n’existe aucune trace aujourd’hui) faisaient, d’après lés négriers,
d’excellents serviteurs, dévoués, habitués à être pliés sous le joug,
dès leur âge le plus tendre, par un gouvernement despotique.
Les Nagos étaient d’assez bons esclaves.
Les Fons ou Dahomiens ne valaient, paraît-il, pas grand’chose ;
ils se suicidaient, étaient paresseux, faux ou voleurs.
C’est bien là le.portrait de ces gensdà, mais on conçoit difficilement
qu’ils ne supportent pas l’esclavage, qui, si dur qu’il soit,
est un paradis à côté de l’existence qu’ils mènent chez eux avec
leur roi. Nous avons remarqué, d’un autre côté, que, hors de chez
eux ou avec n’importe' quel étranger, ils sont fiers, pleins d’amour-
propre et gonflés d’orgueil pour leur pays et leur souverain.
Les Tabous (Kroomen) ne valaient absolument rien, à moins
d’être pris fort jeunes ; à l’âge adulte, quoique forts et aptes à tous
les travaux, en même temps qu’intelligents, ils ne se résignaient
jamais à être esclaves.
Les Eyos étaient durs au travail, courageux et hardis ; mais ils
semaient la révolte parmi les autres et ne travaillaient qu’à reconquérir
leur liberté.
Aux Minahs revenait encore la palme sur les autres races ; ils
étaient considérés comme excessivement intelligents, aptes à tous
les métiers, hormis la culture, trop brutale pour eux; on leur
reconnaissait de l’honneur, de la raison, du hon sens, de la fidélité,
de la bravoure en face du danger.
Les Accraëns, les Fantis, les Aquamabous, les Denkeras et
autres peuplades de la Côte d’Or étaient à peu près cotés de même
sur le marché.
Ce triage minutieux était fait par les trafiquants, au milieu de
la foule qu’on leur amenait, avec beaucoup de perspicacité.
La composition du personnel était la même dans tous lés établissements
de traite. On avait des courtiers noirs qui couraient
la ville chaque matin, demandant aux négociants s’il leur était
arrivé des esclaves1; ce courtier était accompagné d’un agent
européen et d’un chirurgien qui, le mètre en main, mesurait les
captifs, les examinait minutieusement et donnait son avis au point
de vue médical; en cas d’acceptation par le chirurgien, l’agent
traitait l’affaire et donnait au négociant un bon en marchandises
\ . A Whydah, les courtiers n ’étaient pas nécessaires du temps du chacha ;
il avait le privilège de la tra ite et tra ita it directement avec les comptoirs;
pour la valeur. Il imprimait ensuite, sur le corps des esclaves, la
marque à feu du comptoir qu’il représentait. ,
La visite du chirurgien rappelait la commission de recrutement
dans l’armée, ou plutôt l’examen d’un, cheval douteux par des
maquignons experts. On amenait les noirs sans vêtements, on
examinait leurs yeux, leurs dents, tous les détails de leur constitution
; puis, on les faisait marcher, couru-, remuer et étendre
les bras et les jambes, tourner la tête, plier réchine, porter un
fardeau, etc. On ne voulait pas être trompé sur la marchandise;
on fraudait d’ailleurs sur cet article aussi bien que sur les
autres
. On cite cet exemple de négriers acheteurs qui avaient recours
à tous les moyens pour ne pas être induits en erreur ; comme
l’âge préféré pour un esclave était de douze à quinze ans, à cause
de la facilité qu’on avait alors de les dresser, on payait plus cher les
jeunes captifs que les vieux ; les vendeurs, à défaut de jeunes
gens, essayaient de faire passer pour tels des hommes de vingt-
quatre à vingt-cinq ans. Or, le noir le plus imberbe en apparence
a un duvet rugueux sur les lèvres et les joues lorsqu’il atteint cet
âge; la race de la Côte d’Or, elle, a sa barbe au même âge que le
blanc. Aussi les marchands les rasaient-ils-si soigneusement, que
le toucher le plus délicat n’eût pu découvrir sur leurs joues aucune
trace pileuse. Les négriers connaissaient tous ces trucs, et chaque
fois qu’on leur amenait un esclave soi-disant jeune, ils s’assuraient
de son âge en lui passant la langue sur les joues et le menton; s’il
y avait fraude, cet organe, par sa délicatesse, leur indiquait ce
qui eût échappé au toucher et aux yeux. _
Les prix pour les esclaves étaient fixés d’avance, On donnait,
au choix, pour un homme: 100 francs en cauris, cinq dames-
jeannes d’eau-de-vie, cinquante pièces de calicot, 300 livres de
poudre, vingt-cinq à trente fusils, quarante à quarante-cinq barres
de fer, douze pièces de guinée bleue; pour une femme, au choix
également : dix pièces de guinée bleue, blanche ou d’autre couleur,
vingt grosses de pipes à fumer de Hollande, et dix pièces
au choix parmi d’autres tissus variés. On payait, de plus, des
droits en esclaves à chaque embarquement sur un navire, ces
impôts étaient payés d’une façon bizarre : le roi envoyait trois captifs
; les principaux chefs, deux chacun; c e s malheureux ne valaient
rien, étant des Vieillards, ou des enfants pour la plupart, mais i
fallait que les négriers les payassent comme bons. C’était une