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tière {otis tttrax, Linn.) ne pondent point dans
nos climats; mais, dans le Nord, elles pratiquent
un trou dans un fillonde b lé , & y dépotent leurs
oeufs.
Le nid de la tourterelle ( columba turtur, Linn.)
& celui du pigeon ramier ( columba palumbus,
Linn.) eft affez grand & tiffu lâchement, fur les
arbres, avec des branches fèches.
Le paon domeftique pond fur terre dans un lieu
écarté.
Tout le monde connoît la ponte du dindon, de
la poule, du faifan, oifeaux que nous élevons en
domefticité, & dont les petits, comme ceux de
tous les autres gallinacés, cherchent eux-mêmes
leur nourriture au fortir de l'oeuf. Pourquoi ces
•fpèces conftruiroient-elles des nids qui ne leur
terviroient que pour le temps de l’incubation feulement
? Un trou garni de quelques chaumes eft
bienfuffifant. La mère réchauffe fes petits partout
où i's fe trouvent, lorfque, fuivant fes pas, ils fe
font repus de grains, de v ers, d'infeéies qu’elle a
mis à leur portée. •
Mais il n’en eft point de même des paffereaux.
Ceux-ci élèvent fur les arbres, les buiffons , dans
Jes haies, dans les trous des murailles ou des rivag
e s , fur l’herbe, fur la terre même, des nids confl
i t s - avec beaucoup d'art, très-concaves, d’un
tiffu régulier & ferré, fouvent défendus par des
épines au dehors, mais toujours rapides en dedans
d'un feutre mollet. Foibles & entourés d’ennemis
nombreux, les oifeaux de cet ordre mettent
plus d’ in Juftrie que les autres dans la conf-
truélion de leurs nids, foit pour les dérober à la
vu e , foit pour les préferver de toute infulte ( i ) .
Un feulgenre de cet ordre, celui des engoule-
vens, dépofe fans art, à terre, dans les taillis, ou
dans un trou de rocher, les oeufs qui doivent le
perpétuer.
Les alouettes s’en rapprochent pourtant toutes,
jufqu’ à un certain point j du foin & quelques crins
ou fibrilles de racines leur fuffifent pour fe bâtir
un nid plat, peu concave & peu folide à la fur face
de la terre. Celui de l’ alouette des bois eft le
mieux fait.
C ’eft, au refte, à l’ordre des paffereaux qu’appartiennent,
en tffet, ces yapous ( oriolus per[i-
cus, Lath. ) , de l’Amérique méridionale, qui fuf-
pendent aux arbres, comme des girandoles, leurs
nids innombrables fous la forme d’une cucurbite
étroite, furmontée de fon alambic. Rien de plus
curieux que l’afpeél de ces nids, compofés feulement
d nerbes fèches, fixés communément par
centaines aux extrémités des branches d’ un même
arbre, & agités par les vents fur le bord des eaux.
Ceux des baltimores ( oriolus baltimore, Linn.)
ne méritent pas moins l’attention de J’obfervateur.
(i) ColleClion de nids & d’oeufs de différent oifeaux d’A.
%j. Wirfing, décrite par Fr. Cbi. Günther, Nuremb
1^72.
Placés fur les plus grands arbres de la Virginie &
du Maryland, comme les peupliers & les tulipiers,
ils ont la forme d’une bourfe à deux ouvertures.
Attachés à l’extrémité d’une groffe brao-
ch e , ils font ordinairement Toutenus par deux
petits rejetons qui entrent dans leurs bords.
Ceux des carouges ( oriolus americanus') font
bâtis fur un tout autre modèle. Ces oifeaux fa-
vent entrelacer avec dextérité des fibres végétales
en hémifphère, dont ils partagent l’aire en quatre
chambres pour autant de couvées, & qu’ils
ont l’art de coudre fous une feuille de bananier
qui lui fert d’abri & qui fait elle-même partie du
nid (1).
Le guit-guit ( certhia cstrulea, Linn.) , habitant
de la Guiane françaife & de Cayenne, difpofe aufii
fon nid avec un art tout particulier (1 ). En dehors
, il le bâtit de groffe paille & de brins d’ herbes
un peu fermes ; en dedans, il le revêt de matériaux
plus doux ; il lui donne à peu près la figure
d’une cornue, & le fufpend, par la bafe , à l’extrémité
d’ une branche foible & mobile} Couverture
eft tournée du côté de la terre}. par cette ouverture,
l’oifeau propriétaire entre dans-le col de
la cornue, qui eft prefque droit & de ïa longueur
d’un pied, & il grimpe jufqu’ au ventre de cetre
même cornue qui eft le vrai nid^ôc où la couvée
& la couveufe font à l’abrrdes araignées avicu-
laires, des lézards & de leurs autres ennemis.
