pour élargir le sentier à suivre, où un mulet et, à plus forte raison, une voitu
re ne peuvent pas passer, soit pour établir le bivouac et créer un champ
de tir en avant.
« On doit s’attendre à trouver l’ennemi embusqué dans cette brousse, où
un fusil à pierre qui irait à dix mètres produit le même effet que les armes
de précision. On aura donc, sinon des surprises, au moins des attaques
inattendues, et c’est surtout sur les chefs que se porteront les coups. On
marchera constamment le fusil d’une main, le coupe-coupe de l’a u tre ; l’habileté
des indigènes et des Sénégalais dans le maniement de ces outils sera
aussi précieuse que leur courage. »
Le 19, la colonne traverse l’Adjara et arrive à Kouti. Le lendemain, elle
enlève Takon, où s’établissent deux groupes, tandis que le troisième, sous
le commandement du colonel, se porte à Sakété, point important où l’ennemi
peut se grouper et dont il importe de rallier les chefs à notre cause.
Là, le colonel apprend, le 22, que les chefs des deux groupes restés en
arrière viennent d’être simultanément blessés par des rôdeurs. Cette nouvelle
le détermine à revenir immédiatement à Takon. Chemin faisant, il est
attaqué, mais le te rra in est rapidement déblayé p ar des feux de salve et
quelques obus à mitraille.
Le roi du Décamé s’étant réfugié sur Bekandji avec le gros de ses forces,
le colonel Dodds prescrit d’occuper Takon et Katagon, pendant que le reste
des troupes, tournant la position p a r le sud et l’ouest, du côté de Fan -
vié, où doivent remonter les canonnières, couperont les communications du
Décamé avec le Dahomey. Ce mouvement détermine la retraite de l’ennemi
vers le nord. Le Décamé fait sa soumission. Son roi cherche à s’enfuir vers
LagoSj mais il tombe malade et meurt abandonné dans un village voisin de
Koddé.
Les opérations préliminaires sont achevées. Elles ont pleinement réussi. Le
mouvement décisif peut être entrepris. Les derniers renforts sont arrivés,-
ils vont être immédiatement utilisés.,
Marche sur Abomey. — Pour aller de Porto-Novo à Abomey, on pouvait
passer p ar Abomey-Calavi, Allada, Agrimé, Cana. C’est par celte route que
les Dahomiens s’attendaient à voir arriver les troupes du colonel Dodds ;
mais celui-ci préféra remonter la rive gauche du Whémé, franchir ce fleuve
au gué de Tohoué et se diriger alors sur Cana.
En conséquence, les troupes qui venaient de combattre dans le Décamé se
rab a ttiren t à l’ouest, sur le Whémé, tandis que les renforts arrivés en août
remontaient le fleuve soit en pirogues remorquées par les canonnières, soit
p a r voie de terre, en longeant la rive gauche.
Le 14 septembre, toute la colonne, moins la cavalerie, était concentrée à
Dogba, sous les ordres directs du commandant supérieur, avec le commandant
Gonard pour chef d’état-major.
L’infanterie fut répartie en trois groupes, à la tête desquels furent placés
les commandants Riou, Faurax et Lasserre. Les services auxiliaires comprenaient
un parc d’artillerie, une ambulance, un convoi administratif et
une flottille composée de Y Opale, du Corail, de la Topaze et de l’Émeraude.
L’effectif total s’élevait à 76 officiers et à 2088 hommes, dont 930 indigènes
; 2239 porteurs et 132 mulets étaient employés au ravitaillement.
La défense de la base d’opérations est assurée par des garnisons laissées à
Porto-Novo, où un hôpital est organisé dans les bâtiments de la Mission ; à
Kotonou, où se trouve également une ambulance ; à Grand-Popo enfin, où
deux compagnies indigènes avec une pièce doivent former, sous les ordres
du commandant Audéoud, une colonne mobile chargée de nettoyer la région
du Mono et d’inquiéter Behanzin dans l’ouest.
Combat de Dogba. |j|- Dogba est à cheval sur le Whémé, ayant sa partie la
plus importante sur la rive gauche. C’est au sud du Badao, affluent du
Whémé, que nous avions établi notre bivouac, sur un plateau qui domine
le fleuve. Du 14 au 18 septembre, un poste fortifié avec magasin y avait été
installé.
Le 18, un groupe part de Dogba, en remontant la rive droite p a r Zounou;
les autres devaient suivre la même route le lendemain. On se croyait en
sécurité, les reconnaissances des jours précédents n ’ayant pas signalé la
présènce de l’ennemi.
Celui-ci était pourtant renseigné sur notre situation. Dès que nos premières
troupes arrivent à Zounou, il en conclut qu’il ne doit rester au bivouac
de Dogba que les malades laissés à la garde du poste. Aussi, le 19, à cinq
heures du matin, attaque-t-il cette position avec une extrême énergie;
mais le feu de l’infanterie de marine e t celui des canonnières l’a rrê ten t à
50 mètres. Une compagnie et demie de légion renforce la face attaquée et
fait des salves de section, tandis que, dit le rapport officiel, « un certain
nombre de tireurs habiles délogent les Dahomiens embusqués au sommet
des arbres, d’où ils dirigent particulièrement leurs coups sur les officiers.
« Vers six heures,- l’ennemi, arrêté et décimé, commence à plier. Après
quelques retours offensifs, probablement tentés en vue de relever les morts,
son mouvement en arrière se prononce.
« La ligne de combat se porte en avant p ar bonds de 30 mètres et l’ennemi,
visiblement découragé, plie devant elle et regagne l’abri de la brousse.
Quelques salves bien dirigées et le tir à mitraille des deux pièces d’artillerie,
dont les servants ont repris leur poste normal, délogent les tireurs
postés dans les arbres ; la crête est occupée par nous, et le feu de l’ennemi
devient dès lors peu efficace.
« Mais la marche en avant, rendue trè s pénible p a r l’épaisseur du fourré,
est lente. Vers 7 heures, l’ennemi est en pleine déroute sur tous les points.
Des salves exécutées au jugé accélèrent son mouvement. A 8 heures, le feu
a complètement cessé et les reconnaissances lancées en avant ne trouvent
plus de résistance. »
Sur le champ de bataille, on relève 130 cadavres dahomiens; beaucoup
d’autres avaient dû être emportés. Les reconnaissances en trouvèrent
plus ta rd un certain nombre. De notre côté, nous avions perdu 2 officiers
(le commandant Faurax et le lieutenant Badaire) et 3 soldats européens.
Nous eûmes 27 blessés (dont 7 indigènes) qui furent évacués sur Porto-
Novo.
A la suite de cette première affaire, la marche vers , le nord continua.
La cavalerie rejoignit la colonne, et, le 27, celle-ci arriva à Aouandjitomé,
d’où le Corail et l'Opale furent envoyés reconnaître le Whémé jusqu’à
Tohoué, ayant chacune à son bord une section de légion. Elles furent accueil