
C ’ eft furtout dans la faifon des amours, que
la voix des oifeaux fe renforce & fuit un rhythme
plus v if & plus brillant. Le chant e ft> chez
eux, le produit naturel d’une douce-émotion :
il fe renouvelle tous les ans & ne dure que deux
ou trois mois j il s’altère ou s’éteint, dans le
refte de l'année, comme la flamme de l’amour
fathfait.
Ainfi le roflignol, en arrivant avec les premiers
jours du printemps, ne chante point eri-
core j il garde le filence jufqu’à ce qu’ il foit
apparié, & fa voix ne devient qu’alors pleine,
éclatante & foutenue jour & nuit.
En outre , la douceur de la voix & l’agrément^
du chant des oifeaux paroiffent des qualités en
partie naturelles & en partie acquifes ; la grande
facilité qu’ ils ont à retenir & à répéter les fons,
fait que non-feulement ils en empruntent les uns
des autres, mais que fouvent même ils copient
les inflexions, les tons de la voix humaine & de
nos inftrumens. Il eft allez fingulier, comme l’a
déjà fait obfefvèr le Pline français, que dans les
pays peuplés & policés, la plupart des oifeaux
aient le chant mélodieux , tandis que dans l’rm-
menfe étendue des déferts de l’ Afrique & de
l’Amérique, où l’ on n’a trouvé que des hommes
fauvages, il n’exifte aufli que des oifeaux
criards..
Dans les oifeaux, e’eft au bas de la trachée-
artère, à l’endroit où elle fe bifurque pour pé-*
nétrer dans les poumons, qu’exifte la véritable
glotte, pourvue de tout ce qui eft néceffaire pour
former un fôn. Et ce neft pas feulement par
l’infpeétion des parties que l’on peut s’ aflurer
de ce fa it , l’expérience le confirme*
M. Cuvier, en effet > ayant coupé la trachée-
artère d’ un merle, vivant, à peu près au milieu
de fa longueur, a fecoué l’oifeau de manière à
le faire crier. Ses cris ont été très-fenfibles,
quoique plus foibles qu’ auparavant.
C e favant a répété la même opération fur une
p ie 5 cet animal n’a point ceffé de crier, & fes
cris n’ont été ni moins forts ni moins aigres
qu’auparavant. Il a écarté & bouché la moitié
fupérieure de la trachée-artère, & cela n’a rien
changé aux fons, qui ont duré pendant dix. minutes.
'
La même opération a donné le même réfultat
chez une canne.
Il réfulte_ de-là que la trachée-artère des oifeaux
n’ eft point un fimple tube conducteur de
l ’ a ir , mais qu’elle eft bien un véritable tube
d ’inftrument çonduCteur du fon, qui eft formé, à fon embouchure, par une anche membraneufe,
ou , mieux,. par deux lèvres qui repréfentent
celles, du joueur de cor de chaffe, & qui ne
font autre chofe que des replis de la membrane
muqueufe des bronches. Libres & élaftiques, ces
replis font fufcepçibles de relâchement & de raccourciffemenr,
& contribuent ainfï à rendre les
fons ou plus graves ou plus aigu?.
A ces deux fources de modifications fe joignent
les changemens de largeur de l’ouverture, &: les
différentes viteffes de l’air qui en réfultent. Au
refte, tant qu’ il n’y a que l’anche de changée, &
que la longueur de la trachée-artère & fon orifice
fupérieur relient les mêmes, les variations des
fons font bornées aux harmoniques du fon le plus
grave, ainfi que l’a démontré M. Cuvier (1).
En coriféquence , en défignant par ut 3 ce fon le
plus grave, produit par le plus grand alongement
& le plus grand relâchement poffibles de l’anche,
un oifeau ne peut donner, en la raccourciftant,
que l’oCtave ou Y ut en deffus, la quinte ou le fol
de cette octave, la double oCtave , fa tierce ou
m i, & fa quinte fo lt la triple oCtave, & ainfi de
fuite j en prenant toujours les fons dont le premier
fera une aüquote, & cela aufli haut que la
voix de l’individu examiné pourra monter.
