
nature : imiter ses beautés et rendre ses désordres,
sont chez eux le comble du génie. Au iieu de ces
allées plantées avec symétrie , au lieu de ces terrains
uniformes qu’on voit dans lès jardins d’Europe
, on ne trouve dans ceux de la Chine, que
des sentiers tortueux, des arbres épars et jetés au
hasard, dés collines boisées ou stériles, des vallons
profonds et des passages étroits , dont les côtés
escarpés et coupés à pic sont hérissés de rochers *
et offrent aux yeux quelques misérables arbustes.
Extrêmement bizarres dans la composition de leurs
jardins , les Chinois aiment à rapprocher , sous
le même coup d’oeil , des terres cultivées et des
champs arides ; iis s’appliquent, sur-tout, à rendre
ie terrain inégal, et à le couvrir de rochers
factices; iis creusent des cavernes dans les mon*
tagnes ; iis élèvent sur les pentes des pavillons à
moitié renversés, et tracent à travers ces désordres
d’une nature imaginaire, des sentiers qui, toujours
disposés en lignes obliques, et revenant sans
cesse sur eux-mêmes, prolongent pour ainsi dire
fétendue du terrain , et doubient ie plaisir de la
promenade.
L’eau , lorsqu’il est possible de s’en procurer ,
après s’être précipitée du haut des coijines, et
s’être ouvert une route à travers les rochers, parcourt
ordinairement les jardins en différens sens ,
et se rend ensuite dans un étang sur lequel des
barques d’une forme élégante procurent aux femmes
l’amusement de la pêche et le charme d’une
douce fraîcheur.
Des pierres jetées au hasard et s’avançant jusque
dans l’eau , soutiennent les terres qui bordent ces
canaux, et en rendent les contours irréguliers ; çà
et là des arbres isolés et des saules pleureurs répandent
une ombre mélancolique sur un terrain
couvert de sable et de coquillages.
Les larges feuilles du nénuphar et ses fleurs en
forme de tulipes, couvrent la surface des étangs >
tandis que mille petits poissons d’une couleur brillante
en parcourent l’étendue , ou se tiennent à.
l’abri de la chaleur parmi les joncs qui leur servent
de retraite.
De petites îles ornées de pavillons et d’arcs de
triomphp , occupent le milieu de ces bassins ; et
des ponts d’une structure bizarre, bâtis sur les-
différens canaux , entretiennent par-tout un passage
facile.
Tel est le goût des Chinois ; ils ne cherchent
dans leurs jardins qu’à contrefaire la nature et à
rassembler et représenter en petit tout ce qu’un
vaste pays peut offrir de pittoresque et d'intéressant.
De pareils jardins demandent des emplacemens
considérables; mais les Chinois n’en ayant pas
toujours, et leur défaut étant d’être constamment