son pays; il leur donna ensuite une certaine graine (le maïs),-en
leur indiquant la manière de la cultiver1.
G est ainsi que, graduellement, la culture couvrit le pays, la
manufacture prit naissance et les industries diverses se formèrent.
Aucune de ces dernières n ’est arrivée, même aujourd’hui, à un
degré avancé ; l’art y est partout dans l’enfance, et c’est ce qui
rend ce pays si intéressant encore pour le voyageur.
Nous allons passer en revue tous les fabricants indigènes et
voir quels sont leurs matières premières et leurs articles.
F orgerons. Le fer était autrefois extrait du minerai par les
indigènes. Pour cette opération, ils posaient une énorme marmite
épaisse de 8 à 10 centimètres, au milieu d’un grand tube en
terre mesurant 1“ ,50 à lm,60 de diamètre ; le feu était arrangé
de façon à envelopper de tous côtés la marmite, actionné par un
grand courant d air et-une énorme quantité de bois. La marmite,
tenant lieu de creuset, et pleine de minerai, était munie, à sa
base, d’un tube en terre allant au dehors et par lequel s’échappait le
métal en fusion, après quatre jours et quatre nuits de chauffe non
interrompue. Cet appareil demandait énormément de bois et
donnait peu de résultats. Aussi, dès que les Européens apparurent
avec du fer en barres, fut-il abandonné. Aujourd’hui, tout le fer
qui sert à la manufacture indigène vient des Européens.
^ Le matériel de la forge se compose d’une paire de soufflets,
d’une paire de pinces grossières, d’un bloc de fer ou d’une
pierre servant d’enclume et d’un marteau difforme emmanché
sur un morceau de bois.
Les soufflets consistent en deux cylindres en terre surmontés
d’un couvercle en peau fortement attaché autour. Cette peau est
chassée au dedans ou tirée au dehors par un morceau de bois fixé
au centre, et ce mouvement emmagasine l’air par une soupape
de la peau et le chasse dans le tube qui correspond au feu. Ce
tube passe auparavant dans un entonnoir en terre qui reçoit également
celui des deux cylindres et ne présente au foyer qu'une
seule bouche d’échappement.
Le feu est fait de charbon de bois préparé à cet effet par les
forgerons eux-mêmes. L’enclume est une chose précieuse que
peu d’indigènes possèdent, aujourd’hui, sous sa forme européenne.
1. On attribue aux Portugais la première importation du maïs en Guinée.
Elle est généralement composée d’un morceau de fer massif enlevé
aux débris d’un navire naufragé ou bien d’une barre en forme
de crochet que l’on plante en terre. Le marteau est unique et
généralement composé d’un petit bloc, plus ou moins régulier
déforme, non trempé, et dont les bords s’écrasent avec l’usage.
En ajoutant à ce qui précède une paire de pinces rudimentaires,
on aura la nomenclature complète des outils du forgeron daho-
mien.
Deux hommes travaillent généralement à la forge : le souffleur
et le forgeron. Le noir a le défaut, dans tous les travaux en fer,
de ne jamais chauffer le métal assez à blanc. Dès qu’il est rouge,
les hommés le retirent et sont obligés de le remettre dix fois au
feu avant de finir leur travail. Cette façon de travailler fait que le
fer, à force d’être recuit, n’a plus de consistance et s’émiette au
premier choc. Ils ignorent l’art de tremper ou, du moins, font
très mal cette opération. Un ressort est la chose la plus difficile à
faire pour eux.
Au Dahomey, le forgeron est en même temps bijoutier; car
les bijoux des nobles sont en fer. Il confectionne à lui seul autant
d’objets utiles que les autres corps de métiers réunis. Il fait des
haches qui consistent en lames de fer légèrement trempées à
l’extrémité et ayant vaguement la forme d’un ciseau à froid ; on
les enchâsse ensuite transversalement dans un fort manche en
bois. C’est l’instrument du cultivateur concurremment avec la
bêche. Celle-ci, également confectionnée par le forgeron, se
compose d’une palette ou d’une lame de fer qui s'enchâsse dans
le manche dans un autre sens que la hache.
Du même atelier, il sort des clous, des marteaux, des ciseaux à
froid, des lames de couteau de toutes les formes, des chaînes, des
épingles à cheveux du paye, des gongons*, des ombrelles fétiches,
des poinçons, etc.
Là où l’intelligence du forgeron a été le plus mise à l’épreuve,
c’est lorsqu’il a voulu imiter une serrure. Cette opération compliquée
présentait une difficulté d’abord infranchissable : le ressort
et la façon de lui donner l’élasticité. Il n’y a qu’à songer aux tâtonnements
qui ont précédé le succès de la trempe dans'l’industrie
européenne pour se faire une idée delà peine qu’a eue le malheureux
artisan noir. Il a peut-être fallu des années pour qu’il arrivât
1. Cloches indigènes.