-
leufe qui tapiffe leur géfier, la force des mufclt,s
de celui-ci, peuvent, jufqu’à un certain point,
rendre raifon de l’âltérarinn que fubiffent les métaux
dans les voies digeftives des oifeaux, & de
l’autruche en particulier. C ’eft ainfi que Perrault
( 1 ) , ayant trouvé foixanre-dix doubles dans
l’eftomac d’une autruche, lefquels étoient ulés 6c
confommés jufqu’aux trois quarts, jugea que c’é-
toit par les frottemens qu’i's avoient éprouvés;
que cet effet avoit eu lieu ; mais en même temps
cet obfervateur nous apprend que toutes les matières
contenues dans l’eftomac etoient teintes en
vert; il y avoit donc eu une altération chimique
du métal ingéré. Aulfi toutes les autruches qui
avalent beaucoup de cuivre ne tardent pas à mourir.
Vafiifnieri (1) a donc eu raifon de croire
qu’ il y avfoit ici une aétion combinée > fentiment
que confirment encore les obfervations de Santô-
rini fur des clous trouvés dans l’eftomac d’ une
autruche difféquée à Venife, & les expériences
de l’Académie del Cimento (ur la digeftion des oifeaux.
Cet auteur célèbre a vu d’ ailleurs, dans
l’eftomac d’un chapon, un dé à coudre de cuivre,
lequel n’étoit rongé que dans le feul endroit par
où il touchoit au géfier , & qui, par conféquent,
étoit le moins expofé au choc des corps durs ingérés
avec lui. 11 eft d’obfervation aulfi que le
fluide excrété par les cryptes muqueufes_du jabot
imprime très-pfomptement, fur le fer, une tache
obfcure , & que les excrémens des autruches qui
ont avalé du ter font colorés en noir.
Cependant nous ne faurions nous empêcher de
reconnoître que les petites pierres avalées par ïès
oifeaux font néceffaires à leur digeftion. La preuve
en eft que les navigateurs qui veulent tranfpoiter
des poules ou des faifans en Amérique ou aux Indes,
font obligés de mêler du gravier à la nourriture
qu’ils leur donnent, fans quoi ces oifeaux
tombent dans le marafme , & meurent d épuife-
ment (3). Les pigeons, d’ailleurs, apportent du
fable à leurs petits encore au nid.
(1) Mémair. pour fervir A l’hijjtoire des Animaux r parc. I I ,
page 129.
(2) Vallifnieri, L c., tom. I , pag. 2^2.
(3) Harvey ( de Générât, animal. , exexc. 2) & Spal'an-
zani ont donc nié à tort les avantages réfulrant de l’ingst
tion de ces petits cailloux.