En 1868, le roi de Dahomey signait avec la France un traité par
lequel il lui concédait le territoire de Kotonou'.
En voici la teneur :
Article premier.- '^ L e roi de Dahomey donne à la France une portion
de territoire de 600 mètres de côté, limitée au sud par la mer, à l’est par
la limite des deux royaumes de Dahomey et de Porto-Novo,, à l’ouest à une
distance de 6 kilomètres de la factorerie Régis aîné, sise à Kotonou sur le
bord de la mer, au nord à une distance de 6 kilomètres de la mer, perpendiculairement
à la direction du rivage. Le roi de Dahomey déclare céder
gratuitement à l’empereur des Français le territoire de Kotonou avec tous
les droits qui lui appartiennent sur ce territoire, sans aucune exception ni
réserve et suivant les limites déterminées.
Art. 2. — Les autorités établies p a r le roi de Dahomey à Kotonou continueront
d’administrer le territoire actuellement cédé, jusqu’à ce que la
France en ait pris effectivement possession.
Ont signé : Bonnaüd,
Agent consulaire de France à Whydah ;
Daba,
Yévogan.
Jusqu’en 1876, le Dahomey avait vécu avec les puissances européennes
en parfaite intelligence. Gomme nous l’avons dit, le roi
recevait souvent des officiers français, anglais, portugais, des
voyageurs et des commerçants ; il leur faisait de petits cadeaux en
échange de gros présents qu’ils lui apportaient, les invitait à
assister à quelques sacrifices humains, à titre de distraction, et les
gardait souvent à la capitale beaucoup plus longtemps qu’ils n’auraient
désiré.
Gonflé d’drgueil et ignorant absolument ce qu’étaient les puissances
européennes, il considérait leurs souverains comme des
égaux régnant sur des contrées lointaines et heureux d’avoir des
rapports avec le descendant de la dynastie dahomienne.
Qu’il soit sincère ou affecté, le dédain avec lequel le Dahomey
a, de tout temps, considéré les puissances européennes est un des
traits saillants de la fierté indigène. On peut mettre ce dédain sur
le compte de l’ignorance ; mais, d’après nous, le roi de Dahomey
eût-il visité nos arsenaux, vu défiler notre armée, qu’il nous considérerait
toujours comme inférieurs à son peuple.
A l’époque dont nous parlons, la bonne harmonie allait être
rompue dans les relations du Dahomey avec les Anglais, en premier
lieu.
? t . Village situé sur le bord de la mer, à la limite est du Dahomey; il se
nomme Appi sur les anciennes cartes.
Un nommé Jacinto da Costa Santos, successeur d’un cabeçaire
brésilien du nom de José Soa Alfaïati, jouissait d’un grand crédit
et de faveur? spéciales dans la maison anglaise Swansea and C°.
Comme il lui avait rendu des services importants, celle-ci l’avait
aidé, en retour, à se faire une belle situation.
Tout individu heureux excite généralement la jalousie des
moins favorisés que lui, et Jacinto da Costa Santos eut bientôt
contre lui tous les négociants, parmi lesquels ceux de la famille
du chacha. On chercha le moyen de nuire au favori de la maison
Swansea, de le noircir dans l’esprit du roi, et l’on attendit une
occasion qui ne tarda pas à se présenter.
Le prince héritier Condo demanda un jour à Julian-Félix da
Souza, frère du chacha, à acheter une qualité spéciale de tissu
vendue par la maison Swansea. Bien qu’il n’en eût plus, on persuada
au prince que Jacinto da Costa en possédait une grande
quantité, mais qu’il refusait de s’en dessaisir. On ajouta qu’il
tenait des propos insultants à l’adressé du roi et l’on répandit
sur son compte une foule de calomnies qui devaient sûrement
faire leur effet. La vérité est que le malheureux négociant, pas plus
que MM. Swansea, ne possédait l’article que demandait le prince.
Le cabeçaire Quénou, homme très intelligent et à cette époque
plus puissant que le chacha lui-même, reçut du roi un messager
spécial lui disant de faire une enquête à l’effet de savoir si le rapport
fait contre Jacinto était vrai. Dans ce dernier cas, Jacinto
devait être puni d’une forte amende et de la confiscation de toutes
ses marchandises,
Quénou, négociant lui-même et haïssant Jacinto, alla, sans faire
aucune enquête, lui confisquer ses marchandises et lui infliger,
au nom du roi, une amende en cauris1 équivalant à environ
2000 francs de notre monnaie.
Jacinto vint se plaindre de la façon injuste dont il était traité
à l’agent de MM. Swansea, M. Tunbool ; celui-ci prit parti pour lui
®t, pour obtenir la restitution des marchandises, alla déclarer aux
autorités dahomiennes que Jacinto n ’était qu’un commissionnaire,
et que toutes ces marchandises, en dépôt seulement chez le négociant,
appartenaient à la maison qu’il représentait. Gomme les
cabeçaires lui refusaient ce qu’il demandait, il les menaça, si les
marchandise à n’étaient pas immédiatement restituées, de faire
j 1. Coquillage monriaie-.. t.