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 on  commença  à  organiser  une  défense  sérieuse  à  Porto-Novo,  ainsi que  le  
 cantonnement  des  troupes ;  les  exercices,  les  théories  et  les  revues  remplacèrent  
 le service  en  campagne. 
 La défense  de  Porto-Novo  fut  établie  au  moyen  d’une  ceinture  de  forts  
 destinés  à  remplacer,  à l’ouest,  au nord  et  à  Test,  les murailles  en  ruines.  
 On  commença  ainsi  la construction  du  fort des Amazones,  du  fort  Oudard,  
 du fort  Mousset,  ainsi  nommés  en  souvenir  des  épisodes  les  plus  glorieux  
 ou les  plus  tristes  de la première  partie  de la  campagne. 
 Pour les  officiers comme pour tout  le monde, l’expédition  était  inachevée.  
 On  n’avait  à  enregistrer,  au  demeurant,  aucun  succès  éclatant,  aucune  
 victoire  décidée,  et  chacun  avait  le  secret  espoir  qu’on  était  trop  avancé  
 pour ne  pas  aller jusqu’au bout.  Nous  sommes  certain  que  ce  fut  avec  un  
 profond  regret  que  nos  troupes  de  terre  et de  mer virent  un  arrangement  
 diplomatique  intervenir  un  peu  plus  tard  et  renvoyer  —  pour  toujours,  
 pensait-on,— cette  conquête déjà  achetée  en partie au prix  de  leur  sang. 
 Le  lieutenant-colonel  Terrillon,  rappelé  au  Sénégal  et  remplacé  par  le  
 lieutenant-colonel  Klipfel,  quittait  à  regret  le  théâtre  des  événements;  il  
 emportait dans  son  coeur  l’espoir de  revenir, plus  tard,  conduire  à Whydah  
 la colonne qui  l’avait  si  vaillamment secondé. 
 Nos  compatriotes  faits  prisonniers  ont  raconté  eux-mêmes  en  détail" les  
 péripéties  de  leur  captivité. 
 Fort maltraités  jusqu’au  moment  où  ils  furent  conduits  devant le  roi  du  
 Dahomey,  leur  sort  fut  ensuite  amélioré,  et,  sauf le  manque  de  liberté,  ils  
 n’eurent plus  ensuite  à  se  plaindre des  mauvais traitements auxquels  on les  
 avait  habitués  dep’uis  leur  départ  de Whydah. 
 Le  f er  mai,  ils  étaient  mis  en  présence  du  roi  et,'après  cette  entrevue,  
 leur  liberté  leur  fut  rendue  dans  le  royaume.  Le  5,  ils  étaient  de  retour  à  
 Whydah  et, le  8,  sous  la  protection  du  lieutenant  Santos,  commandant  du  
 fort  portugais,  ils  se  rendaient  à  bord  du  Kerguelen,  où  le  commandant  
 Saget  de  la  Joncherie  leur.fit  l’accueil  le  plus  aimable  et le  plus  cordial. 
 Le  i l   août,  pendant  la  nuit,  une  faible  tentative  fut  encore  faite  contre  
 le s  retranchements  de  Kotonou.  A  un  signal  convenu  en  cas  d’attaque,  le  
 Roland et la Naïade firent, de la rade, des projections électriques pour éclairer  
 la p laine, et une fusillade  suffit à repousser l ’ennemi,  épouvanté, sans doute,  
 par cet inexplicable phénomène  qui venait au secours des Français. 
 On  sait ce qui  se passa  ensuite :  des  émissaires  envoyés  par  le  commandant  
 Fournier  furent  gardés  par  le  Dahomey,  et  le père  Dorgère  reçut  la  
 mission  difficile  d’arranger  le  différend. 
 Un télégramme de M.  l’amiral  Cavelier de Cuverville  annonça,  en  France,  
 le  succès  des  négociations.  Les  agorigans  de  Kotonou  avaient  été mis  en  
 liberté  quelques  jours  après  le  départ  des  Européens  prisonniers.  Le  père  
 Dorgère  avait  obtenu  la  liberté des messagers  du  commandant Fournier  et  
 signé,  avecM.  d’Ambrières, représentant  le gouvernement français,  le traité  
 dont voici  la  teneur,  accepté  au  nom  du  roi  de  Dahomey  (?)  par  Candido  
 Rodríguez  et  Alexandre  '  : 
 1.  Ces deux nègres  devaient être désavoués à la première occasion par le  roi. 
 «  Le  roi  de Dahomey  s’engage  à  respecter  le  protectorat  français  sur  le  
 royaume  de  Porto-Novo  et  à  s’abstenir de  toute  incursion  sur les territoires 
 faisant  partie  de  ce  royaume. 
 «  11  reconnaît  à  la  France  le  droit d’occuper  définitivement Kotonou. 
 «  La  France  exercera  son  action  auprès  du  roi  de  Porto-Novo  pour  
 qu’aucune  cause  légitime  de  plainte  ne  soit  donnée,  à  1 avenir,  au  roi  e 
 Dahomey.  , 
 « A  titre  de  compensation pour  l’occupation  de  Kotonou,  il  sera  verse 
 annuellement,  par  la France,  une  somme  qui  ne  pourra,  en  aucun cas,  dépasser  
 20 000  francs (or  ou  argent).  »  ,  ‘  j   *3 
 Ce traité  était  signé le  3  octobre  1890,  en  attendant  la  ratification  de  la  
 Chambre 
 Celle-ci  a discuté  la  question  dans  le  courant  de  mars  1891.  Comme  ce  
 traité n’était pas  ce  qu’on était  en droit  d’attendre du Dahomey,  qui eût du,  
 au . contraire,  nous  indemniser,  au  lieu  de  tirer  avantage  de  1 expédition,  
 les  avis  furent  très  partagés  en  ce  qui  concernait  la  ratification.  Aussi  la  
 Chambre  ne  se  prononça-t-ellê  pas  et  renvoya-t-elle  la  question  devant  
 le  conseil  des ministres.  Il  était impossible  de mieux  faire  comprendre  que,  
 sans  pousser  à  une  expédition,  elle  ne  comprenait  guère  qu’une  nation  
 comme  la  France  traitât  dans  de  pareilles  conditions  avec  des  nègres.  ^  
 Le  traité  de  1890  fut  violé  comme  le s  autres  et  notre  gouvernement mis  
 en  demeure  de  le  faire  respecter.  C’est  ainsi que  furent  décidées  le s  expéditions  
 du Dahomey  de  1892  et  1893-1894, dont on va lire  le résumé, et qui  
 êurent  pour  résultat  la  conquête de  ce  pays barbare.