vrai Dieu. Sa religion se compose de plusieurs genres de croyances
dont l’ensemble peut se nommer le fétichisme. L’élément qui y
prime est la crainte de la sorcellerie et du pouvoir surnaturel ;
mais tout cela ne vient que bien loin après l’idée qu’il se fait de
l’Être suprême.
Le nègre croit en Dieu ; il lui attribue la création de toutes
choses et la toute-puissance. Il n’est pas panthéiste. Il borne
dans son esprit le rôle du Tout-Puissant à la création et à la haute
main sur ce qui se passe à notre époque. Il ne le personnifie pas,
même comme l’anthropomorphite. Par exception à ses habitudes,
il n’osé pas lui donner une figure.
Dieu, pour lui, c’est la Haute Influence, c’est l’Esprit suprême.
Rien n’est au-dessus. Il ne prononce son nom qu’avec respect et
humilité. C’est le premier dogme du fétichisme.
Le deuxième est l’adoration de tout ce que Dieu a fait ; chacune de
ses créations, si admirables en face de l’impuissance de l’homme,
a frappé son esprit; il en a fait des dieux subalternes, fils du Créateur
et bien moins importants que lui. Cè sont les enfants du
Tout-Puissant.
De là est né, par de nombreuses personnifications, le polythéisme,
qui ne vient qu’en deuxième ligne, et sans altérer en
rien la première croyance.
Le panthéon nègre est bien plus peuplé que celui des Romains ;
on peut classer ainsi les divinités qui y sont représentées :
L a C réation : le ciel, la terre, le soleil, la lune, les étoiles, la
mer, la lagune, les fleuves et rivières, les montagnes, le jour et
les ténèbres ;
L e s éléments : le tonnerre, le vent, la foudre ;
L e s in d u strie s p a r des symboles : l'agriculture, la chasse, la
pèche, le travail du fe r ;
L es maux d iv er s : la maladie, la haines la vengeance, le démon.
De toutes ces divinités, aucune n’est, dans leur croyance, particulièrement
bienfaisante. A toutes on fait des prières ou des sacrifices
pour attirer le mal sur la tète des autres ou se garantir soi-
même de leur colère. Le panthéon est plutôt un pandémonium.
Le troisième dogme est la déification des hommes célèbres pendant
leur existence et auxquels on rend, apçès leur mort, le même
culte qu’aux divinités précédentes.
Le quatrième est la zoolâtrie, où l’on n’adore, au contraire,
que les animaux bienfaisants.
Le cinquième, le culte rendu aux choses inanimées sans changer
leur figure. Il comprend des végétaux et tous les objets que
le prêtre du fétiche veut bien désigner comme sacrés.
Enfin, le sixième, basé sur une superstition exagérée, est Va
croyance aux esprits, aux génies, aux sorcelleries, aux enchantements,
aux appariions, à la magie et tout ce qui s’y rapporte.
Après la croyance en Dieu, c’est celle qui a le plus d’influence sur
le moral du noir. Elle devient tellement enracinée que, même
après la conversion à d’autres religions , il s’y laisse toujours
ramener. C’est une foi inébranlable qui naît et meurt avec lui.
Parmi les divinités que nous avons énumérées, il en est de
plus particulièrement vouées au mal, auxquelles le culte n’est rendu
que dans le but de détourner de sa tête, comme nous le disions,
les effets de leur puissance. Les images qui les représentent ne
se voient jamais dans les maisons ; elles restent dans la rue.
D’autres, au contraire, de peu d’importance et personnifiant
de petites superstitions particulières, sont admises dans toutes les .
habitations comme fétiches protecteurs, semblables aux dieux
lares des Romains.
Le noir vit ainsi au milieu de fétiches, et aucune de ses actions
n’est en dehors de sa religion. Il s’adresse au fétiche pour savoir
quelque chose, pour se venger de quelqu’un, pour découvrir un
voleur ou un coupable, pour avoir du courage à la guerre, pour
partir en voyage, etc. : en un mot, dans chacune des innombrables
circonstances qu’il traverse pendant sa vie. Alors qu’il a à peine
de quoi se nourrir, il trouve encore le moyen d’offrir un sacrifice,
si petit qu’il soit, à celui des dieux qu’il révère le plus.
Tels sont les principes du fétichisme.
Jetons maintenant un coup d’oeil sur les divinités. La plupart
des dieux d’habitation sont, lorsqu’ils ont la forme humaine,
en bois ou en argile. La sculpture indigène, par son genre primitif,
rend encore plus hideuses les figures qu’elle veut représenter.
Le ciel et la terre sont deux divinités que l’on associe souvent à
cause de leur contact apparent.
Obatala, le Ciel, est le plus grand des fétiches; c’estl’aîné des
enfants du Créateur. Il prend part, dans les croyances, à la création
de l’espèce humaine. On l’appelle aussi Onsé. 11 est également
le dieu de la Justice, car il décide de la culpabilité des accusés
que l’on amène devant lui. Quand il a parlé, c’en est fait du mal