Quelques jours avant l’accès (deux ou trois), on ressent une
courbature générale plus ou moins prononcée ; on a les reins
brisés ; les jarrets sont las comme après une longue marche ;
toutes les articulations éprouvent une espèce de gêne ; on s’étire
à chaque instant, on bâille ; on a quelquefois un léger mal de
tête ; à table, on mange sans appétit, sans goût. Tous ces symptômes
disparaissent pendant la digestion, lorsque l’accès n’est
pas trop rapproché ; on oublie alors, après le repas, ce qu’on a
ressenti avant et, le lendemain ou le' soir même, on l’éprouve de
nouveau.
Si l’on a bien dormi, le matin on se sent fort bien ; mais les
douleurs dans les articulations reviennent dans la journée, ainsi
que le dégoût de nourriture qui va croissant. Le jour de l’accès,
quelques heures après le réveil, on ressent un fort mal de tête et
un malaise général ; on a soif et l’on s’étire de plus en plus souvent.
On éprouve graduellement une sensation de froid qui va
en augmentant ; on se couvre et néanmoins on grelotte ainsi pendant
plus d’une heure. La réaction s’opère ensuite d’elle-même,
qu’on soit couvert ou non; on a cette fois très chaud, on étouffe ;
le mal de tête augmente et l’on a une envie de vomir de plus en
plus prononcée, jusqu’au moment où l’on rend de la bile.
Les vomissements durent plusieurs heures et plus ils sont
abondants, plus ils soulagent, quoique les efforts qu’ils occasionnent
soient très douloureux. Dans les gros accès de fièvre, cet
état dure plusieurs jours ; mais, en général, quand le soir arrive,
on s’endort, et le matin, sauf un pouls un peu agité, on se sent
beaucoup mieux.
Si l’on prend les précautions nécessaires, c’est fini pour cette
fois.
11 va sans dire que nous ne parlons ici qu’en général et d’après
les symptômes qui se manifestent à peu près chez tous les Européens.
Un médecin célèbre l’a dit : II n'y a pas de maladies, il n'y a
que des malades. Chacun éprouve des sensations plus ou moins
intenses ou durables, selon son tempérament, et c’est à lui à
juger mieux que personne de ce qui lui apporte un soulagement.
11 y a des blancs qui ne ressentent pas avant la fièvre la période
de froid et de réaction ; les vomissements les prennent tout à
coup ; d’autres n ’ont pas de fièvre, mais rendent à des intervalles
assez rapprochés, à leur réveil généralement, une certaine quantité
de bile ; d’autres encore n’ont pas de vomissements, mais
souffrent de migraines excessives, en même temps que leur température
s’élève fortement ; enfin il y a des gens qui sont pris
d’une forte diarrhée qu’ils mettent quelquefois longtemps à faire
cesser.
Ce sont les diverses façons dont le mal du pays, qu’on appelle
fièvre, se manifeste chez les différents individus.
Pour remédier au mal, nous conseillons à ceux qui n’ont point
de médecin ni de camarade expérimenté de trancher la fièvre dès
le début. Dès qu’ils éprouvent ce semblant de courbature ou de
malaise, ils devront prendre, en deux fois, chaque jour, 80 centigrammes
ou 1 gramme de sulfate de quinine ; on prend ce médicament
dans du pain azyme, des capsules ou, à défaut, dans du
papier à cigarette ou bien délayé dans un demi-verre d’eau où
l’on jette un cristal d’acide tartrique.
Nous avons remarqué que cette dernière façon est celle qui
permet d’obtenir l’effet le plus rapide ; on évite ainsi k l'estomac
la peine et le temps de délayer la quinine, et elle agit presque
immédiatement. Il faut prendre ce médicament deux heures au
moins avant ou trois heures après le repas ; autrement, il passe
dans la digestion et ne remplit pas le but désiré.
On prendra donc de 80 centigrammes à 1 gramme par jour, et,
si les symptômes de fièvre disparaissent, ùn ira en diminuant la
dose de 15 centigrammes par jour pendant trois ou quatre jours
encore. Si, au contraire, les symptômes continuent, on poussera
jusqu’à 1 gramme et demi, en deux fois, et l’on prendra un bon
purgatif.
Quand la fièvre est dans son plein, que les vomissements et le
mal de tête se font sentir, et surtout que la température est élevée,
la quinine devient inutile ; on ne doit la prendre que comme
remède préventif, ou bien après l’accès, lorsque la température
et le pouls sont revenus presque à l’état normal. Elle est destinée
alors à empêcher le retour possible de l’accès et doit être prise trois
ou quatre jours encore après l’attaque de fièvre, en diminuant la
dose chaque fois. À ceux qui n’ont rien pour mesurer la quinine,
nous dirons que tout ce que peut contenir une feuille de papier à
cigarette, en laissant l’espace nécessaire pour la fermer sur le
médicament, équivaut à 1 gramme.
Il est reconnu, par les médecins, que, dans ces régions, les
purgatifs salins sont de beaucoup à préférer aux purgatifs hui