toute la nuit. La plus grande gaieté règne dans l’assemblée ; on
croirait plutôt assister à un mariage.
Nous pensons qu’on peut donner comme excuse, à cette perversion
de sentiments, la superstition des noirs ; ils croient fermement
à une vie meilleure après la mort, et ces réjouissances
sont peut-être la manifestation de la joie que leur cause l’entrée
d’un parent dans cette autre vie. Ils témoignent quelques regrets au
début, comme pour montrer là peine que leur cause la séparation
ici-bas. Mais, malgré tout, on ne peut nier que le noir, dans ces
régions, soit un être sans coeur et sans sensation ; il se rapproche
beaucoup de la bête sous ce rapport.
Les noirs tiennent beaucoup à être enterrés dans leur ville
natale ; aussi, lorsque la distance n’est pas trop grande, la loi veut-
elle qu’on les y transporte. Dans le cas où l’on manque de moyens
pour le faire, on leur coupe la tête et un bras qu’on emporte
plus facilement, et auxquels on fait les mêmes cérémonies que si
c’était le corps entier.
A peine le défunt a-t-il les yeux fermés que les héritiers, tout
comme dans les autres pays, se disputent déjà sa succession.
Les héritages vont du frère au frère de la même mère, ou, à défaut,
au fils aîné de la soeur; s’il n’y a plus d’enfants de la même
génération que le défunt et de la même mère que lui, c’est son
fils aîné qui hérite.
Il est sous-entendu qu’au Dahomey, avant tout héritier il y a
le roi ; il prélève, si cela lui fait plaisir, une partie ou la totalité
de ce que laisse le défunt ; mais il ne s’enrichit pas à cette source,
car chacun est pauvre dans son royaume. Si l’un de ses sujets avait
quelque bien de son vivant, il n ’attendrait pas sa mort pour en
confisquer au moins une partie.
L’héritier, si c’est le fils, par exemple, prend en premier lieu
toutes les femmes du défunt, à l’exception, de Sa propre mère.
Celle-ci est généralement bien traitée en pareil cas ; elle a la
main sur les autres femmes, et conserve à la maison une sorte de
suprématie en même temps qu’une grande liberté. Ce cas se présente
à chaque instant. En plus des femmes, l’héritièr devient
propriétaire de la case et de tout ce qu’elle contient sans exception
aucune. Ses frères ou soeurs de la même mère n’ont rien à
attendre de lui avant sa mort, d’après la loi que nous venons de citer.
Quant aux autres enfants, ils savent qu’ils n’auront jamais rien à
espérer de ce côté.
11 arrive que, lorsque c’est le frère qui hérite, les enfants du
défunt sont abandonnés dans une complète misère. S’ils sont en
bas âge, leur oncle les prend quelquefois ; mais s’ils sont en état
de travailler si peu que ce soit, il ne s’en occupe pas. Parfois le
père, sachant qu’ils doivent être déshérités, leur a donné quelque
chose de son vivant; mais ces actes de prévoyance sont
rares.
En plus de la case, les habitants possèdent souvent de petites
propriétés qu’ils cultivent eux-mêmes ou qu’ils louent à d’autres.
Tous les endroits cultivés aux alentours des villes ou villages sont
ainsi morcelés en un grand nombre de propriétaires. Le prix d’un
terrain est insignifiant ; il se traite à l’amiable et non en proportion
exacte de sa surface.
Le roi vend ainsi à ses sujets, au profit de ses revenus, de nombreux
morceaux de son territoire, qu’il reprend quand bon lui
semble soüs un prétexte quelconque et sans rendre l'argent.
Le prix varie suivant les résultats qu’a donnés la culture sur
l’endroit que l’on veut acheter. En moyenne, en dehors de la ville,
on peut avoir un hectare pour dix sacs de cauris, c’est-à-dire à peu
près 100 francs.
En ville, il n’en est pas de même; l’emplacement d’une case
avec sa cour, qui occupe au minimun de 10 à 12 mètres carrés,
coûte souvent plus qu’un heetarehors des murs.
La moitié des terrains qu’occupent les habitations n’est que
louée ; l’occupant doit payer régulièrement sous peine de se voir
assigner devant les autorités, qui règlent le différend en confisquant
la case et les biens.
Les propriétés rurales n’ont, aux yeux d’un étranger, aucune
limite apparente ; il n’est pas d’usage, chez les noirs, de les limiter
par des murs, des palissades, des haies et des barrières comme
dans nos pays civilisés. Çà et là, au milieu de la verdure, on peut
apercevoir de petits pieux plantés en terre, avec un morceau de
chiffon au bout ou coiffé d’un petit pot ou de quelques plumes de
poule : c’est le poteau fétiche.
C’est une convention très respectée que .celle des limites de la
propriété ; aucun noir ne pense jamais à dépasser, en récoltant, ce
petit bout de bois béni par le féticheur. Sa superstition l’en
empêche.
On place généralement ces indications aux quatre coins d’un
champ.