A la date du 29, Behanzin occupe la région comprise entre Djidjaet Goho.
On croit le tenir dans un cercle de troupes, et on le serre de près. A chaque
instant on rencontre sa piste : tantôt on échange des coups de fusil avec
son arrière-garde, tantôt on lui enlève du monde (un jour, c’est le marabout
de Kétou, son médecin; une autre fois, ce sont des chasseurs); tantôt on lui
prend des boeufs. Il échappe toujours à nos poursuites.
Le 8 décembre, on apprend qu’il continue à descendre vers le sud, dans
les territoires que battent les bandes d’Allada Maouzou, et de Fadet, chef
nago, qui nous sont tous deux dévoués.
Nos reconnaissances, d’ailleurs, continuent à poursuivre les fuyards.
A diverses reprises, elles capturent soit des princes, soit des femmes ou des
enfants de Glèlè ou de Behanzin.
Celui-ci rebrousse brusquement chemin vêrs le nord, ayant toujours nos
troupes à ses trousses.
Le quartier général s’est transporté, le 11 décembre, d’Oumbégamé à
Goho. Du 12 au 20,les trois colonnes volantes fouillent toute la région comprise
entre le chemin d’Abomey-Atchéribé et le Couffo. Vaines recherches !
Behanzin reste introuvable. On sait seulement qu’il se tient dans le voisinage
de Goho, et que son escorte est réduite à quelques hamacaires.
Agissant indépendamment les unes des autres, les colonnes se gênaient
mutuellement. Leurs reconnaissances, en se présentant aux mêmes points
à quelques heures d’intervalle, avaient fait échouer des surprises organisées
p a r le commandement. Aussi fut-il décidé qu’une zone de surveillance
nettement déterminée serait assignée à chaque groupe. Diverses autres
mesures d’ordre sont prises.
Le Whémé n ’étant plus navigable au-dessus de Dogba, Cotopa devient
tête d’étapes avec Goho comme annexe. On s’occupe de relier ces deux
points p ar une ligne télégraphique.
Le 21 décembre, à la suite de renseignements reçus' sur la position de
Behanzin, le groupe Drude remonte vers Dossa et se rabat vers le sud. Un
autre groupe (n °l) remonte au nord vers Atchéribé et redescend ensuite ju s qu’à
la ligne Oumbégamé-Tendji. Des postes sont établis à Pétépa, Agbé,
Ouamé, Cana.Tendji, Badagba et Atchéribé. Jusqu’au 15 janvier, on fouille le
pays en tous sens, mais sans aucun résultat. On découvre bien des cachettes,
mais elles sont vides. On rencontre la piste de Behanzin le 29 décembre,
près de Lesseni : il se dirige vers Dossa. Peu après, il est sur le point de
quitter Djidja pour aller à l’ouest de Dienbatté. Accompagné de son grand
féticheur, Bocono, il ne quitte pas la région d’Abomey-Oumbégamé, région
dont les habitants, de pure race dahomienne, lui sont tout dévoués.
Cette chasse à l’homme semble devoir s’éterniser. On a bien fini par
trouver des auxiliaires dans le pays même, et, si elles n ’ont pas atteint leur
vrai but, les reconnaissances ne sont pourtant jamais rentrées les mains
vides. Peu à peu, on a ramené tous les membres de la famille royale. Les
haines contre l’ex-roi commencent à se dévoiler. On reconnaît que, parmi
ses trères qu’il avait évincés, quelques-uns ne lui ont pas pardonné.
Grâce à cette circonstance, on va pouvoir en finir. En désignant un nouveau
roi; personnellement intéressé à se défaire le plus tô t possible de
Behanzin, on forcera celui-ci à se rendre.
Cette solution n ’ayant rencontré que des partisans, les princes de la maison
royale sont appelés à élire un chef. Leurs suffrages unanimes se portent sur
le prince Goutchili, fils de Glèlè, dont Behanzin avait, p a r ruse, usurpé la
place. Accepté par le commandant du corps expéditionnaire, Goutchili est
proclamé roi, le 15 janvier 1894 au matin, sur la place du palais de Cymbodji
à Abomey. Le nouveau souverain prend le nom d’Agoli-Agbo.
Dix jours après, il annonce au général Dodds qu’il sait exactement où
est Behanzin, qu’il est prêt à le livrer, qu’il n’y a plus qu’à 1 envoyer chercher.
Le capitaine d’état-major Privé est chargé de cette mission, et, dans
la nuit du 25 au 26 janvier, l’ex-roi se remet à lui dans le village d Acachacpa.
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Cette capture terminait une campagne glorieuse et assura.it la pacification
du Dahomey. Puissent maintenant nos compatriotes s’établir sur cette te rre
devenue française. Puissent-ils, sous la garde de nos vaillants soldats e t à
l’ombre du drapeau tricolore, y créer un commerce florissant e t y faire
pénétrer les principes de la civilisation. C’est pour leur faire connaître les
ressources de ce pays que le présent livre a été écrit, avec l’espoir q n il
contribuera à la prospérité de notre protectorat, prospérité qui ne peut
manquer de rejaillir sur la France.