rien. C’était le roi de Dahomey qui jugeait à propos de ne plus
tenir ses engagements.
D’un autre côté, il continuait à ravager le territoire de Porto-
Novo, sous le prétexte que le roi Toffa était insoumis, qu’il avait
fait décapiter des Dahomiens et empoisonné deux princesses;
c’était, en réalité, parce qu’il trouvait à y faire facilement, chaque
année, les prisonniers nécessaires à la traite et aux coutumes.
Pour donner une idée des désastres que le Dahomey a causés
à Porto-Novo, nous avons essayé de dénombrer les prisonniers
qu’il a faits depuis les premières tentatives d’indépendance des
princes d’Allada.
Le tableau suivant présente la récapitulation approximative des
victimes de ces expéditions :
n . -rr-n Prisonniers
8* Villages e t leu rs environs incendiés e t pillés. ou disparus. Morts 1
1850 Badou, Refourefou, Inoubi, Gaba, Aïssé,
Okiadan, Mata, Ekpo 14 3 0 34g
1862 Ichaga............................................................... 81S 21Q
1863 Dahin.................... gg 2q
1868 Chalah.......................................... 443 gj
1872 Iraoub, Okéauiou. ........... 7g ,g
1878 Mekb..................................116 S4
1880 Hadji,Okélé,Pjiho, Agétovo,Igana, louéré,
Houkou, Jakaokè, Jakasalé, Gbagba.. . . 980 273
1881 Adjoom, Azanzouiné, Vouèla, Fanvier. . 226 100
1882 Tako.......................................... _ _ ^ 22
1883 Ioko, ldiogbo, Hagbé, Hammé, Podo ou
Obanigbé........................................ . . 374 119
1884 Okiadan (ville importante)............... gig 214
1883 Hestan, Gbaba, Okélé....................... go 39g
1887 Weftn ou Couti, Iko, Kétukpé, Gbozoumé,
Houndoiné.. . 213 133
1889 Akparné, Bembé, Dangbo, Igbé, Modo,
Houji, Hozoua, Vacon, Aporo, Abo-
gomé, Azoé, Danmé, Avadjedo, Agbad-
jedo, Agodozoum, Achoukpa, Gbéji___ 2143 7 ig
Ces quatorze expéditions font un total d e 7241 2 6 3 2 2
On se rend compte de l’effet d’un pareil fléau sur un pays riche
et commerçant ; on peut calculer une moyenne de 4 à ¡500 pri-
1. Les morts comprennent les vieillards, les enfants en bas âge impropres
à i esclavage, e t ceux qui ont fait de la résistance ; ils forment environ le
tiers des habitants.
2 . Ce chiffre est tout à fait approximatif.
sonniers par expédition, que le Dahomey a enlevés à Porto-Novo.
Qu'on ajoute à cela les morts et les blessés, les récoltes dévastées
et perdues, les palmiers coupés, la panique que cause chaque
année l’arrivée des bandes ennemies, et l’on se fera une idée de
la difficulté qu’il y a, pour une colonie, h prospérer dans ces conditions.
Quant au roi de Dahomey, il se souciait fort peu de tout cela ;
de notre protectorat sur Porto-Novo, il n’avait cure, et ce que
nous pouvions faire lui importait peu.
Telle était la situation lorsque M. de Beeckman rendit compte,
par dépêche, des événements que nous avons racontés1. Des
secours ayant été demandés au Gabon et au Sénégal pour repousser
l’invasion dahomienne, l’amiral Brown de Colstoun arrive sur
rade de Kotonou avec deux croiseurs, l'Aréthuse et le Sané, le
2 avril 1889. Mais nos vaisseaux ne servent qu’à orner la rade;
nos marins n’ayant pas de casques ne peuvent venir à terre,
sous peine d’être décimés par les insolations.
Depuis le 27 mars, les Dahomiens sont sur le territoire de Porto-
Novo-ville ; la population entière a fui, le roi Toffa lui-même
a suivi ses sujets réfugiés sur le territoire dit anglais, qui fait face
à la ville. Le 27 mars, il a réuni tout ce qu’il a d’hommes aux
environs, et il a cherché à s’opposer à la marche de l’ennemi ;
les gens de Porto-NovO, au nombre de sept ou huit cents, tentent
une sortie, et un combat a lieu près de Danbo ; presque tous les
chefs de Porto-Novo sont tués et leurs têtes apportées au roi de
Dahomey.
Comme on a révoqué en doute qu’un combat ait jamais eu lieu
entre Porto-Novo et le Dahomey, voici les noms de ces chefs qui
laissèrent la vie dans l’engagement du 27 : Agbéjogbé, Apologan,
Arokpo, Téogbari-Kangan, Hongan, Zoumeniou, Boginiou-Egbé,
Angbo-Afoumbiéni, Agué, Cemassa, Adogoun, Babâlé, Ahouan-
zou-Amano.
Le roi de Danbo, Aginiou, est tué et décapité dans sa case, sur
laquelle flotte notre drapeau protecteur. On arrache le pavillon,
on y enveloppe la tête du chef, et sa propre femme est chargée de
porter le funèbre paquet jusqu’au Dahomey, où elle-même sera
vendue comme esclave.
1. Le West africah Telegraph Company avait installé un câble à Kotonou
depuis le 1er novembre 1886.