Le 29 mars, les Dahomiens étaient aux alentours de la ville,
à Aehoukpa, situé à 5 kilomètres de Porto-Novo.
Nous ne parlerons pas, avec intention, de la petite garnison installée
à Porto-Novo pour la garde de notre pavillon ; nous serions
forcé d’être très sévère à son égard. Qu’il nous suffise de dire
que son chef se conduisit de façon à faire honte à l’armée, et
qu’il ne tenait qu’aux Dahomiens de venir à Porto-Novo enlever
notre drapeau et s’installer où ils voulaient.
Nous ne comprenons pas pourquoi ils n ’ont pas envahi la ville
pendant ces deux ou trois jours ; rien ne leur eût été plus facile
cependant. Il faut croire que les ordres du roi étaient de ne pas
pousser jusque-là. Le résident était seul dans sa maison, ainsi
que les agents des factoreries ; les rues étaient désertes et la ville
abandonnée.
Sur un nouveau rapport pressant du résident, l’amiral envoie à
terre M. le commandant Thomas, capitaine de frégate, cinq officiers
et soixante-sept matelots européens.
L’expédition dahomienne est d’ailleurs terminée; les Dahomiens
se retirent en se repliant sur le Whémé. Le 14 avril arrivent
quarante-cinq Gabonais et un officier.
M. de Beeckman écrivit lettre Sur lettre à notre gouvernement
pour être autorisé à agir. Il demandait ou une expédition ou la
suppression du roi Toffa, qui, par son attitude vis-à-vis de Glèlè,
était cause de tout. Dans le premier cas, il proposait : 1° de faire
mettre en sûreté les Européens habitant le Dahomey ; 2° de faire
réoccuper le fort de Whydah avec une forte garnison, destinée h
protéger les Européens et la ville ; 3°. d’occuper effectivement
Kotonou et de supprimer les droits qu’on y payait au Dahomey ;
4° d’envoyer Toffa au Gabon et d’installer la douane à Porto-Novo ;
5° de signer un traité avec le roi des Egbas, qui nous demandait
depuis longtemps notre protectorat pour Abéokouta; 6° enfin
d’installer des postes dans l’intérieur, pour rassurer la population
des campagnes.
« A ce prix, disait M. de Beeckman, nous aurions une belle
colonie ; tout arrangement avec Glèlè est impossible. »
L’opinion de tous ceux qui ont l’expérience du pays est qu’il
n’y eût eu qu’à suivre, à la lettre, ce que proposait le résident.-
La deuxième alternative était de donner satisfaction à la population
entière, qui demandait, à grands cris, que le pays devînt
Français et que l’on supprimât le roi.
Il est certain que Toffa est l’ami de la France et qu’il a beaucoup
aidé notre pays dans le développement de Porto-Novo ; mais,
du côté de ses sujets, il était loin d’être populaire, il était même
exécré.
' Se sentant soutenu par notre gouvernement, il prenait une
attitude des plus hostiles vis-à-vis du roi de Dahomey, qui ne l’a
jamais considéré que comme son vassal ou un petit « seigneur
sans importance ». Le roi de Porto-Novo envoyait même des défis
à son ancien suzerain, et il était en partie la cause pour laquelle
celui-ci ravageait le pays avec autant de ténacité.
Le 2S avril, M. de Beeckman adressa au gouvernement une
dépêche où il disait que la population ne voulait plus du roi et
demandait notre intervention ; il ajoutait qu’une révolution était
probable et demandait s’il fallait soutenir Toffa ou laisser faire.
Pas plus que les lettres, la dépêche ne trouva d’écho auprès de
notre cabinet ; on ne répondit même pas.
« Aujourd’hui 26, écrivait encore le résident, si on m’autorise
à enlever Toffa, je m’engage à obtenir tout ce qu’on voudra du
roi Glèlè, et Kotonou avant tout. »
Il est certain que la suppression du roi de Porto-Novo aplanissait
avec Glèlè bien des difficultés. Ce dernier eût donné dix
fois Kotonou en échange de la tête de Toffa, et eût consenti à bien
des choses, rien que pour la satisfaction de voir détrôner ce petit
roitelet venimeux, même s’il ne devait pas tomber en son pouvoir
ensuite. Mais le résident ne reçut aucun ordre et tout resta dans
le statu quo.
Le docteur Tautain vint, quelques mois après, remplacer M. de
Beeckman, et toutes les tentatives qu’il fit pour changer le triste
état politique des choses restèrent sans résultat. Seulement, il
imposa sa volonté à Toffa, et ce dernier, dès qu’il arriva à Porto-
Novo, sentit qu’il n’était plus aussi puissant qu’auparavant.
Enfin, en novembre, M. le lieutenant-gouverneur du Sénégal
Bayol fut envoyé en mission à Abomey, pour avoir, avec le roi
Glèlè, une entrevue définitive au sujet de Kotonou. Il était porteur
de nombreux présents et espérait que l’appât d’une forte
rente déciderait le roi à reconnaître le traité passé en 1868 et î S78.
Malheureusement il n’y put réussir ; le roi ne consentit à aucune
des propositions de notre représentant, et, tout en lui rendant
beaucoup d’honneurs, eut plutôt l’air de se moquer de lui et de
nous.