Mais, fans quitter notre propre pays , nous
avons des exemples d’ une induftrie auffi étonnante
dans le loriot ^oriolus galbula, Linn.), qui
attache fon nid for des arbres élevés, quoique
fouvent à une hauteur fort médiocre, mais toujours
à la bifurcation d’une petite branche, autour
des deux rameaux de laquelle il enlace de
longs brins de paille ou de chanvre,dont les uns,
allant dire&ement d’ un rameau à l’autre, forment
le bord du nid par-devant, & les autres, pénétrant
dans le tiffu même de l’ouvrage, ou paffant
par-deffous & revenant te rouler lurle rameau op-
pofé, fervent à donner une grande folidité. Ces
longs brins de chanvre ou de paille, qui prennent
le nid par-deffus, en font l’enveloppe extérieure}
le matelas intérieur, deftiné à recevoir les oeufs ,
eft tiffu de petites tiges de graminées, dont les
épis font ramenés fur la partie convexe, & pa-
roiffent fi peu dans la partie concave, qu’on a
pris plus d’une fois ces tiges pour des fibres de
racines; enfin, entre Le matelas intérieur & l’enveloppe
extérieure, il y a une quantité affez con-
fidérable de mouffe, de lichen, & c . Le tout eft
difpofé avec tant d’art, que le vannier le plus habile
auroit peine à l’imiter. Mais cela ne luffit point
encore j au moment de dépoter tes oeufs, la femelle
perfectionne fon travail en garniffant mollement
l’intérieur de la demeura future de tes petits
(1) B ri (Ton , (2) Seba, Omithol., rom. I I , pag. n 5. Thefaur. , I, pag. 106,
Oifeaux, 6 0 9
avec des toiles d’araignées & des nids foyeux de
chenilles, qu’eïle a le talent de réunir & de tiffer
de la manière la plus intime, les attachant même
enfemble avec des plumes, comme nous pourrions
le faire avec des épingles.
Le rollier, les corbeaux, les corneilles, les
choucas conliruifent des nids folides fur les arbres
;ü s en font le tiffu avec des fibres & des racines;
ils en fortifient le fond à J ’aide de quelques
mottes de terre ; & ils le tapiffent à l’intérieur de
mouffe , de poils & de laine.
Celui de la pie eft hériffé des branches épineu-
fes du prunellier, & plus il eft en vue, plus il eft
gros, cimenté & hériffé.
Le martin-pêcheur ( alcedo ifpida ) fe pratique
un long boyau dans les bords efcarpés des rivières
, & en tapiffe le fond, qui eft plus large, avec
des tiges fèches de graminées.
Aux Philippines, le toucnam-courvi (loxiaphi-
lippina, L inn.), en Abyffinie, le baglafecht, à
Madagafcar, le neli-courvi {loxia penfilis, Linn ),
conftruifent des nids encore plus admirables que
celui du loriot. Ces oifeaux, de la taille de nos
moineaux à peu près, compofent cet édifice de
petites fibres de feuilles entrelacées les unes dans
les autres, & lui donnent la figure d’ un fac étroit,
dont l’ouverture eft placée à un des côtés; à cette
ouverture eft adapté un long canal, compofé de
même de fibres de feuilles, tourné vers le bas, &
ayant fon orifice en deffous, de forte que la vraie
entrée du nid ne paroît point du tout (1). L’édifice
eft d’ ailleurs fufpendu au bout des petites branches
des arbres, ouauX tiges des joncs & des
carex, qui croiffent fuirJe bord des eaux.
Le baglafecht met encore plus d’ art que les
deux autres dans la conftruétion de ce nid fingu-
lier; car le canal, dont nous avons parlé, eft,
dans le lien, contourné en fpirale comme la coquille
d’une nautile. Tout l’ouvrage eft fufpendu
au-deffus d'une eau dormante, & l'entrée de l’édifice
eft conftamment tournée vers l’eft, c’eft-à-
dire, du côté oppofé à la pluie. C ’eft ainfi que le
nid de cet oifeay eft non-feulement fortifié avec
intelligence contre l’humidité, mais encore défendu
efficacement contre les attaques des animaux
qui cherchent les oeufs pour s’en nourrir.
