i l’o;/unon généralement reçue, il n’eût point eu la satisfaction d’éclairer ce
point de doctrine. Il n’y a point jusqu'à l’art de préparer les os, de leur donner
la blancheur de l’ivoire, r.itor ebur aemulans, de les conserver, de les réunir
par dès liens artificiels, art connu depuis long-temps, arrivé depuis long-temps
aussi a un haut degre de perfection, et devenu toüt-à-fàit vulgaire, qui ne soit
susceptible de faire des progrès, si l’on se livre à de nouveaux essais, et qui ne
puisse donner des résultats non soupçonnés , peut-être, sur la texture et la composition
intime dé ces organes qui constituent la charpente du corps. C’est en
s en occupant, que, dans le courant de cette année, mon frère a trouvé le
moyen de rendre très-apparentes les dernières ramifications des sinus veineux
des os du crâne; pour cela, il lui a suffi de dépouiller ces os du phosphate de
chaux qui remplit les aréoles de leur parenchyme; il ne reste plus que leur trame
gélatineuse et transparente, au sein de laquelle on voit parfaitement se distribuer
les vaisseaux.
De ce qui précède, il résulte donc que, même dans l’anatomie de l’homme, les.
recherches faites jusqu’à ce jour, quoiqu’immenses, sont néanmoins encore
incomplètes ; et puisqu’il faut chercher jusqu’à ce que l’on ait trouvé tout ce
qu’on cherche, cette science est loin d’être parfaite.
Mais les vides deviennent bien plus manifestes si l’on veut approfondir les
merveilles que nous offre, dans sa structure, le corps des divers animaux qui
peuplent la surface de la terre, s’élèvent dans les airs, ou parcourent la vaste
étendue des mers. Il reste encore beaucoup plus à faire, peut-être', qu’il n’y a
déjà tle fait. Après s’être exercée d’abord sur ce sujet ( i), l’activité des anatomistes
se trouva entièrement concentrée dans l’examen du corps humain, e t,
comme le dit Vicq-d’Azyr dans un de ses éloquens discours, ce n’a été qu’après
y avoir pour ainsi dire épuisé,leurs efforts, qu’ils sont revenus, par choix, à
1 objet de leurs premières études, cultivé long-temps par nécessité.
Les fàiis recueillis déjà sont presqu’innombrables, et, selon nous, la première
chose à faire, le service le plus important à rendre à la science, est de les classer,
afin de mettre ceux qui sen occupent à même d’en découvrir de nouveaux.
Une fois, en effet, que l ’ordre est établi dans une matière quelconque, l’étude
en est rendue infiniment plus simple et plus aisée. C’est une remarque qui devient .
surtout applicable à l ’anatomie, où tant de faits se présentent à la fois, se succèdent
ou s entre-mêlent, qu’il est impossible que la mémoire n’en soit point
surchargée. Haller a dit quelque part, en parlant de l ’organisation de l’homme
seulement, quil falloit au moins dix années de dissections assidues pour se (i)
( i ) Aristote, Democriiç, Galien, etc,, n’avoient dissètpie que des aninaïuw.-
mettre en état de voir par soi-mêine ce qui avoit été découvert et décrit par les
autres.
Il est donc bien essentiel que l’ordre le plus grand règne dans un ouvrage destiné
à offrir le tableau de nos connoissances actuelles en anatomie, que tous lesr
organes y soient disposés par séries constantes, de manière à ce que, comme
dans une collection de pièces préparées et conservées, on puisse les voir passer
par leurs degrés successifs d’accroissement et de décroissement, offrir leurs différences
individuelles et sexuelles, leurs points de contact ou d’éloignement dans
les diverses classes du règne animal ; leurs anomalies, leur structure intime, etc.
Dans un pareil ouvrage, l’organe de l’audition, par exemple, formé chez
les mollusques céphalopodes, d’un labyrinthe membraneux et pulpeux à nu,
seroit montré, chez les crustacés, constitué d’une même partie, mais recouverte
d’une croûte calcaire; on verroit ainsi ce labyrinthe se compliquer graduellement,
offrir, chez les poissons éleuthérobranches, des canaux demi-circulaires ,
avec des osselets en nombre variable, et susceptibles, comme l ’a prouvé Camper
(i), de communiquer les vibrations à la masse gélatineuse et tremblante,
dans laquelle ils flottent suspendus; s’adjoindre, chez quelques sauriens, un
premier rudiment de limaçon , comme l’a fait voir Comparetti pour les lézards ;
puis un limaçon complet, chez les oiseaux et chez les mammifères (2) ; dans
quelques animaux, s’ouvrir au dehors, à l ’aide d’un tympan; dans d’autres, être
entièrement renfermé dans le crâne, et caché par les os.
C’est en suivant cette marche, en effet, que l’anatomie Comparée offrirait un
autre attrait que celui de la curiosité. Quels secours n’en tireroit point la physiologie!
« Il est bien naturel de croire, dit M. Cuvier (3), que les parties qui
» se trouveront constamment dans tous les animaux qui entendent, seront
» celles qui sont absolument nécessaires à l’ouie en général, et que celles-là au-
» ront un rapport plus particulier avec tel ou tel ordre de qualité du son qui se
» trouveront plus développées dans ceux des animaux qui perçoivent plus par-
» faitement cet Ordre de qualités. »
E t , d’ailleurs, pour continuer à nous servir d’un seul exemple, quels avantages
reviendroient encore à la physiologie, si ceux qui se livrent à son étude trouvoient
à leur disposition, et pour ainsi dire sans effort, par la manière dont on les
indiqueroit, les variétés offertes, suivant les âges, par cette même oreille ! s’ils
voyoientia membrane labyrinthique, très-vasculeuse chez l’enfant nouveau-né,
(1) Mémoires présentés, e tc., tome IV.
(2) Scarpv., Anatorniôoe disquisitiones de audi-tu et olfactu. ||| Tn-f’ol. Mediqlani, 17Q.à.
(3) Leçons d Anatomie comparée de G. Cuvier, recueillies et publiées parDuméril, in-8°., tom. I I ,
page 45g. Paris 3 an 8,
6 if