l’eau, la frottent avec vigueur du côté opposé au poil. Peu à peu,
le cuir s’assouplit et devient comme une étoffe ; alors on le graisse
et il conserve sa souplesse. Cette opération dure assez longtemps.
Il faut deux ou trois jours de travail pour obtenir une peau ainsi
préparée.
La plus grande partie du travail des corroyeurs consiste en
ornementations ; ils garnissent des poignées de sabre, des boîtes;
des cannes, des ceintures, des calebasses, des paniers. Ils font
des fourreaux de couteau et de sabre, des cartouchières daho-
miennes de danse et de combat, des sacs, des gibecières indigènes,
des lanières, des cordes d’arcs et d’instruments de musique, des
carquois et des éventails curieux en cuir non assoupli, etc. Ils
sont arrivés, au Yorouba et ailleurs1, à teindre leurs peaux en
vert, en rouge, en bleu et en jaune; mais, au Dahomey, ils
donnent la teinte noire à la surface de la peau au moyen d’un
liquide végétal qui noircit dès qu’il a été appliqué et devient indélébile.
Dans beaucoup d’objets de leur fabrication, ils laissent le
poil sur le cuir.
Men u isier s , charpentiers et sculpteurs sur bo is . — Ces trois
corps de métiers sont exercés par une seule classe d’individus qui
alternent dans leurs travaux, étant tour à tour ouvriers et artistes.
Dans le premier cas, ils creusent, dans des troncs d’arbres, des
mortiers, des éeuelles, des plats, des pagaies et autres objets à
l’usage des habitants ; d’autres fois, ils se laissent aller au génie de
l’inspiration et font naître, sous leur ciseau, les divinités du pays,
les objets d’art et les bibelots de fantaisie.
Nous décrirons plus tard les nombreuses idoles appartenant au
culte fétichiste ainsi qu’à l’ornementation des cases. Il nous reste à
mentionner les manches de canne bizarres, les chaînes en bois
d’une seule pièce et une foule d’objets de leur invention et dont
quelques-uns sont très curieux. Ils sculptent des sièges à deux,
trois et cinq pieds taillés dans un seul bloc, des tabourets, des
oreillers, etc., etc.
Ciseleurs et marteleurs de cuivre. — 11 faut mentionner, puisque
nous touchons à l’art, une industrie qui est le privilège des féti-
cheurs des deux sexes. Cette classe d’indigènes, vivant à part dans
i . Mandingues, Aoussas et habitants du Niger.
des couvents, occupe ses loisirs par des travaux faits exclusivement
en laiton ët en cuivre, dont la vente les aide à vivre. Ils
achètent aux Européens le métal en baguettes, et le travaillent
eux-mêmes. Ils le réduisent en feuilles aussi minces que du papier,
le fondent et le sculptent. Ils fabriquent des éventails, des
jambières, des bracelets en cuivre ornementés de piqûres au marteau.
Ils sculptent des épingles fétiches très curieuses et une foule
d’accessoires qui servent à l’exercice du culte.
F abricants de pirogues. — Ceux-ci forment une industrie à part ;
il va sans dire qu’on ne les rencontre que chez les populations
riveraines, et en très petite minorité; quelquefois même ils s’établissent
au milieu des forêts et construisent quelques huttes où
ils s’abritent. Ils abattent leurs arbres et fabriquent leurs pirogues
sur place. D’autres font flotter leur bois jusqu’aux villages et établissent
leurs chantiers dans le voisinage des habitations. Les
Dahomîens ne construisent pas de pirogues, ou si peu que cela ne
compte pas.Les Minahs,lesPopoS et les Nagos sont très exercés à
ce genre de travail. Mais les premiers ne font que de petites pirogues
— dont quelques-unes même sont faites pour passer la barre
à Accra — tandis qu’au Yorouba on en creuse d’immenses. Petites
ou grandes, elles sont uniformément faites d’une seule pièce. Le
tronc abattu est généralement choisi d’un bois dur, résistant et
en même temps le plus léger possible. Pour creuser les embarcations,
ils choisissent, si l’arbre n ’est pas droit, la partie la plus
régulière dont ils équarrissent le dessus; sur .cette surface, ils
tracent grossièrement la forme qu’aura l’intérieur de la pirogue
et commencent à creuser, soit au feu, soit à la hache, avec la
patience nécessaire à un pareil travail. Lorsque le dedans est
achevé, ils tournent légèrement l’arbre sur le côté et commencent
à dégrossir l’extérieur. La forme des pirogues est allongée
et étroite, sans ventre, avec les deux bouts arrondis. Des bâtons
transversaux servent de sièges et de soutien, en nombre proportionné
à la taille de l’esquif. L’épaisseur des parois est de
2 à 8 centimètres, selon la taille. Les plus petites pirogues se
fabriquent aux Popos et ont 2m,90 de longueur sur 40 centimètres
de largeur. Les plus grandes, après une infinité de tailles intermédiaires,
se trouvent dans le Jebou et atteignent jusqu’à
25 mètres de longueur sur 3m, 10 de large; elles portent dè 15
à 18 tonnes.