Vue du large, la côte de Krou a l’aspect de la côte des Esclaves : une bande
de sable et quelques broussailles. Les villages sont à peu de distance dans
1 intérieur. Il est défendu d’y débarquer; si l’on veut engager des Kroomen,
on n a qu à stopper en face des villages que les capitaines connaissent. Les
indigènes viennent eux-mêmes à bord. On va le plus .souvent à Libéria, où
l’on trouve beaucoup de Kroomen à engager.
Les principaux points de la côte de Krou, sont Half-Jack, Grand-Tabou,
Petit-Tabou, le cap de Palmes, Grand-Cesse et Petit-Cesse.
République de Libéria.
Si nous continuons à longer la côte après Petit-Cesse, nous arrivons à
Monrovia, capitale de la république de Libéria.
On connaît son histoire; en 1820,les États-Unis d’Amérique proclamaient
1 abolition de 1 esclavage et affranchissaient en même temps tous ceux qui
portaient le nom d’esclave sur l’étendue du territoire. Le gouvernement
laissa à leur option le choix de ce qu’ils désiraient faire, et il se forma parmi
les anciens esclaves deux partis : le premier, presque la majorité, resta au
service de ses maîtres, dès lors comme homme libre; bien peu d ’esclaves
avaient à se plaindre de leur situation, et ils se seraient trouvés fort gênés
s ’ils avaient été livrés à eux-mêmes.
ü autres voulurent fonder un État distinct et vivre ensemble ; iis ne
tenaient pas à re to u rn e r au pays de leurs ancêtres, quoique le gouvernement
leur en facilitât les moyens. Ils pressentaient qu’ils n ’y seraient pas
heureux; puis les rois nègres les rendraient à l’esclavage dans le pays
qu’ils habiteraient.
Les États-Unis, n ’ayant aucun territoire à leur donner, créèrent à leur
intention une colonie en Afrique.
Ceux qui le voulaient y furent transportés ; ils reçurent des vivres pen d
ant deux ans p a r les soins du gouvernement; on leur donna des semences,
des instruments aratoires, des conseils et l’aide de gens expérimentés; après
trois ans, les États-Unis devaient les abandonner à eux-mêmes ; ils auraient
dès lors à se suffire p a r la culture et l’industrie.
Le gouvernement Tes garda sous sa protection jusqu’en 1847, époque à
laquelle il proclama leur indépendance. Ce ne fut qu’en 1860 que les citoyens
de la république de Libéria se donnèrent un gouvernement et des lois. Le
nom de Libéria vient de l’origine des habitants de ia colonie ; il dérive d’une
façon ou d’une autre de liberté, libération, libérer, etc.
En souvenir du président des États-Unis, James Monroe, qui fut le fondate
u r de leur colonie, ils appelèrent leur première ville Monrovia; elle fut
ensuite la capitale.
La république de Libéria couvre une superficie d ’environ 1200 kilomètres
carrés, occupés p a r une moyenne de population de 40 à 50000 habitants.
Peu à peu, les descendants des premiers occupants se sont fondus avec les
peuplades voisines, principalement les Kroomen, et ils sont revenus aujourd’hui
à l’état peu avancé de tous les indigènes de la côte. Ils offrent une
preuve que le noir, livré à lui-même, tente plutôt à descendre qu’à progresser.
La polygamie est revenue, et la plupart des usages nègres s’y re trouvent
aujourd’hui; on ne croirait jamais que les parents des gens actuels
aient reçu une éducation jusqu’à un certain point complète en Amérique.
Sauf dans la culture du café, où ils conservent encore une grande supériorité,
il n ’y a rien de particulier à signaler chez eux; leur costume est
celui de tous les indigènes.
Le président seu l,, un noir d’environ cinquante ans, a conserve de son
origine mi-civilisée une redingote, un pantalon et un chapeau haut de forme,
qui ne servent que dans les réceptions extraordinaires.
Les exportations de Libéria sont assez considérables en café; ce produit
a une certaine réputation. Tout celui des alentours est exporté sous le même
nom aujourd’hui.
Monrovia est une jolie petite ville où il y a quelques constructions européennes
et une église en ruines, aussi tombées en désuétude que les principes
de civilisation donnés aux habitants. La capitale de la république est
bâtie en amphithéâtre sur le versant d’une colline faisant face à la m e r ,
sur une éminence voisine on a installé un phare à feu simple ; les navires
y trouvent des provisions et des Kroomen en quête d engagements.
Le chien, mets de luxe dans l’alimentation krooman, y est 1 objet d un
grand commerce ; on y voit des éleveurs de chiens qui en prennent grand
soin, et qui les vendent au marché p a r quatre ou six, comme de la volaille.
Il y a 290 milles de Libéria à Sierra-Leone.
Sierra-Leone
Appelée autrefois Boulombat p a r nos navigateurs dieppois, elle est située
au fond d’une grande baie, à l’embouchure de la rivière Mandingo.
La ville a l’aspect très pittoresque; au fond, de grandes montagnes (les
premières qu’on voit depuis Lagos et qui ont commencé à Libéria et au
cap des Palmes), puis des collines, et enfin la ville bâtie en espalier. Elle
a l’aspect européen, mais mal imité : des maisons en bois difformes, des
ouvertures et des appartements minuscules, des constructions décolorées
ou décrépies pour la plupart. La teinte générale de la ville est un jaune rougeâtre;
on y remarque des rues gazonnées (qui indiquent le manque de
charroi et une population peu nombreuse) e t une population insolente et
mal disposée pour les Européens. Le noir devient un être insipide et gonflé
d’orgueil dès qu’il est sujet anglais'; il croit qu’il porte en lui-même l’honneur
du Royaume-Uni. Il a l’air de mépriser le blanc e t de se croire, sinon
supérieur à lui, tout au moins son égal; de là son air impertinent.
Le Sierra-Leonais personnifie ce type parfait de 1 english subject. Les
Anglais ont le to rt de beaucoup trop considérer leurs protégés, ou du
moins de paraître en faire un grand cas ; ces derniers s’enorgueillissent de
ce qui n’est, en réalité, qu’un des principes de la politique britannique.
Sur les collines environnant Sierra-Leone se trouvent des forts et des
canons braqués sur l’entrée de la barre.
Le nom de Sierra-Leone est plutôt celui de la colonie ; la capitale s’appelle
Freetown. C’est un petit territoire de 200 kilomètres carrés ; sa population
peut être estimée à 30000 habitants.