fossé, qu’ils se jettent dans le feu ou tombent dans un puits, voilà
tout; mais aucune affection, aucune sollicitude n’inspire les soins
qu on leur donne.
La colère est un sentiment qui se manifeste rarement chez le
nègre. Lorsqu’il s’y abandonne, c’est toujours avec ses semblables.
est avec le^ blanc, d’une patience, d’un calme que ríen ne peut
troubler et qui a pour but ou pour résultat d’exciter davantage
notre exaspération dont il rit Sous cape. Plus nous enrageons, plus
il jubile. Si on le bat légèrement, il affecte de ne pas le sentir et
garde sur les lèvres un sourire mêlé de bêtise et d’astuce.
n est pas très rancunier ou du moins il ne le mqntre pas;
pourtant il a une excellente mémoire et se rappelle pendant des
anii es et ôrt exactement des détails que nous remarquons à peine.
La paresse du noir est excessive ; elle est la cause de l’existence
qu il mène, du peu de développement de son industrie, de sa misère
enfin. Il n’y a pas de dicton plus menteur et'plus faux que
celui qui dit : « Travailler comme un nègre. »
Le noir ne travaille que par nécessité et pour gagner ou obtenir
sa nourriture. Dès qu’il a de quoi manger pour deux jours, il passe
ce temps dans sa case, fumant étendu sur une natte et dormant
la moitié de la journée L II sait fort bien que, s’il voulait, il pourrait
amasser quelques économies qui lui permettraient d’agrandir
sa case, de se nourrir à sa guise,-de satisfaire même à des caprices,
mais il ne veut pas, il n ’a pas la force de vouloir. Lorsque
a aim se fait sentir et qu’il n’y a plus rien à manger chez lui, il
retourne au travail, gagne encore quelque chose et s’arrête de
nouveau dès qu’il a assuré son existence matérielle pendant quel- '
ques jours. S’il est cultivateur, il travaille juste le temps nécessaire
pour ne pas manquer la saison propice à sa récolte et donne à sa
terre les soins strictement indispensables ; dès qu’il a semé, il ne
fait plus rien : il attend.
Les commerçants européens sont loin d’obtenir des indigènes
tous les produits ^du pays ; ils ne reçoivent qu’en raison directe
es besoins des indigènes. En admettant que ceux-ci n’eussent
envie de rien pendant un mois, le commerce se trouverait suspendu.
Pendant la saison, ils récoltent plus ou moins de produits
selon leur caprice et laissent pourrir le reste au pied des arbres
sans profit pour eux ni pour les autres.
1. Hommes et femmes fument la pipe dès l ’âge de douze ans.
Il en est de même de tous les métiers. Le noir n ’y voit qu’une
source de nourriture. L’avenir est pour lui de peu d’importance ;
il n’y pense pas. Sur ses vieux jours, lorsqu’il n’a plus la force de
travailler, il meurt de faim et de misère, sans secours ni appui. Il
n’a jamais secouru ses semblables et sait qu’il n’a rien à attendre
d’aucun d’eux.
D’un autre côté, si le noir a des défauts, il reste beaucoup à dire
sur son intelligence.
Quoique, au point de vue anthropologique, il soit reconnu qu’il
occupe le dernier échelon entre l’homme et le singe, par le peu
d’ouverture de son angle facial, le nègre a pourtant une intelligence
très développée. Il comprend et raisonne aussi bien que
peut le faire l’Européen : il a prouvé déjà que, sous ce rapport, il
n’a rien à lui envier.
Depuis que la civilisation a pénétré dans ces contrées, on voit
tous les jours des exemples des aptitudes intellectuelles de la race
noire.
En 1821, un enfant nago, du nom d’Adjaë, était enlevé du village
d’Oschougoun, dans le Yorouba, à la suite d’une razzia où la
plupart des habitants furent tués et faits prisonniers par le Dahomey.
Vendu à des mahométans comme esclave, il passa de main
èn main et arriva un jour à Sierra-Leone, où des missionnaires
l ’adoptèrent, le baptisèrent et lui donnèrent quelque éducation. En
1829, il était à même d’occuper le poste de vicaire évangélique et
fut chargé d’accompagner la première expédition au Niger sous le
nom de Samuel Crowther. Sur sa demande, il fut ensuite envoyé
en Angleterre et compléta ses études au collège missionnaire de
l’église à Islington. Après une deuxième expédition au Niger, dont
il publia, en anglais, une relation très remarquable, il fut chargé
des fonctions d’instituteur et de missionnaire dans les nouvelles
stations établies sur le fleuve. Pendant son séjour et en dehors de
ses fonctions, il publia en nago plusieurs ouvrages littéraires et
enfin entreprit le travail qui l’a rendu célèbre, la traduction de la
Bible en nago. Nommé évêque en 1867, il fut le premier prélat
de sa race et de sa couleur .
En 1875, le gouvernement anglais, songeant à permettre aux
noirs d’exercer leur intelligence, créa à Sierra-Leone, chaque
année, deux bourses destinées aux meilleurs élèves indigènes désireux
de compléter leurs études en Angleterre et d’embrasser
une carrière qui leur convînt.