Villes modernes.
Les villes actuelles offrent toutes le même type. On peut, en donnant le
portrait d’une d’elles, les représenter toutes. Nous les diviserons en trois
genres, selon qu’elles sont construites dans la première ou la deuxième
zone, ou su r l’eau.
Dans la première zone, les matériaux de construction tels que l’argile, la
glaise, l’humus gras, c’est partout le sable ou la vase ; les habitations et les
murs sont en paille et bambous. Dans la deuzième zone, les toitures seules
sont en paille et le reste en argile rougeâtre. Ces deux genres de villes ont
donc forcément un aspect différent.
La ville en paille est plus propre, du moins en apparence'; les ruelles ou
sentiers qui en sont les artères sont dépourvus d’excavations ; c’est du sable
épais dans lequel on enfonce, mais qui se referme sur vos pas.
La ville en argile, lorsqu’il pleut, est excessivement sale ; elle manque
toujours de niveau ; on l’a bâtie au hasard sur les inégalités du terrain,
comme elles se sont présentées. Les pluies torrentielles qui tombent dans
ces régions forment des torrents dans les rues, rongeant le pied des murs,
creusant le te rra in et produisant, en certains endroits, des mares qui ne
disparaissent que p a r l’évaporation. Une boue épaisse et gluante s’attache
aux pieds ou aux chaussures'; elle s’y amoncelle et ce n ’est que p a r son
poids qu’elle finit p ar se détacher. On entre ainsi dans les cases, apportant
avec soi ce mortier rougeâtre que l’on dépose partout.
Lorsque la pluie cesse et que le soleil sèche momentanément le sol, les
rues se montrent pleines d’ornières, de rigoles, de trous et de monticules.
Il flotte partout dans i’a ir une poussière rougeâtre impalpable, qui salit tous
les objets ou les vêtements.
A ces inconvénients passagers, il faut ajouter l’aspect irrégulier que les
rues offrent naturellement ; les habitants, trop paresseux pour-aller hors de
la ville chercher leurs matériaux de construction, enlèvent à quelques pas,
dans le premier endroit venu, à côté de leur habitation, l’argile nécessaire
à leur travail.
Il s’ensuit que l’on ne fait pas dix pas sans rencontrer des trous semblables,
plus ou moins grands, et d’où l’on re tire continuellement de la
te rre . Quelques-unes de ces excavations (comme à Porto-Novo,par exemple)
atteignent les dimensions de véritables précipices de 18 à 20 mètres de profondeur.
Il se développe dans le fond et le long de leurs parois une végétation
épineuse qui, mêlée aux éclats de verre et immondices de toutes sortes
qu’on y jette, ren d fort dangereuses les excursions nocturnes faites sans
lanterne.
Lorsque la pluie arrive, ces trous se remplissent d’une eau sale et puante.
La plupart d’entre eux ne trouvent pas d’écoulement et se couvrent d’une
mousse verdâtre, sur laquelle se détachent les cadavres enflés de chiens,
de porcs, de poules et autres animaux morts qu’on y jette.
Pendant l’armatan, tout cela diminue e t se change en flaques de boue
verte dont on sent, à plusieurs centaines de mètres, les émanations pestilentielles.
Ces gaz méphitiques s’ajoutent aux exhalaisons des marais et lagunes
qui baignent le pays, et sont une des principales causes de l’insalu- .
brité des villes. _
L’aspect des rues manque généralement de perspective a cause de leurs
détours. Contrairement à nos usages, ce ne sont pas les habitations qui
sont bâties sur les rues ; ce sont les sentiers qui tournent autour des cases.
La plus grande largeur de ces passages est de 4 à S mètres ; mais, le plus
souvent, elle ne dépasse pas 2 mètres pour les grandes artères et 1 mètre
pour les petites.
Il ne faut pas croire, après ce que nous avons dit des excavations, que
l’on y jette plus particulièrement les ordures; on ne le fait que lorsque ces
trous sont tout à fait à portée et qu’il n’y a que quelques mètres à franchir;
sinon on ne prend pas ta n t de peine : on jette tout dans la rue, devant sa
porte. Sans les porcs et les vautours, qui remplacent, les premiers, 1 égout,
et les seconds, la voirie, le sol des ruelles disparaîtrait sous les immondices.
Les chefs indigènes s’occupent des impôts et des affaires locales, mais ils ne
prennent aucun soin de la pro p re té ; leur nez, pas plus que celui des habitants,
n’est affecté des mauvaises odeurs. Au surplus, si l’on jette beaucoup
de choses dehors, on en garde aussi beaucoup chez soi : les enclos attenant
aux cases sont dignes de rivaliser avec les rues sous le rapport de la
malpropreté.
Les villes nagos sont excessivement sales, comme les Nagos eux-mêmes
d’ailleurs ; les cités et les habitants du Dahomey ne leur cèdent en rien
sous ce rapport. Peut-être, aux Popos, les habitants sont-ils un peu plus
soucieux de leur bien-être ; mais la différence n est pas grande.
Dans toutes les régions qui avoisinent les lagunes ou cours d’eau (et dans
un rayon de 6 à 8 kilomètres), on trouve l’eau en descendant à leur niveau.
On a, naturellement, à creuser plus ou moins, selon la zone : 2 mètres dans
la première, 6 à 12 mètres dans la seconde, 18 à 20 mètres dans la troi-
sième.
Dans les villes riveraines, les habitants du bord prennent leur eau dans
la lagune ou le fleuve, et ceux qui en sont un peu éloignés creusent des
puits.
Dans les cités de l’intérieur, on compte en moyenne un puits pour tren te
cases. Ces puits sont simplement des trous plus ou moins profonds, sans
forme spéciale, et rien pour en maintenir les parois ou empêcher les ébou-
lements ; leur orifice est béant, sans margelle, e t l’on voit toujours des enfants
en bas âge s’amuser et se rouler tout près. On pose en travers, sur
l’ouverture, un gros tronc d’arbre sur lequel on fait glisser la corde qui conduit
ou ramène la calebasse servant de seau.
Dans les villages situés en dehors du rayon dont nous parlons, les habitants
cherchent les sources naturelles qui ne manquent jamais dans ces te rrains
pleins d’infiltrations ; la plupart de celles qui sont à fleur de te rre
disparaissent pendant l’armatan. Dans d’autres endroits, l’eau ta rit brusquement,
et l’habitant doit aller fort loin chercher ce qui lui est nécessaire. C’est
encore une chose dont les indigènes ne se préoccupent pas, lorsqu’ils construisent
leurs villages.
En écartant la question de salubrité, si nous considérons le côté pittoresque,
nous trouvons des sites ravissants dans les villes indigènes. On a