vembre 1724, au gouverneur du fort anglais de Savi,: une lettre
où il décrivait les splendeurs dont il était témoin1.
Loin de se plaindre des mauvais traitements du roi, il ne déplorait
que son manque de liberté ; il donnait une foule de détails
sur la générosité et la grandeur du monarque. La cour du roi de
Dahomey était donc, à cette époque déjà, d’un faste et d’une
richesse extraordinaires.
Cette admiration d’un Européen est le meilleur témoignage
que l’on puisse donner de ce degré de luxe dans lequel vivaient
les anciens monarques.
Lamb écrivait que le roi Agadja avait de la vaisselle d'argent,
des bijoux, des tapis immenses, des meubles admirables, et qu’il
maniait les cauris, d’une grande valeur alors, comme du sable. Il
parlait de ses canons de gros calibre et du nombre infini d’objets
venus, on ne sait comment, de la civilisation européenne, que
possédait le souverain des Fons. Le prisonnier anglais demandait
au gouvernement d’avoir plutôt recours à la générosité du monarque,
pour obtenir sa liberté, que de lui offrir des richesses
dont il n’avait que faire.
Le vainqueur d’Ardres et ses successeurs eurent toujours dans
leur palais toutes sortes d’objets appartenant à la manufacture
européenne: étoffes, armes, munitions, meubles de luxe, tapis,
boîtes à liqueurs, pendules, horloges, cannes de promenade, couteaux
de table, cuillers, fourchettes, tasses et aiguières d’argent,
verreries, etc.
Quand ils recevaient des étrangers, ils les traitaient à l’européenne.
11 y avait, paraît-il, de la très bonne cuisine ; le Vatel
dahomien avait appris son métier chez les blancs qui vivaient
sur la côte.
L’usage des voitures n ’était pas inconnu ; les Portugais l’avaient
introduit à Ardres. La Compagnie des Indes avait fait présent au
roi de ce pays, en 1670, d’un très beau carrosse doré, avec un
assortiment complet de harnais magnifiques, croyant, sans doute,
qu’il y avait des chevaux dans le pays.
Le tout était passé au pouvoir du conquérant lorsqu’il s’empara
des trésors du vaincu, et Agadja se promenait par les rues d’Abo-
mey, attelant à sa voiture une cinquantaine de ses sujets, qui couraient
de toutes leurs forces.
l . Smith.
Le sérail du roi était composé de quatre à cinq mille femmes,
gardées par des eunuques, tout comme en Turquie. Le sérail
n’existe plus aujourd’hui, et chacune des femmes travaille pour
vivre, hormis deux ou trois favorites.
On reconnaît, dans ces arrangements et dans plusieurs autres,
quelque chose de l’influence orientale, que l’on peut attribuer à la
présence des mahométans appelés malais, malahs ou mollahs par
les anciens voyageurs, qui jouissaient, à la cour du Dahomey,
d’une grande faveur ; le roi les avait en haute estime.
La description que l’on faisait de ces gens se rapporte beaucoup
à ce que sont les Mandingues aujourd’hui1; les anciens voyageurs
prétendaient qu’ils devaient venir de la côte orientale nord
de l’Afrique. Ils parlaient et écrivaient l’arabe et montraient, sur
ceux qui les entouraient, une supériorité qui était peut-être cause
des faveurs d’Agadja.
On voit également apparaître, dans les réjouissances de cette
époque, des détails qui semblaient copiés sur les nations civilisées.
Le roi avait des bouffons, des favoris, des premier, deuxième
et troisième serviteurs; il avait ses musiciens, qui habitaient le
palais et qui jouaient chaque fois qu’il le désirait. Il faut ajouter
immédiatement que la composition de l’orchestre était loin de
toute copie européenne ; il consistait en tam-tams, flûtes, cornes,
trompes, cloches et objets du même genre produisant un vacarme
étourdissant et peu varié.
Il existait alors dans le pays, il faut le dire, des indigènes qui
avaient vu notre civilisation. Le roi d’Ardres avait envoyé à
Louis XIV un ambassadeur chargé de lui apporter ses protestations
de dévouement ; cet envoyé était un pur indigène, chef très
intelligent et parlant un peu portugais. Les Portugais l’avaient
baptisé et nommé Mattéo Lopez. La Compagnie des Indes se
chargea de le transporter, lui et sa suite, à Paris. Il fut d’abord
conduit à la Martinique, où il visita l’établissement de la Compagnie,
et, de là, à Dieppe, où il débarquait le 3 décembre 1670. Il
arrivait à Paris le i 3, et les directeurs de la Compagnie députèrent
deux de leurs membres, qui furent le recevoir à Saint-Denis avec
deux carrosses à six chevaux, qui firent en ville une entrée triomphale
et le conduisirent à l’hôtel de Luynes, que l’on avait meublé
I . Peuples noirs mahométans habitant la région au nord de Sierra-Leone.