quelles Ardres et Allada, saccagées; ses habitants soumis par la
terreur ou par les armes. Les ravagés s’étendirent jusqu’à Tocpo,
près de Lagos (1724). Un Anglais nommé Bullfinch Lamb fut même
compris dans le butin. Nous, verrons plus loin ce qu’il pensait de
la cour du roi de Dahomey.
Agadja passa deux ans à réorganiser son armée; son nouveau
territoire était devenu partie intégrante du Dahomey, et sa population
mâle avait été enrégimentée et ajoutée aux anciens effectifs.
Le Dahomey allait encore entreprendre une campagne. Cette
fois, il était un rude adversaire et aucun voisin n ’était plus en
état de lui résister. Par sa position géographique, il se trouvait
maintenant devenu limitrophe du royaume de Juda, et cette contrée
excitait sa convoitise, car elle était aussi florissante à cette
époque qu’elle est misérable aujourd’hui. D’après les voyageurs,
son agriculture était très développée et son commerce important;
le pays était riche et même pittoresque : la ville de Juda
était ombragée de grands arbres ; les négociants anglais, portugais
et français y possédaient des forts, qui étaient en même temps
des comptoirs pleins d’activité, et des propriétés agricoles ; le sol
pourvoyait abondamment à la nourriture des habitants.
En 1727, le roi de Dahomey fit dire au roi de Juda qu’il voulait
l’avoir pour tributaire; il exigeait une redevance annuelle considérable,
moyennant quoi il s’engageait à respecter l’indépendance
du royaume de Juda et à lui accorder même, le cas échéant,
aide et protection ; il ajoutait à ces conditions, quelque peu draconiennes,
qu’il lui fallait le libre passage dans le royaume de
Juda, pour aller trafiquer à la côte, si tel était son désir un jour.
Le roi de Juda, un peu trop vif peut-être, loin d’accéder à la
demande de son voisin, fit décapiter l’ambassadeur et renvoya, en
guise de réponse, sa tête au Dahomey.
C’est un prétexte que voulait encore Agadja. Disant qu’il allait
venger la mort de son émissaire et l’outrage qui lui avait été fait,
il envahit le territoire de Juda et, en quelques jours, transforma
ce royaume florissant en un monceau de ruines fumantes. Le roi
et les principaux chefs sont mis à mort après de cruelles tortures,
et tous ceux qui ne font pas acte de soumission sont passés par les
armes. La ville de Savi, cité très importante du royaume de Juda,
est saccagée et brûlée (1727).
Les comptoirs européens n’ont pas été plus respectés que le
reste de la ville de Juda ; tout est en cendres. Il en est de même
de Savi; la plupart des arbres sont abattus. Les Européens cherchent
un refuge dans les forts qui, en raison de leur construction
massive en terre, ont résisté à l’incendie.
Le royaume de Juda a vécu. Il fait partie du Dahomey et vient
encore augmenter son territoire. Agadja est heureux ; son royaume
est borné au sud, désormais, par l’océan, le seul voisin qu’il puisse
supporter sans jalousie.
A l’ouest, le petit royaume de Jackin, tributaire de celui de
Juda, est encore indépendant. Agadja fait demander sa soumission
au roi de Jackin, qui fait abandon de ses droits presque aussitôt,
pour échapper aux désastres d’une guerre. Mais l’habitude est
prise; il faut du sang. Quoique le roi ait donné son pays, on brûle
Jackin et l’on massacre les habitants (1729).
L’hécatombe des royaumes est achevée; Aho, dans sa tombe,
doit tressaillir d’orgueil et de satisfaction. Agadja est un grand roi
et un grand conquérant ; il est le digne successeur de la dynastie
et son nom restera à jamais gravé dans le coeur des générations
futures. Il meurt au moment où il jetait sur les Popos un regard
d’envie (1729).
Si, à cette époque, au moment où il était dans le feu de l’action,
le Dahomey avait continué ses conquêtes, tout le golfe de Bénin
composerait aujourd’hui son territoire; il eût suffi qu’Agadja eût
comme successeur un homme ayant la même ambition et la même
énergie. 11 faut battre le fer pendant qu’il est chaud, dit le proverbe;
à cette époque, le fer était rouge et le marteau levé.
11 est à remarquer qu’en général les successeurs des grands
conquérants sont des nullités complètes. Ceux qui occupèrent le
trône de Dahomey après Agadja se soucièrent peu de continuer
ce qu’il avait commencé, et toute tentative de conquête cessa
pendant huit ans.
Règnes de Tégbouessou, Mpengla e t d’Agonglou, de 1729 à 1774.
Tégbouessou et son successeur Mpengla sont forcément éclipsés
par la renommée d’Agadja; on en parle peu ou point; d’ailleurs,
aucun événement notable n’est à signaler sous leur règne, sauf
peut-être les premières expéditions qui furent faites sans résultat
contre les Mahis ou Manhis’, au nord du Dahomey. Nous n ’avons
I. En langue indigène, mahi veut dire montagnard, parce que Ces peuples
habitent la première ramification des monts de Kong.