
O B S E R V A T IO N S
consente facilement à anéantir son ouvrage, et à
se priver volontairement, et pour toujours, d’une
consolation qu’il a tant desirée ! Les hommes peuvent
se porter à des actes de férocité envers leurs
semblables ; mais , meme chez les sauvages, les
pères chérissent leurs enfans. O r , supposera-t-on
que les Chinois soient plus barbares que les sauvages
eux-mêmes! Quand on parle du caractère
d un peuple , il faut le peindre tel qu’il, est. Les
hommes sont déjà assez médians , pourquoi les
dégrader encore en les montrant sous un jour
plus défavorable que la vérité ne l’exige ! M. Barrow
se livre trop aux préventions d’un écrivain (a)
passionné contre les Chinois , lorsqu’il dit qu’on
expose dans la capitale trente mille enfans par
annee . cependant il revient bientôt à ses propres
lumières, e t, diminuant ce nombre exorbitant, il
le réduit à moitié, et même à beaucoup moins.
Le lord Macartney ne parle que de deux mille
enfans exposés dans l’année à Peking, et prétend
que dans ce nombre il y a plus de filles que de
garçons ; ¡pais, suivant les premiers voyageurs qui
sont entrés à la Chine, et qui ont rapporté naïvement
ce qu ils ont vu , les filles deviennent la
richesse des parens, parce que n’emportant pas de
dot, elles reçoivent, au contraire, un douaire qui
(a) M. Paw.
passe à leurs père et mère : il est donc de l’intérêt
des parens de ne pas abandonner les filles, et l’on
ne peut supposer que les Chinois les exposent de
préférence aux garçons.
Mendoze (a ) s’exprime en ces termes : ce Si un
i» enfant naît estropié , le père le présente au ma-
ay gistrat, qui ordonne de lui faire apprendre un
aa métier qu’il puisse exercer ; si le père n’en a pas
aa le moyen, ies parens doivent s’en charger ; et
aa. lorsque ceux-ci sont trop pauvres pour en faire
aa les frais , le mandarin place alors l’enfant dan»
aa un hôpital où on l’élève aux frais de l’Etat, aa
8 y a dans toutes les villes des maisons destinées
pour recevoir les enfans exposés ; les missionnaires
et l’écrivain Anglois en conviennent.
Les lois ne permettent donc pas l’exposition
mais on conçoit sans peine que, dans un empire
aussi vaste que la Chine , il se trouve quelques
parens que l’extrême misère réduit à exposer leurs
enfans ; cependant, il faut encore faire une distinction
entre les enfans exposés vivans et ceux
qui le sont après leur mort.
Comme il n’est pas d’usage à la Chine d’enterrer
les enfans dans les tombeaux de famille, et les en-
terremens étant fort coûteux, il n’est pas étonnant
que des gens pauvres exposent leurs enfans morts,
(a) Mendoze, Vetgê }8.