D E L A N O M E N C L A T U R E D E S
M I N É R A U X .
La minéralogie et les autres sciences naturelles
ont été cultivées, pendant une longue suite d années,
sans que l’on ait paru sentir combien les
mots qui sont les signes de nos idées, pouvoient
influer sur la facilité (l’acquérir et de se rappeler
ces idées elles-mêmes. La langue de ces sciences
n’étoit soumise à aucune règle fixe ; le caprice des
nomenclateurs décidoit et du choix et du nombre
des mots qui composoient chaque dénomination ;
et ces mots souvent impropres, ou même susceptibles
d’offrir un sens faux et trompeur, avoient
le double inconvénient de nuire à l’opération de
la mémoire, et d’offusquer la vue de l’esprit.
Enfin Linnæus entreprit de faire parler à l’histoire
naturelle une langue" raison née et vraiment
méthodique, en réduisant chaque dénomination
à deux noms, dont l’un étoit commun à l ’espèce
dénommée avec toutes celles qui appartenoient
au même genre, et l’autre servoit de signe distinct
if à cette espèce. L ’exemple de ce savant illustre
a entraîné tous ceux qui depuis ont cultivé avec
le plus de succès l’étude de la nature ; et les auteurs
de la chimie moderne ont porté une semblable
précision dans l’idiome de cette science,
où elle se trouve jointe à un avantage particulier,
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qui naît du fonds même du sujet. Il consiste en
ce qu’ici nommer et définir ne sont qu’une même
chose, et que la seule collection des noms, tels
que ceux de fluate de ch a u x , sulfate de baryte,
etc. présente un traité abrégé de la science.
Nous avons adopté cette nomenclature partout
où les connoissances acquises le comportaient, et
parmi une foule d exemples que nous pourrions
citer, pour prouver combien la minéralogie a
gagné à cette adoption, nous nous bornerons a
celui que fournit le nom de spath. On avoit
d’abord réuni sous ce nom plusieurs especes de
minéraux, qui avoient un tissu lamelleux et chatoyant.
Ainsi il y avoit des spaths calcaires, des
spaths pesans, des spaths flu o r s , des spaths
é tince lan s, etc. Dans le temps où les différens
corps désignés par ce nom composoient un genre
unique, comme il paroît que cela avoit lieu vers
l ’origine de la science , c’étoit la méthode qui
péchoit plutôt que la nomenclature, en identifiant
des espèces essentiellement distinguées entre elles.
Mais depuis, ces mêmes corps ayant été mieux
connus, furent séparés les uns des autres et placés
dans différens genres, ou même dans différentes
classes, et cependant on ne laissa pas de leur conserver
la dénomination commune de spath, et
l ’on se mit ainsi dans l’alternative inévitable ou
de paroître morceler un genre, pour en disperser
les membres, cç qui est contre tous les principes