chacun ajoute son mot et aide à bien noircir un tel ou tel autre. Ce
n est pas seulement en Europe, comme on voit, qu’on dit du mal
des gens par pur passe-temps.
Telle est la vie des noirs en temps de paix ; chacun gagne ce
qui suffit à le faire vivre et oublie, au son du tam-tam, les misères
de l’existence.
Mais voici que les eaux ont baissé, la saison sèche commence ;
le roi de Dahomey pense à la prochaine expédition annuelle. Cette
année, on marchera sur telle ou telle peuplade ; on prendra,
comme de coutume, la direction de Porto-Novo, pays commode
à traverser, à la population agglomérée et pusillanime, aux cultures
abondantes et prêtes, en ce moment, à nourrir amplement
les pillards dahomiens. De là, si l’expédition n’est pas assez fruci
tueuse en prisonniers, on poussera jusqu’à un autre point, puis
on reviendra à la capitale avant que les eaux remontent. C’est
décidé.
Un mot, un simple mot, est dit au grand général des armées
la guerre. Et tous ces hommes, si paisibles, qui dansaient au son'
du tam-tam et écoutaient avec calme les fables du conteur, ces
laboureurs, ces forgerons, ces tisserands, quittent aussitôt la
bêche, le marteau, le métier, et prennent le fusil et la cartouchière
qui dormaient dans un coin, maculés encore, quelquefois, du sang
de l’année dernière.
Ces femmes, qui aidaient leurs maris et leurs pères dans leurs
travaux, laissent la case et les petits aux soins des vieillards que
leur âge exempte, et suivent les hommes à la capitale, emportant
sur leur dos les enfants à la mamelle.
Tous se dirigent vers le camp désigné avec cette simplicité et
cette obéissance qui caractérisent le Dahomien : le roi les appelle,
les hommes comme guerriers, les femmes comme bêtes de
somme. Dans ce pays, tout le monde est soldat, tant qu’il peut
tenir un fusil ou porter un fardeau. Les femmes sont destinées au
transport des vivres et des munitions.
On va faire des exercices préparatoires ; il faut que tous se
retrempent, pendant quelques jours, dans la dure existence du
soldat dahomien. Durant trois mois, les villes seront presque
désertes, les maisons vides, les champs abandonnés.
Les chefs sont tous appelés à la Capitale ; ils ont leur place dans
les rangs. Quelques-uns des vieillards restent seuls pour représenter
le roi et veiller à ce qui se passe. A Abomey, une agitation
LES AMAZONES A L’EXERCICE.