dans les bois, ayant chacun une bouteille de tafia et deux gallines
de cauris à côté d’eux.
Le grand bassin de cuivre est porté lentement aux tombeaux,
et là, le roi, de sa propre main, arrose de ce sang encore tiède la
terre qui recouvre les restes de ses prédécesseurs.
Les cris de la foule, les coups de fusil, les acclamations, terminent
cette journée.
L a parade. — La parade se compose d’un exercice de mobilisation,
d’une revue et de quelques manoeuvres.
Après la fête de l’Estrade, le roi laisse passer un certain intervalle;
il commande ensuite la mobilisation d’un corps d’armée.
Tout se passe comme en temps de guerre; le peuple s’équipe,
s’arme et se rassemble aux alentours de la ville.
Le monarque ne prend qu’un effectif de deux à trois mille
hommes; le reste du peuple est spectateur. Il y a un défilé de ces
troupes et des amazones devant le palais du roi; puis, elles se
rendent dans une esplanade des environs, généralement du côté
de Cana où ont lieu les exercices.
Le roi Glèlè, mort dernièrement, quittait son palais après le
défilé, et arrivait sur le champ de manoeuvres équipé en soldat,
aussi simplement que le dernier de ses sujets. Il prenait le commandement
d’un régiment tout comme un chef de guerre, et le
faisait manoeuvrer devant les autres, pour prouver qu’il était toujours
capable de faire lui-même ce qu’il exigeait des autres.
Le but du déploiement des forces qui a lieu dans cette circonstance
est de simuler un départ pour la guerre et les exercices
qui le précèdent, lors de la mobilisation.
On exécute des déploiements, des formations, des exercices,
puis vient le moment supposé du départ et de la distribution de la
poudre qui est, au Dahomey, une grande cérémonie1.
Le roi, devant les troupes alignées, appelle le gaou (général en
chef), et, après un long discours (dont le résumé est que la poudre
est donnée pour la gloire du Dahomey, pour la défense du pays,
et qu’il n ’en faut faire usage que pour anéantir l’ennemi), il lui
remet solennellement quelques barils de poudre.
Après la distribution, les troupes sont censées partir pour la
guerre. Elles quittent le terrain, vont se débarrasser de leurs armes
i . C’est aussi une pure cérémonie, car chaque homme est tenu d’apporter
sa poudre en temps de guerre. Le roi ne donne pas le dixième de celle qui
est consommée.
et reviennent se joindre à la foule qui exécute des danses, des
divertissements divers, et tire des coups de fusil. Le roi donne
quelques fûts de tafia qui sont répartis entre les assistants. A son
retour au palais, il donne des ordres pour qu’on fasse les préparatifs
nécessaires aux exercices de guerre qui doivent avoir lieu
quelquesjours après..
Les cours d’histoire continuent pendant ces intervalles.
E xercices de guerre. — Lés exercices de guerre seraient loin de
paraître un amusement à tout autre peuple que les Dahomiens ;
néanmoins, chaque année on les attend avec grande impatience.
Il faut ajouter qu’ils se terminent par la distribution des cadeaux
au peuple, ce qui pourrait expliquer, à la rigueur, l’enthousiasme
qui accompagne leur venue.
En premier lieu, on procède au jeu du mouton ou bossà, qui
n’est, en d’autres termes, qu’un tir à la cible pour les grands du
pays. Il y a des prix pour ceux qui touchent ou abattent l’animal.
Pour le tirer, on se servit d’abord de l’arc, puis, plus tard, du fusil
à pierre; de notre temps, les chefs et les princes ont des lefau-
cheux et même des fusils à répétition.
Le mouton ne court généralement pas un danger imminent ;
il n ’a à craindre que les maladroits. Il est à remarquer que, dans
tout ce qu’on dit sur cet exercice, et de tout temps, on a toujours
vanté, au Dahomey, l’adresse incomparable du dernier roi au jeu
du mouton.
Le prince régnant prend toujours part à ce jeu, mais, quoique
chaque fois qu’il fasse feu les cris et les acclamations l’accompagnent,
il ne montre, de son vivant, aucune supériorité marquée
sur ses concurrents.
Après le tir à la cible ont lieu les exercices de petite guerre.
On fait venir encore un ou deux milliers d’hommes armés qui
doivent y prendre part avec les amazones. Les hommes, puis les
femmes, reproduisent exactement toutes les circonstances de la
guerre. Ils défilent d’abord devant le roi et viennent ensuite se
reformer à quelque distance de là.
L’ennemi est supposé être d’un certain côté ; on l’a entrevu et
l’on cherche à s’approcher de lui sans être aperçu. Deux cents
hommes se détachent en tirailleurs, et, courbés en deux, feignant
de s’arrêter derrière des arbres ou des inégalités de terrain, courent
vers le point où ils pourront faire feu sans que leur présence
soit signalée. Aussitôt arrivés, ils lâchent leur coup de fusil et se