Mais les oifeaux ont reçu de la nature deux
moyens pour donner beaucoup de notes dans les
oCtaves baffes.
L’ un eft le raccourciffement de la trachée-
artère.
L’autre eft la dilatation ou le refïèrrement du
larynx fupérieur y qui fait de la trachée-artère
un inftrument du genre de ceux que, dans les
Jeux d’orgues, on appelle tuyaux à cheminée ou
a. fufeau.
En général, on peut affirmer que le fon eft
produit dans les organes de la voix des oifeaux,
de la même manière que dan? les inftrumens à
vent de la claffe des cors & des trompettes, ou
dans l’efpèce de .tuyaux d’orgues nommés jeux
d*anche} & qu’ il eft modifié, quant à fon ton,,
par les variations de la glotte, par celles de la
longueur de la trachée-artère, & , enfin, par le
rétréciffement ou lelargiffement de l’orifice du
larynx fupérieur..
La voix de? oifeaux eft fufceptible de perfection.
On concevra facilement ce phénomène, fi
l’on fe rappelle que les facultés phyfiques apparentes
ne font point les feules caufes qui déterminent
les allions des animaux, & qu’ il y en a
d’une nature plus délicate, dont on défigne l’en-
femble, dit un célèbre profeffeur de nos- jours,
par le nom d’inftinét, fans en connoîcre la nature.
Il eft bien évident, par exemple, que x ’eft
l’inftinét feul & non point la conformation de
l’organe, qui a déterminé les airs naturels à chaque
efpèce d’oiféaux, puifqu’ils apprennent à fe
contrefaire les uns les autres, & , malgré la
grande différence de leur chant naturel, répètent,
avec une facilité prefqu’égale, les airs
qui leur font enfeignés par un fiffleur ou par
(.1) £. c. , gag. 4,56..
une fermette; quelquefois même p»r un autre
oifeau.
C ’eft ainfi que l’on a ôbfervé que les rofiignols,
pris très-jeunes, ne chantent jamais aufli bien que
les roflignols fauvages, à moins qu’on ne fufpende
leur cage, à la campagne, dans des lieux où ils
puiffent entendre ces derniers.
D’ailleurs, ne voyons-nous pas, pour ainfi dire
.journellement, des oifeaux dont le ramage naturel
eft affez peu agréable, tels que le bouvreuil,
qui grince comme une fc ie , ou l’étourneau, qui
a un cri des plus aigres, être perfectionnés par
les foins de l’homme, & mériter alors notre attention
par la douceur de leurs chants ?
F O N C T I O N C I N Q U I È M E .
L a d i g e s t i o n .
S e c t i o n p r e m i è r e .
9457 Le bec. On nomme ainfi, dans les oifeaux,
un organe qui répond à la bouche de
l’homme, à la gueule des mammifères, aux mâchoires
des infeâ es , aux fuçoirs des vers & des
zoophytes, mais qui ne leur reffemble en rien
par fon organifation.
Cet organe eft formé par les deux mandibules,
pofées l’une fur l’autre, revêtues de lames cornées
, renfermant la langue, & percées des deux
narines.
En examinant fa ftruCture intérieurement &
avec attention, on reconnoït qu’ il eft compofé
de fix os, fa voir, l’os du bec fupérieur , celui du
bec inférieur, les os palatins & les os carrés.
( Voye1 nos. 11 & 20. )
Les oifeaux n’ont ni lèvres, ni dents; leur bec,
qui ne peut broyer les alimens, leur fert pourtant
à les faifîr & à les diviler. Mais ce ne font point
là les feules fondions qu’il eft appelé à remplir;
à l’exception de quelques efpèces, q ui, comme
les perroquets , fe fervent de leurs pieds pour fai-
fir & tenir les objets, tous les autres oifeaux
l ’emploient au lieu de mains : c’ eft avec lu i, en
effet, qu’ils ramaffent les matériaux néceffaires
à la compofition de leur nid, & qu’ils les arrangent
; c’eft avec lui qu’ils attaquent ou fe
défendent.
