Nous avons signalé, en parlant de la flore, la plupart des plantes
sauvages comestibles ; aucune d’elles ne se mange crue.
„ ^ es n°irs n ont jamais compris que les Européens puissent
aimer la salade sans la faire cuire. Lorsqu’on veut les persuader
en leur en faisant goûter, que ce n’est pas aussi mauvais qu’ils le
croient, ils refusent énergiquement et ajoutent qu'il n’y a que les
bêtes qui mangent l’herbe crue.
La plupart des animaux domestiques entrent dans la nourriture
des indigènes ; mais leur prix élevé, en proportion du poisson, ne
les mettent pas à la portée de tout le monde.
Le boeuf, le mouton, la chèvre, le porc, se trouvent au marché
et sont détaillés par petits morceaux. Le chat, la poule et la pintade
se vendent vivants et à la pièce. Le premier est un mets de
luxe ; on le trouve en cage au marché, comme un vulgaire lapin
d’Europe. Anciennement, le chien lui tenait compagnie, au Dahomey;
aujourd’hui, il est passé de mode ou du moins il n ’y en a
plus assez pour figurer sur la table et garder la maison.
On prépare avec le sang de boeuf et des autres animaux un
mets peu ragoûtant, que les Dahomiens et les Nagos aimentbeau-
coup. On le fait en recueillant le sang frais de l’animal dans une
marmite, en y ajoutant ,du sel et en remuant sur un feu doux
jusqu’à ce qu’il soit caillé, puis séché. Cette poussière ressemble
alors à du tabac à priser ; elle se mange avec de l’akassa.
La chair du lamantin est fort appréciée aussi ; lorsqu’on apprend
qu’un pêcheur a capturé un de ces cétacés, on n ’attend pas qu’il
1 apporte à terre. On prend des pirogues, on va à sa rencontre, et
souvent 1 animal est dépecé et vendu sur la lagune même en un
instant. On voit dans la région de nombreux appareils destinés à
capturer les lamantins ou tout autre gros poisson.
L'iguane est un mets fort goûté.
Le caïman et le requin sont les mets préférés des Kroomen1 et
des Minahs. Le serpent python fait les délices du Nago mahomé-
tan. Beaucoup d’autres animaux de la région sont des comestibles
estimés, tels le singe, le perroquet, le rat des amandes de palme
de la taille d’un lapin, Y écureuil ou rat palmiste, le héron, le cra-
bier, Y aigrette, le tangara, etc., etc.
Les fruits apportent un complément agréable à ces mets variés :
1. Habitants de la Côte de Krou qui se trouvent en grand nombre dans
les villes du littoral.
NOURRITURE ET PRÉPARATION DES ALIMENTS. 137
l’ananas, la banane, l’orange, le citron, la papaye, la mangue,
très communs, sont à la portée de tous.
Enfin, les confitures, inconnues, sont remplacées par le miel.
Comme boissons, les noirs ont le vin de palme et l’eau-de-vie
de maïs, sans compter les quantités d’alcool que leur vendent les
Européens.
Après avoir décrit les mets, nous ajouterons un mot sur le
service.
La table,, inconnue et inutile, est avantageusement remplacée
par le sol ; les sièges seraient dès lors incommodes, et l’on n’y a
jamais songé. Oh s’assied par terre en cercle. La vaisselle est représentée
par un plat unique, écuelle ou calebasse, que l’on place
à la portée de tout le monde au milieu des convives, et le couvert
est mis ; dans les grands dîners, chaque groupe de trois ou quatre
personnes a un plat séparé. La fourchette est avantageusement
remplacée par la main droite, qui saisit les bouchées beaucoup
plus sûrement. La main gauche, appuyée par terre, a pour fonctions
de soutenir le poids du corps généralement placé latéralement
au plat, à cause des jambes. Chacun développe une akassa,
la brise, en trempe une partie dans la sauce et saisit entre le pouce
et ce morceau un peu de ragoût, poisson, viande ou autre chose ;
il fait ensuite disparaître le tout dans sa bouche pendant qu’il prépare
un autre assortiment.
On mange les lèvres fermées et sans bruit ; la conversation est
généralement suspendue jusqu’à ce que le plat soit vide, ce qui,
du train dont vont les convives, se fait fort peu attendre. Lorsque
l’écuelle est nettoyée jusqu’à la dernière bribe, chacun la quitte
alors comme à regret et va avaler une calebasse d’eau et se
laver les mains et la bouche. Ce n’est qu’en dehors des repas que
les noirs usent des liquides ; mais ils ne savent pas les mélanger
à leur nourriture.
Après le repas, on se nettoie les dents ; les cure-dents du pays
sont de petits morceaux de bois dur dont on mâche l’extrémité
jusqu’à ce qu’elle soit ramollie, formant une sorte de pinceau dont
on se sert pour se frotter les dents en tous sens. Les noirs prennent
grand soin de leur dentition dont ils sont fiers. Ils se nettoient
ainsi la bouche plusieurs fois par jour, à leur réveil et après les
repas.
L’heure de ces repas est subordonnée à leurs caprices ou à leurs
occupations ; mais on peut remarquer que l’indigène aime à avoir