ment en avant ; la tête dodeline en cadence, le sourire est sur les
lèvres.
La danse se compose généralement de génuflexions, de prosternations,
d’arrêts, de balancements exécutés autour de la place par
cent ou deux cents femmes avec un ensemble et une précision qui
égalent ceux de nos corps de ballet les mieux exercés. Le spectacle
vaut la peine d’être vu.
Ces gens si gais et qui semblent être si heureux pendant les
fêtes de leur religion, sont de cruels meurtriers ; ils immolent, à
des divinités fictives et auxquelles ils ne croient pas eux-mêmes,
d innocentes victimes humaines, qui n’ont souvent commis d’autre
crime que d’être pauvres ou malheureuses sur cette terre.
C’est là qu’est l’horreur que doit inspirer cette religion barbare,
cet abrutissement moral qui pousse un homme à croire que le sang
de ses semblables, répandu inutilement, lui portera bonheur;
c est que ceux qui commettent ces actions n ’ont pas même l’excuse
de la conviction !
Ils versent le sang humain, froidement, comme le boucher
égorge le mouton, pour la seule satisfaction d’un principe, d’une
idée unique : faire une impression profonde afin de garder haut
le prestige du fétichisme, et le maintenir comme une menace sur
la tête de ceux qu’il gouverne.
Au Dahomey, à Porto-Novo *, les sacrifices humains sont toujours
en usage. Il y a quelques années encore, dans cette dernière
ville, les cérémonies avaient lieu dans un bosquet à peu de distance
de la ville ; les Européens l’appelaient le bois sacré. Jonché
d ossements, cet endroit, où poussent librement aujourd’hui les
lianes et les broussailles, est toujours un témoignage frappant
des cérémonies d’autrefois.
En 1 888 encore, à côté du salam du mingan, dans le jardin de
la maison Carvalho, dont les propriétaires étaient absents, on
immolait des créatures humaines aux divinités fétiches. On a trouvé
dans ce jardin de nombreux ossements.
Aujourd hui, les condamnés à mort servent de prétexte au roi
pour ces cérémonies, qu’on fait passer pour leur exécution.
En 1890 encore, non seulement au Dahomey, mais à Porto-
Novo, le gongon battait en plein marché, à chaque instant, pour
1. Depuis J occupation française à Porto-Novo, on se cache pour les faire;
us ont lieu dans d’autres villes du royaume ou de l’autre côté de la lagune
dans le plus grand secret.
prévenir les habitants que la nuit serait mauvaise, ce qui veut
dire, en d’autres termes, qu’il y avait des cérémonies de fétiches,
et que ceux qui ne seraient pas chez eux à la nuit tombante seraient
punis sévèrement ou ne reverraient jamais, peut-être, leur
habitation.
On faisait fétiche pour se rendre les résultats favorables, alors
que la France disputait Porto-Novo au Dahomey.
Le mingan a des appartements garnis de mâchoires humaines,
pour raviver, sans doute, d’agréables souvenirs, et, derrière le
palais du roi de Porto-Novo, au-dessus d’un chougoudou, une étagère
portait à chaque instant une tête fraîche au milieu de celles
qui y étaient depuis longtemps.
On immole les êtres humains d’une façon uniforme quelle que
soit la divinité à laquelle on s’adresse. Le malheureux qui doit
servir à la cérémonie est amené garrotté ; on lui a fait boire beaucoup
de tafia, ce qui le plonge dans une somnolence hébétée et
lui enlève la notion exacte de son sort; on ne l’a pas fait boire par
humanité, mais bien parce que les sacrifices ne doivent pas être
troublés par des cris.
Après la première partie de la cérémonie, qui se compose de
prières, de danses et d’évocations, on saisit la victime, on lui coupe
la tête de façon que le sang jaillisse sur la divinité en honneur
de laquelle est fait le sacrifice. On ouvre ensuite le corps, on
en arrache le coeur, et si c’est Elegba auquel on sacrifie, on y
ajoute les entrailles. La mâchoire inférieure est cassée en raison
d’une vieille coutume, et le corps est jeté dans un fourré au devant
duquel on tend la paille—fétiche, ou bien enterré dans un chougoudou.
On laissait autrefois les corps humains devant les divinités,
comme aujourd’hui les animaux; on ne voit plus chose semblable
de nos jours, à cause de la présence des Européens.
Quand ils sont sous les yeux du peuple, les féticheurs poussent
bien loin le fanatisme.
Nous avons vu en 1886, à Grand-Popo, un spectacle indescriptible.
Une femme avait été tuée par la foudre, près du mur d’une case
contre laquelle elle s’abritait pendant un orage.
Personne, selon l’usage, ne toucha à son corps. Tous les féticheurs
et toutes les féticheuses des environs se rassemblèrent peu
à peu, et leurs vociférations, jointes au bruit du tam-tam, ne lais