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 programme  donné par le roi ; guerriers ou amazones simulent soit  
 un  combat, un  siège, une scène de pillage ou une poursuite. Mais;  
 quels  qu’ils  soient,  ces exercices ne laissent  pas  d’être cruels,  car  
 les  troupes,  excitées  par la présence du roi,  la danse,  le  nombre  
 des spectateurs,  prennent leur rôle  tout à fait  au sérieux,  se  blessent  
 quelquefois grièvement et rapportent tout au moins des écorchures  
 de  ces sortes  d’amusements. 
 Pour terminer la  fête,  le  roi veut aussi voir  le peuple  échanger  
 des  horions.  Il  fait  apporter  des  quantités  de  cauris,  d’étoffes  
 coupées  en morceaux,  de la verroterie et les  fait jeter en  l’air,  du  
 haut de 1 estrade, de  tous côtés, au milieu de  la  foule.  On prévoit  
 aisément le  désordre qui  en résulte. 
 Les  assistants,  excités par les exercices qu’ils viennent de  voir,  
 se bousculent pour ramasser  les dons. Des poussées,  on  en  vient  
 aux  insultes  et  le  monarque,  dans  la  plus  grande  jubilation,  
 assiste bientôt  à une bataille générale ;  les  coups pleuvent,  on ne  
 voit  que des poings qui se lèvent et retombent au milieu des  vociférations  
 sauvages.  La distribution  continue. 
 La poussée devient telle aux environs de l’estrade, que des gens  
 sont  soulevés  et courent littéralement sur  les  épaules des  autres.  
 Cette mêlée dure jusqu’à ce que les  cadeaux soient terminés. 
 Le roi et sa suite ont quitté la place  un peu  auparavant. Lorsque  
 le  calme  se  rétablit,  un  grand  nombre  de  gens  sont  emportés,  
 quelques-uns  blessés, mais la plupart à moitié  étouffés,  défigurés  
 ou assommés  à coups  de poing. 
 Telles  sont les  fêtes  des  coutumes. Dans  toutes  les  circonstances, 
   on y trouve la cruauté  et le  sang répandu. 
 Cortège  des  r ich e s se s . —   Le  cortège  des  richesses  a  pour  but  
 de  donner  au  peuple  une  idée  de  la  puissance  du  souverain  et  
 d’augmenter  encore,  si  possible,  son  immense  prestige.  Le  roi  
 fait  défiler,  devant  la  foule  assemblée,  sa  famille,  ses  nombreux  
 serviteurs  et  tous  les  beaux  objets  qu’il  possède.  Le  cortège  est  
 généralement  placé  dans  l’ordre  suivant : 
 Précédés par des tam-tams  et un orchestre indigène,  s’avancent  
 la femme attitrée et les  enfants du roi, parés, pour ce jour-là seulement, 
   de riches  costumes et d’une quantité de bijoux; ensuite, les.  
 femmes  du  Tigre (celles, parmi  ses  épouses,  qui  ne  le  quittent  
 pas),  qui sont  également parées,  ce  jour-là,  de  soie,  d’or  et  de  
 bijoux  de  prix  appartenant  au  roi,  mais  dont  le  port,  en  temps 
 ordinaire,  est défendu par les  traditions ;  elles portent chacune un  
 des  nombreux bâtons  du roi.  Puis  viennent  les  richesses  du  roi,  
 comprenant tout ce  qu’il possède dans  son palais ayant une valeur  
 réelle ou supposée. On voit porter de l’argenterie,  de  l’orfèvrerie,  
 des  meubles  légers,  des  pendules,  mille  objets  provenant  de  la  
 civilisation,  qui  sont  entassés,  sans  qu’on  en  connaisse  l’usage,  
 dans  les  différents  palais  du  roi;  la  plus  grande  partie  de  ces  
 choses  provient  de  pillages  de  navires  naufragés  ou  bien  de  
 cadeaux  faits  par  les  Européens ;  de  tout temps,  on  a  offert  au  
 roi  des  objets  assez étranges,  tels  que chaises à porteurs, instruments  
 de  musique,  arquebuses  à  rouet,  automates,  sabres  de  
 toutes les formes,  costumes d’opéra-comique,  casques de  pompier  
 ou de cuirassier, chapeaux d’amiral ou de général en chef,  etc. Mais  
 il n’a jamais  fait usage  de tout cela, il a  toujours  continué  à  s’habiller  
 avec un simple pagne et un bracelet enfer, ou  deux,  comme  
 la  tradition l’a établi pour les  guerriers  dahomiens de noble race. 
 Parmi toutes  les vieilleries que possède  le  monarque,  un  amateur  
 d’antiquités pourrait  faire  des  découvertes  curieuses  autant  
 qu’authentiques ;  ces  choses ont été  transmises  de  père en fils, de  
 roi  en roi,  et  sont  exhibées  ainsi chaque  année. 
 Tous ces  objets sont portés par un grand nombre  de  serviteurs.  
 Viennent  ensuite  ce que  nous  nommons  les  curiosités  du  pays,  
 c’est-à-dire des  échantillons  parfaits  de la manufacture  indigène,  
 mais  offerts  au  roi  Ou  fabriqués  pour  lui  avec  un  grand soin.  Il  
 possède, entre autres choses,  des  tabourets  sculptés,  qui sont des  
 merveilles  de  l’industrie  locale;  il  aime  à  offrir  ces  objets  aux  
 Européens,  car il sait qu’ils y attachent du prix. 
 Le  défilé  des  richesses  termine  généralement  les  coutumes;  
 quelques  jours  après, le  roi  assemble  les  chefs  et  les  congédie  
 avec  ses  ordres  et ses  recommandations ;  il reçoit les Européens  
 et les  Brésiliens  et  les  remercie  de  leur  visite,  et  tout le monde  
 regagne  sa résidence ;  les  routes sont encombrées  dehamaçaires,  
 de porteurs, de  gens quittant la capitale. Abomey redevient morne  
 comme  de coutume. 
 Le  roi  lui-même quitte  généralement la ville  et  va  se  reposer  
 dans un de  ses  palais. Il songera à la nouvelle expédition.