On peut, en général, tirer de la forme & de
la folidité du bec, des indices fur les alimens dont
fe nourriffent les oifeaux. Cette règle n’ eft pourtant
pas fans exceptions. Le bec crochu n’eft
point, effedivement, comme le prétendent les
gens amoureux des caufes finales, un ligne certain
d’un appétit décidé pour la chair, ni un
inftrument fait exprès pour la déchirer, puifque
les perroquets & plufieurs autres oifeaux, dont
le bec eft crochu, femblent préférer les fruits Sc
les graines à la chair (1). Mais il n’ en eft: pas
moins vrai que les variations qu’ on remarque
dans la forme des mandibules fe trouvent pref-
que toujours en concordance avec la nourriture
habituelle des oifeaux parvenus à l’ âge de puberté.
Ainfi l’éminence offeufe qui arme, en dedans,
le bec fupérieur des bruans, fert à ces oifeaux à
brifer les graines dont ils font leur aliment.
La dentelure du bec des haries leur fert vifi-
blement à retenir les poififons gliffans & écailleux,
qui, fans elle , s’échapperoient de leurs foibles
& étroites mandibules.
La fingulière conftrudion de cet organe dans
le bec-croifé ( loxia curviroftra) n’annonce-t-elle
pas évidemment un oifeau qui fe nourrit des
! femences du pin, & qui doit pouvoir, en con-
féquence, défunir les écailles du cône dans lequel
elles font renfermées ?
Il devient clair, d’après cela, que le bec doit
offrir une foule de différences, non-feulement
dans les différens ordres, mais encore dans chacun
des genres de la grande claffe des oifeaux.
Ces différences peuvent être rapportées à la
dire&ion, à la figure, au volume, à la furface,
à la fubftance' des mandibules, confidérées en-
femble ou féparément.
a. Direâlion. Le bec eft droit dans le héron
(ardea major, Linn.), dans le pic-vert (picus viri-
dis, Linn.), dans les divers jacamars dAmérique
-( galbula paradif&a , Lathar» ; galbula albiroftris ,
Latham, & c . ) , dans l’étourneau ( (turnus vulga-
ris, Lin n .), dans les carouges ( oriolus iGlerus,
oriolus mexicanus, & c .) . "
Il eft légèrement fléchi dans le corbeau (<corvus
corax , Linn.), dans l’aracari (pterogloffus aracari) ,
dans le momot ( ramphaftos momota , Gmel. ).
Il eft un peu crochu dans la plupart des gallinacés,
dans les pies-grièches, &c.
Il l’eft beaucoup plus dans tous les oifeaux de
l’ordre des rapaces, & dans les perroquets, qui
appartiennent à celui des grimpeurs.
Chez les pétrels, il eft crochu par le bout, 8c
fon extrémité femble faite d’une pièce articulée
au refte.
Il eft courbé en arc dans le courlis ( fcolopax
armata y Linn. M
Il eft recourbé en haut dans l’avocette (recurvi-
roftra avocetta, Linn.) & dans le jabiru {myfteria
americana, Linn. ).
Enfin, dans le flammant, il eft comme brifé
dans fon milieu.
b. Figure. Le bec eft conique dans le moineau
(.fringillà domeftica , Linn.), dans le friquet ( frin-
gilla montana ) , dans le mangeur de riz ( corvus
furinamenfis, Gm e l.) , dans la linotte (fringillà
linaria, Linn.).
Il eft fubulé ou en alêne, dans l’anhinga (p/o-
tus melanogafter), dans les méfanges, & c .
Il eft terminé par une pointe aiguë dans le char*
K k k k 1
l i ) Buffon, Difcours fu r la nature des oifeaux.