d’un endroit où il lui est impossible d’atteindre un navire sur la
barre ; de plus, il a dû se retourner après son exploit, car il ne
fait pas face à la mer.
En plus des objets publics, il y a les fétiches privés ; ce sont des
amulettes ou gris-gris de toutes formes et de toutes natures : sachets
en peaux, os, griffes,' dents, poils, plumes, anneaux, morceaux
de verre, de corail, de bois, de cuir, d’étoffe, de fer ou de
cuivre. Les uns se portent au cou, au poignet, aux hanches ou aux
chevilles ; les autres sont destinés aux habitations.
Nous arrivons à la dernière catégorie. Celle qui contient peut-
être le plus de divinités. On peut les diviser en deux genres
distincts :
Celles qui ne se voient pas, les esprits ou génies, et celles, au
contraire, dont les représentants, quoique surnaturels, s’agitent
et se promènent. Aucune d’elles n’est représentée par une idole.
Les esprits ou génies sont nombreux, ils sont subordonnés aux
dieux, mais on leur reconnaît une grande influence personnelle.
Les féticheurs en créent à chaque instant un nouveau, et en les
citant tous, on omettrait encore les derniers inventés. D’autres,
au contraire, sont tombés en désuétude, parce que les féticheurs
ne leur reconnaissent plus d’influence.
Tout ce qui existe dans la nature a son génie ; l’homme a les
siens : E léda, l’intelligence; Djaoün, la nourriture; I poüsi, la
marche. Il s’adresse à eux et les invoque comme ces enfants qui
parlent à leur petit doigt. Il leur sacrifie, en se frottant d’huile
de palme, la tête, l’estomac et les orteils.
La maison a les siens ; ce sont ses pénates, ses dieux lares.
On les représente sous la forme de petites figurines de diverses
postures ; les unes ont la forme humaine, les autres celles d’animaux.
On fait dans ce genre de fort jolies sculptures. Le modèle
le plus répandu est une calebasse supportée par un, deux, trois
ou quatre génies, et sur le couvercle de laquelle un d’entre eux
est assis ou couché. Ces sculptures sont coloriées chez les riches;
on verse, dans la calebasse, du sang de poule, de l’huile de
palme, etc., destinés au génie comme sacrifice.
Des statuettes d’un autre genre représentent un individu debout
ou assis, armé d’un bâton, d’un couteau, d’une hache, une femme
portant un enfant et ayant sur la tête une calebasse, etc.
Les dieux du foyer sont pendus dans la toiture ou déposés dans
les coins des habitations. Les pauvres se contentent d’un piquet
sur lequel est très grossièrement sculpté un buste. Ils le plantent
en terre et versent dessus une goutte d’huile de temps en temps.
Les rues, la ville, la campagne, les plaines, les arbres, les forêts,
les lagunes, mille endroits spéciaux ont leur génie. On va
les évoquer et ils répondent généralement au féticheur ; les uns
avec une voix humaine, les autres un chant d’oiseau ou un sifflement.
Ceux qui ont la voix humaine ne répondent qu’à certains
féticheurs plus ou moins versés dans l’art de la ventriloquie.
Un des grands féticheurs de Porto-Novo, que nous ne nommons
pas de peur de lui attirer des désagréments, mais que nous remercions
sincèrement de l’aide qu’il a apportée à notre travail, est un
ventriloque habile : il module sa voix et la fait monter, en apparence,
le long d’un arbre avec une perfection rare. On comprend
aisément que cet art, qui trompe encore, en Europe, bien des
gens, puisse faire, sur le noir ignorant et fanatique, une impression
profonde.
Notre ami le grand féticheur n’a jamais voulu croire qu’au pays
des blancs il eût plus gagné, en douze lunes, avec sa ventriloquie,
que de toute son existence de féticheur.
Le dieux dont les agents se meuvent sont au nombre de trois :
Oro, la souffrance, le tourment, très puissant au Yorouba,
inconnu au Dahomey. Il tue les criminels lorsque leur sentence
est prononcée. Les femmes ne peuvent le voir. Il ne sort que la
nuit et pendant ses fêtes qui durent de quatre jours à un mois.
Oro a la figure humaine, les lèvres barbouillées de sang, le corps
couvert d’oripeaux, et fait tourner dans ses mains un instrument
formé d’une corde et d’une langue de bois, lequel produit un bruit
semblable à un ronflement sonore et continu.
Ogoungoün, dieu des morts, ne peut non plus voir les femmes ;
c’est lui qui reçoit ceux qui quittent cette terre, dans son royaume.
À certains moments de l’année, on le voit, le soir, dans les rues,
couvert de haillons multicolores, tenant en main un tibia humain,
son emblème. Les grands personnages et les souverains seuls ont
le droit de le faire apparaître après leur mort. Il vient alors les
chercher dans la maison qu’ils habitaient.
Djigbou, le dieu de l’agriculture du Jebou,dont nous avons parlé,
montre à ses adeptes une figure plus riante ; son envoyé se promène
tous les dix jours dans les rues à 01oma-oué-oué,à0 coulayé,
avec un revêtement complet de feuilles de palmier. Il a la figure
couverte.