mais il est loin d’y avoir la même influence que son ancien suzerain
dans le sien. Son peuple a dégénéré, il s’est mélangé avec les
Nagos et forme un croisement des deux races qui se distingue par
une poltronnerie rare.
Le roi de Dahomey est difficile à approcher et à connaître ; ceux
qui lui font visite le voient trois ou quatre fois pendant deux mois.
Le souverain actuel, d’ailleurs, est tout à fait nouveau et personne,
ou peu de gens, peuvent dire quelque chose de son accueil.
Mais Toffa est plus accessible, il reçoit les Européens qui demandent
à le voir et leur fait même des visites de temps en temps.
C’est un homme d’une quarantaine d’années, grand, maigre, sec,
abruti par la boisson ; il est peu causeur et le sourire n’apparaît
pas souvent sur ses lèvres minces. Il ne porte que du fer
comme bijoux, selon l’usage dahomien, et a, au poignet gauche,
une quantité de bracelets. On lui voit, autour du cou, tout autant
d’amulettes; mais, contrairement aux Dahomiens, il affectionne
la soie et porte, lorsqu’il sort, des pagnes d’un grand prix.
Chez lui, dans l’intimité, il reçoit les Européens étendu sur un
vieux lit en bois vermoulu, placé au milieu d’un tas de choses
poussiéreuses, sous un appatam ’obscur, qui ressemble à un magasin
de bric-à-brac.
En cérémonie, il a un lit de parade, en velours rouge, d importation
anglaise, sur le dôme duquel on a brodé Ring Toffa, et
qui est situé en travers de l’embrasure d’une grande porte donnant
sur la cour des palabres. 11 possède un palais à Gbécon (à
trois quarts d’heure de Porto-Novo) où il a installé une salle du
trône, mais il n’y reçoit que rarement.
Toffa a deux manies innocentes, mais très curieuses : les coiffures
et les cannes. Il a une collection de ces objets qui pourrait
approvisionner un magasin; depuis 187S, il n a cessé de 1 augmenter
par l’entremise des Européens.
Un jour, en 1889, dans un dîner qu’il offrit (c’était la première
fois que cela lui arrivait) au docteur Tautain, résident de France à
Porto-Novo, il nous donna un spectacle fort amusant. Les usages
lui défendent de boire ou de manger devant personne ; quand il le
fait chez les Européens, il se couvre la tête d’un pagne sous lequel
on voit disparaître les coupes de champagne2.
1. Hangar, en fon ; on prononce ahpâta.
2. Il est, ou du moins doit être, soumis à des traditions fort curieuses :
son père ne pouvait voir la lagune, et comme la ville est sur ses bords, il