Quant au neli-courvi, chaque année il attache
fon nid nouveau à celui de l’année précédente &
ainfi de fuite. On voit quelquefois ainfi cinq à fix
cents de ces nids fufpendus à un feul arbre (2).
Le tifferin républicain {loxia focia , Latham )
offre un autre genre d'indyftrie. Cet oifeau , découvert
par Paterfon, dans fon voyage chez les
-Cafres, parle Cap de Bonne-Efpérance (3 ), fe
réunit en troupes de huit cents ou mille indivi-
((21)) SBornilnloenra, i/,. c . , tom. F il, pag. a34 & 235. pag. 200 , t. 112.Voyage aux Indes & à lu Chine, tom. II,
(3) TravelsJmo Cafr. and Cap.t pag. 126.
dus, q u i, travaillant de concert, choififfent un
grand mimofa pour élever une habitation. Celle-
c i , tiffue de joncs & de plantes fibreufes, eft
par conféquent très considérable. L’intérieur en
eft divifé en cellules ou en compartimens, & elle
a plufieurs iffues irrégulièrement placées. _
C ’eft encore ainfi qu’en Amérique on voit des
oifeaux de l’ordre des grimpeurs, les 3nis des
favanes {crotophaga ani, Lin n .), raffemblés dans
de grands nids couverts de feuillages, & conftruits
avec des bûchettes fèches, couver deux fois par
année en nombreufes compagnies..
Le nid des oifeaux-mouches répond à la delica-
teffe de leur corps; du volume de la moitié d'un
abricot ( 1 ) , il eft fait d’ un coton fin ou d’ une
bourre foyeufe, recueillie fur des fleurs ; fortement
tiffu, il a la confiftance d'une peau douce &
épaiffe ; la femelle fe charge de fa conftru&ion &
laiffe au mâle le foin d’apporter les matériaux ;
empreffée à ce travail, elle choifit, elle emploie
brin à brin les fibres propres à former le berceau
de fa progéniture ; elle en polit le bord avec fa
gorge, le dedans avec fa queue , & collé tout à
l’entour extérieurement des petits morceaux d'écorce
de gommier (2).} le tout eft fufpendu à
deux feuilles ou à un brin d’oranger, ou au
chaume d’une café (3).
Nous ne pouvons ici non plus oublier de parler
du nid gélatineux de la falangane {hirundo efcu-
lenta , Linn. ) , nid auffi fingulier que célèbre,
parce qu’ il fe mange & eft fort recherché , foit à
la Chine, foit dans plufieurs autres pays voifins
fitués à cette extrémité de l’Afie. Les écrivains
ne font d’accord ni fur la matière de ce nid , ni
fur les endroits où on le trouve. Les uns difent
que les falanganes l’attachent aux rochers , fort
près du niveau de la mer (4) ; les autres, dans les
creux de ces mêmes rochers (y) ; d’autres encore
, qu’elles les cachent dans des trous, en
terre (6).
Quoi qu’il en fo it , les nids de falangane , que
l’on a fouvent nommés nids cC alcyon y ont une
forme hémifphérique affez analogue à celle des
bénitiers, & font ftriés & rugueux. La fubftance
qui les conftitue eft blanche, cornée, dure, demi-
tranfparente, affez femblable, pour l’afpeét général
, à l’ichthyocoile.
Mais c’eft affez nous entretenir des paffereaux
étrangers à nos climats ; jetons un coup d’oeil
rapide fur les nids de ceux de la France, en prévenant
toutefois que ce n’eft pas fans regret que
((12)) FDeuutiellrétcre, ,J otoumrn.a lI dI‘,O pbafegr. v2a6t.2,. I , pag. 4 ï3.
(3 ) Browne, Jamaïc», pag.,47^.
' ((4) Curiofitès de la nature & de l’art, pag. 1 -o. 5) J. de Laet.—MufeumfVorm.^^z^.^ii.—Vanneck,
fécond Voyage, page 191,
pag(6e ) 2GGe8m. elli Carreri, Voyage autour du Monde , tome V,
Oooo 1