CHAPITRE III
LA FLORE ET LA FAUNE.
La flore du Dahomey ; les productions alimentaires et les plantes médicinales
connues dans nos classifications. — Poisons : le curare. — La faune commune.
Contrairement à la géologie, la flore et la faune sont connues
sur la côte occidentale d’Afrique, du moins en ce qui concerne
l’espace compris entre le 6e et le 8' degré de latitude nord. Les
Anglais, sur ce point, sont plus avancés que nous; ils ont classé
la plupart des plantes et des animaux de la région depuis plus de
quinze ans.
Il faut noter' avaiït tout que ces plantes et ces animaux sont
très peu variés, et que la région, au point de vue des spécimens
rares, est une des plus pauvres dans le voisinage de l’équateur.
L’air de la mer est pour beaucoup dans le manque de développement
du règne végétal de la première zone. Plus la contrée
se rapproche de l’Océan, plus elle manque de végétation, et ce
n ’est que lorsqu’on s’enfonce dans l’intérieur que l’on commence
à constater cette exubérance particulière aux régions intertropicales.
La faune également n’offre que des sujets d’étude fort communs
; les grands fauves, à l’exception du léopard, n’existent pas
sur le littoral. Le manque débroussaillés et de fourrés, l’agitation
des guerres et du commerce les ont chassés vers le nord où ils
vivent en paix. Les petits mammifères seuls se rencontrent sur la
côte. Leur nombre est bien au-dessous de ce que l’on pourrait
attendre, quand on songe qu’ils ne sont jamais détruits, les chasseurs
formant, parmi les populations du littoral, une très petite
minorité, et les animaux pouvant se reproduire en toute tranquillité.
En résumé, la flore et la faune n’ont rien qui soit particulier
au Dahomey, et, dans son voisinage, elles sont presque identiques
à celles de la Guyane, des Antilles.
Linné, sans les avoir vues, en a décrit une grande partie à la fin
du siècle dernier.
LA FLORE.
Nous avons rapporté de notre voyage sept cent vingt-deux
espèces de plantes, dont cent quatre-vingt-onze ne sont pas mentionnées
par nos naturalistes français, et dix-neuf seulement
ignorées par les Anglais; ce sont pour la plupart des poisons.
Il y a une véritable étude à faire sur les toxiques ; les indigènes
des diverses régions en possèdent une quantité qui sont connus
d’eux seuls et dont la plupart ont des propriétés fort curieuses.
Par exemple, les gens des Popos en ont un qui s’administre à
petites doses pendant six jours ; au bout de ce délai, il se déclare
chez l’empoisonné des symptômes en tous points semblables à
ceux que présente l’accès bilieux hématurique chez les Européens,
lie n existe ainsi une variété considérable; les féticheurs1 sont
particulièrement experts en la matière, ainsi que les empiriques
indigènes.
Malheureusement, il est presque impossible à l’Européen de se
faire initier à ces secrets ; ses questions éveillent des soupçons
mal fondés, et l’on se demande dans quel but il les fait : on ne
comprend pas qu’il a seulement le désir de s’instruire. Les plantes
médicinales étant vendues sur les marchés (contrairement aux
poisons), il nous a été possible de nous en procurer un assez
grand nombre; mais la plupart, nouvelles par leurs propriétés
curatives, sont connues ou à classer dans des familles connues.
Dans la classification très sommaire que nous faisons suivre, nous
signalerons en passant les plantes utiles, c’est-à-dire celles qui
servent à la nourriture des indigènes et à la composition de leurs
médicaments (nous indiquerons pour ces dernières les maladies
au traitement desquelles elles sont affectées) ; celles qui servent à
leur industrie et aux usages domestiques ; enfin, celles qui peuvent
être utilisées par notre industrie.
Les plantes, autres que celles que nous venons de mentionner,
figureront dans notre liste seulement pour indiquer leur existence
dans la région.
1. Prêtres du fétiche, divinité du pays.