reçu d’une nation européenne, après avoir anéanti leur réputation d’invincibles,
semble avoir calmé leur ancienne ardeur guerrière.
Depuis cette époque, la Côte d’Or a fait d'immenses progrès ; les indigènes
ont été remis en bonnes relations les uns avec les autres, le gouvernement
anglais exigeant qu’ils oubliassent leurs anciens différends.
En 1850, le Danemark avait déjà cédé à l’Angleterre Accra et Quittah
contre la somme de 10000 livres sterling; ce qui fit qu’après la campagne
des Achantis, la Côte d’Or entière était définitivement sous l’influence
anglaise.
Nous avons déjà parlé des moeurs de la Côte d’Or; le fétichisme, l’esclavage,
les sacrifices humains régnent en maîtres dès qu’on quitte le littoral,
malgré le frottement continuel avec une nation européenne. Dans les villes
du littoral, seulement, on s’aperçoit que la civilisation exerce son influence.
Accra a la spécialité des bijoutiers, Quittah celle des approvisionnements
de bouche pour les navires.
L’aspect de la Côte d’Or est plus pittoresque que celui du Dahomey. Son
élévation au-dessus du niveau de la mer est, en moyenne, de 8 ou 10 m ètres.
On y aperçoit les premières falaises, moitié sable et moitié roche, sur les-
quellès en général sont les forts du littoral.
Le commerce de la Côte d’Or, autrefois considérable, est aujourd’hui
beaucoup moins important. Malgré la latitude que donne le gouvernement
anglais d’exploiter les mines d’or qui se trouvent dans la région nord,
aucune compagnie industrielle n ’a tenté la chose. Les frais de transport,
l’établissement ffe communications dans un pays difficile et accidenté, ne
permettraient pas de réalise r un bénéfice quelconque. Le Volta, qui sépare
la Côte d ’Or de la Côte des Esclaves, est un grand et beau fleuve, aux rives
boisées bordées de blocs de granit, navigable pendant toute l’année, et s’en fonçant
dans le nord dans des territoires inconnus et encore inexplorés.
Il réserve peut-être des surprises et de grands avantages au commerce de
la région.
Grand-Bassam et Assinie.
Après la Côte d ’Or sont les établissements français de Grand-Bassam et
d’Assinie.
La France caressait depuis longtemps le projet de s’établir à l’entrée de
la rivière Assinie. Une compagnie française y é tablit même des comptoirs
qui subsistèrent sept ans. En 1838, le gouvernement de Louis-Philippe
envoya le vaisseau la Ualouine, commandé par le lieutenant de vaisseau
Bouët-Villaumez, planter notre pavillon à Assinie, à Grand-Bassam et au
Gabon.
Mais les indigènes n ’étaient pas soumis et nécessitèrent une nouvelle
expédition. Le lieutenant de vaisseau Fleuriot de Langle venait, en juillet
1843, s’emparer d’Assinie, e t en septembre le lieutenant de vaisseau Ker-
hellet prenait possession de Grand-Bassam et de Dabou.
D’abord réunis au Sénégal, Grand-Bassam et Assinie font partie aujourd’hui
des établissements du golfe de Bénin ou Guinée française, comme on
les appelle maintenant.
La maison française A. Verdier tien t avec assez de succès des plantations
de café. Le reste du commerce est peu considérable.
Côte de Krou.
La Côte de Krou (nommée ainsi parce qu’on y recrute des équipages;
crew, en anglais, signifie équipage) est une des régions les moins civilisées
du golfe de Guinée.
Les indigènes, Kroümen ou Kroomen, comme on les appelle, n’ont jamais
voulu que les Européens viennent chez eux. Civilisés eux-mêmes p ar leur
contact avec les Européens dans les autres régions, ils savent que leur indépendance
ne subsistera qu’à cette condition. Les Anglais prétendent que le
pays est sous leur influence, comme de coutume ; mais il n ’en est ainsi
que sur leurs cartes, où ils le colorent d’une teinte semblable à celle-de
leurs possessions.
Le pays est tout à fait indépendant. Les Kroomen sont encore anthropophages
dans l’intérieur, et mangent les prisonniers qu’ils font dans leurs
guerres continuelles. Leur pays abonde en rizières (c’est le seul endroit de
la Guinée septentrionale qui en produise), e t ils vivent de riz, de chasse et
de pêche.
La vie du Krooman. se passe en partie hors de chez lui, ou à peu près.
Il s’engage pour un an et sert fidèlement le maître qui l’a engagé. Intelligent,
adroit, fort, il est propre à toutes les besognes, et soldat, manoeuvre,
pêcheur, chasseur, canotier ou passeur de barre, il s’acquitte parfaitement
de ses fonctions. Autrefois, il s’expatriait pour aller fort loin ; on voyait le
Krooman à Panama, à Hambourg, au Brésil; aujourd’h u i, il refuse de
quitter le golfe de Guinée.
Son année terminée, le Krooman est rapatrié par celui qui. l’a engagé, et
il retourne chez lui avec quelques pagnes, un peu de poudre, un fusil e t de
l’argent. Il se retrempe dans la vie de famille, plante son riz, et s’en va de
nouveau gagner de l'argent à l’étranger. Il n ’est pas économe, il dépense
ce qu’il gagne.
Les Kroomen tolèrent sur la côte le commerce comme il se faisait il y a
vingt ans : un navire chargé de pacotille arrive, e t le capitaine se tran sforme
pendant quelque temps en négociant ; il rep a rt après avoir écoulé
ses marchandises et chargé des produits.
Pas d’établissements européens, pas de factoreries. Une seule exception
est à mentionner : il y a à Tabou, sur une petite île en face de la côte, une
factorerie hollandaise.
Soumis e t obéissant chez les autres, le Krooman devient, chez lui, une
bête fauve. Les Européens qui débarqueraient sur la côte de Krou sans son
consentement seraient massacrés.
En 1887, un vapeur anglais, le Sénégal, fit naufrage en passant devant la
côte. II existe en cet endroit des récifs à fleur d’eau trè s dangereux, e t cinq
ou six carcasses de navires en sont le témoignage. Les passagers du Sénégal
furent terriblement maltraités à leur débarquement ; il s’en fallut de peu
qu’ils ne fussent emmenés prisonniers. On les dépouilla complètement e t on
les laissa aller à Libéria demi-nus dans un é ta t pitoyable.