XIT PRÉFACE.
demande du roi de Porto-Novo, qui avait peur des Anglais, la
France avait accordé un protectorat auquel elle avait renoncé
l’année suivante, et qu’elle n’a rétabli qu en 1882, sur les
instances d’un autre roi. Les difficultés résultant de la situation
géographique de Kotonou qui est enclavé dans le territoire
dahomien et qui est le débouché maritime de Porto-Novo, et
la situation politique de Porto-Novo protégé de la France et
vassal du Dahomey ont amené des incursions du roi Glèlè, des
négociations infructueuses, et finalement une guerre contre le
fils de Glèlè, Behanzin, qui s’est terminée par la destruction
du royaume fondé par Aho au milieu du dix-septième siècle.
Le pays n’est ni très peuplé ni très riche. Les villes sont en
décadence; les villages, en général misérables, malpropres et
malsains malgré l’apparence riante que leur prête la végétation
tropicale. La paix, fa x augusta, lui rendra sans doute
les habitants que la guerre et les « coutumes » avaient décimés.
Le commerce s’y développera assurément ; mais il ne faut pas
s’exagérer les bénéfices qu’il procure ni se dissimuler les difficultés
de la concurrence que se font aujourd’hui les Européens
dans ces parages. Le gouvernement de la République a fait son
devoir en donnant par les armes la sécurité à cette colonie, et
il l’a agrandie par la conquête. Les Français sont certains d y
trouver protection ; à eux de savoir en profiter.
La Guinée ne saurait devenir une colonie de peuplement.
Elle est et restera un comptoir de commerce. Même à ce point
de vue, M. Foà, qui traite de folie l’intention d’aller s’établir
dans le pays, n’est pas encourageant; mais il y a lieu d’esperer
que certaines conditions s’amélioreront avec le temps, qu un
peuple chez lequel le tisserand fait à peine, en quatre heures
de travail, 1 mètre d’étoffe de 45 centimètres de largeur, sera
un client avantageux pour les fabriques d’Europe, et que la
pénétration dans l’intérieur fournira plus ample matière à 1 imp
r é f a c e . xv
portation comme à l’exportation. En tout cas, des « conseils
aux Européens » qui ont été dictés à M. Foà par l’expérience,
il y en a beaucoup à retenir, en particulier celui de ne tenter
d’entreprise qu’avec « un fort capital » ; il y a aussi à méditer
ce fait, trop connu de ceux qui s’occupent de questions coloniales,
que sur le territoire portant pavillon français, ce ne
sont pas les négociants français qui occupent seuls la place, ni
même qui occupent toujours la première place : à Porto-Novo,
il y avait, en 4893, deux maisons françaises, trois maisons
allemandes, une maison portugaise, et c’était un bateau à vapeur
allemand qui faisait le service entre cette ville et Lagos.
Je répéterai, en terminant, une maxime que j’ai souvent eu
l’occasion de citer en parlant d’agriculture, d’industrie ou de
commerce : « Aide-toi, le ciel t’aidera. » Les négociants n’ont
pas, dans le cas présent, à se plaindre du ciel, je veux dire de
l’action gouvernementale; qu ils s’aident eux-memes. Le livre
de M. Foà les éclairera sur l’état des populations et sur les ressources
naturelles du pays, qu’il est nécessaire de connaître
pour entreprendre en connaissance des faits et pour bien diriger
une affaire commerciale : c’est pourquoi j ’ai accepté de le
présenter au public.
E. LEVASSEUR.