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sont envoyés dans. la capitale , et vendus après
avoir subi une nouvelle diminution. C ’est de cette
manière que les grands se procurent des marchandises
à. vil prix. Nous avons vu entre leurs
mains des montres qui valent ordinairement quatre
cents piastres à. Quanton, et qu’ils n’avoient payées
que cinquante, ou le huitième du prix du premier
achat.
Si les mandarins des provinces n’employoient que
ces moyens pour contenter les fantaisies des ministres
,, et si ces mêmes fantaisies n’alloient pas plus
loin, le mal ne seroit pas très-grand ; mais étant
forcés, pour conserver leurs places, de faire des
présens d’une valeur considérable , et 11’ayant pas
d’ailleurs des traitemens suffisans pour leurs propres
dépenses, ils se trouvent dans la nécessité de
rançonner tous ceux qui dépendent d’eux, de commettre
mille vexations, de ne s’occuper que de leur
fortune , et de fermer les yeux sur ia conduite des
autres mandarins, ou de leurs subalternes. Ainsi,
les ordres du prince deviennent nuls;, et cette surveillance
réciproque des mandarins est souvent chimérique.
Dans certaines circonstances , il est vrai,
et sur-tout dans les troubles , on écrit k Peking :
l’Empereur fait mettre les vice-rois coupables aux
fers , il les casse et confisque leurs biens ; mais en,
intimidant les mandarins, ces punitions ne les corrigent
pas , elles ne font que suspendre pour un
moment leurs brigandages, et ne remédient pas
efficacement au mal, puisque ces mêmes mandarins
disgraciés rentrent bientôt en faveur , et sont
envoyés pour gouverner d autres provinces, ou,
iis réparent leur fortune. L’empereur se sert des
grands , comme d’une éponge, pour pomper
les richesses de ses sujets ; lorsque l’éponge est
pleine , il la presse et la reporte ailleurs , afin
qu’elle se remplisse de nouveau. Je le répète ,,
les Chinois aiment prodigieusement l’argent ; ils
saisissent avec avidité tous les moyens de s en
procurer : ce n’est jamais que 1 occasion qui leur
manque ; on en jugera par les faits que je vais n
rapporter.
UnJFou-yuen de la province de Quang-tong
i’avoit gouvernée avec intégrité ; il en fut nommé
vice-roi : une fois en possession , il imita la conduite
de ses prédécesseurs. Auri sacra fames.
Le mandarin dont le lord Macartney s est plaint
dans son ambassade, avoit été vice-roi du Quang-
tong et du Quang-sy. L’empereur, en le nommant,
lui avoit dit : « je vous place dans une ville
33 où il y a beaucoup de curiosités d’Europe , et
33 d’où on ne m’envoie rien. 33 On peut présumer
que, comprenant le sens de ces paroles, le vice-
roi rendu dans sa province , n’oublia ni 1 empereur
ni lui-même. Les Chinois qui avoient à lui
demander des grâces , n’entroient chez lui qu avec
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