quer le moment de la journée. Dans les villes fréquentées par les
Européens ou les missionnaires, les indigènes ont un peu pris nos
habitudes ; mais, en général, ils ne se font pas une idée exacte de
notre décomposition du temps. Ils appellent l’heure la cloche à
cause des cloches de la mission et des factoreries qui sonnent à
des intervalles réguliers.
Les jours se comptent d’une façon assez étrange. Quand un
indigène dit : dans trois jours, cela veut dire après-demain. La
journée oùl’onparle est toujours incluse, même s’il est six heures
du soir. On peut ajouter, à ce propos, que le noir ignore absolument
ce que c’est que de tenir une promesse ou d’être de parole.
Quand il promet quelque chose pour le lendemain, on peut, sans
se tromper, compter quatre ou cinq jours. Aussi, pas plus de
cette façon que d ’une autre, ne peut-on compter sur lui.
Les mois syndiquent par lunes, comme chez tous les peuples
peu civilisés. Le mot qui signifie « année » en langue indigène,
ne comprend pas un certain nombre de mois; sa définition est
p lu tô t. Planter le maïs et le manger, le replanter et le cueillir.
A la fin de la récolte, 1’ « année » est finie. C’est là que commence la
première lune qui équivaut à notre mois de mars ; et c’est alors
que l’on plante pour la première fois. A la cinquième lune
(juillet) a lieu le deuxième semis ; pendant la onzième et la
douzième après la deuxième récolte on laisse la terre se reposer ;
c’est la saison sèche (janvier et février).
Les fêtes ont lieu pendant la pleine lune lorsque le mois arrive ;
les jours qui les limitent sont fixés par le gouvernement indigène.
La décomposition des mois en semaines est ignorée. De même
aucun noir n’a la moindre idée de son âge.
Langues et idiomes.
Les langues établissent, sur la côte occidentale d’Afrique, des
distinctions bien tranchées; ce qui est étonnant, c’est que sur
des territoires qui sont compris dans un rayon de 200 kilomètres,
i y ait trois langues bien distinctes, totalement différentes l’une
de 1 autre et n’ayant même aucun rapport ensemble. Nous ne
comprenons pas ici la Côte d’Or qui possède sept idiômes à elle
seule ; nous ne parlons que des Popos du Dahomey et du Yorouba.
Comme nous l ’avons dit déjà, on ne retrouve dans aucune de
ces langues d indices pouvant mener à la découverte de leur origine
première. Le yorouba contient quelques mots arabes; mais
sont-ils une modification moderne de la langue, résultant de la
grande influence musulmane qui se fait sentir dans le pays de nos
jours, ou bien ont-ils été importés par les premiers Arabes qui
vinrent autrefois dans la région?
Quoi qu’il en soit, cela n’apporterait aucune lumière sur l’origine
du Yorouba ; il ne pourrait qu’être démontré, dans le second
cas, que les Arabes ont fréquenté la région depuis les temps les
plus reculés.
Il est très amusant d’entendre certains auteurs, qui prouvent
par cela même qu’ils ne se sont jamais approchés du pays, parler
des idiomes de la région comme de langues harmonieuses aux
poétiques images. Nous n’avons malheureusement jamais pu constater
rien de semblable. Nous savons que le Nago parle avec
une intonation qui fait supposer qu’il va pleurer, et que le Daho-
mien, le Popo et le Minah ont une langue gutturale, très désagréable
à entendre et excessivement difficile à bien parler pour
l’Européen.
Quant à la poésie et à la gracieuse métaphore, elle peut être
l’apanage des Indiens de Fenimore Cooper, mais c’est chose inconnue
sur la côte d’Afrique où l’école la plus réaliste ne trouverait
rien à apprendre ; on traduit \ je t'aime, par : je veux ta viande,
et j'a i du chagrin, par : ça me cuit dans le ventre. Le reste est à
l’avenant et empreint, comme on voit, d’une maigre poésie.
D’ailleurs, la forme du langage, en général, diffère beaucoup
du nôtre. Les idées et les impressions étant tout autres que dans
nos moeurs, la langue s’en est ressentie forcément dans la façon
d’exprimer ces sentiments. D’un autre côté, une foule de mots
qui paraissent avoir des équivalents dans notre langue, n’ont
pas exactement le même sens que les nôtres; nous parlons ou
comprenons ainsi l’idiome par à peu près.
En général, ces langues sont pauvres, aussi bien par rapport
aux nôtres qu’en elles-mêmes ; le même mot a souvent plusieurs
significations selon qu’il est prononcé avec tel ou tel accent.
Le nago ou yorouba est l’idiome le plus répandu ; on peut,
dans cette langue, se faire comprendre depuis le Jebou jusqu’à la
Côte d’Or, tandis que le fon1 et le g â8 ne sont usités exclusive-
1. Langue du Dahomey.
2. Langue des Popos.