commerce des échanges, en y apportant les produits et les objets
du monde civilisé, mettait la population en relations suivies avec
les Européens. Des fonctionnaires, des officiers, en venant rendre
visite au roi, le renseignaient sur les*grands États civiliêés et lui
apportaient des présents des souverains européens. Whydah
devint et resta la deuxième capitale du Dahomey. Des Brésiliens
étaient venus s’y établir et donnaient un grand mouvement à son
commerce.
Dès son avènement, Guêzou envoya à Petit-Popo un mulâtre,
nommé Nicolas, annoncer la nouvelle à Francisco Félix da Souza,
et lui dire de venir immédiatement à Àbomey.
Francisco da Souza était ambitieux, et il espérait avoir sa part
de puissance, grâce à l’influence qu’il avait sur le roi; il accourut
aussitôt féliciter le nouveau monarque et lui apporter d’autres présents
: les deux amis se renouvelèrent la promesse de se soutenir
mutuellement. Le Brésilien avait l’intelligence ; le roi, le
pouvoir. A eux deux ils pouvaient faire bien des choses.
Francisco da Souza commença par persuader à Guêzou que les
Européens et Brésiliens nombreux qui étaient à Whydah avaient
besoin d’un chef et qu’ils ne pouvaient continuer à être gouvernés
par les autorités indigènes. Il se fit nommer vice-roi de Whydah,
chef des blancs. Ses compatriotes l’appelèrent le chacha, nom
qui lui resta, ainsi qu’à ses successeurs *.
La position du nouveau chacha était magnifique. Arrivé sans
argent, il avait acquis déjà une belle fortune en faisant le trafic
des esclaves sur une grande échelle. Étant l’ami et le conseiller
du roi, son pouvoir devint illimité : il obtint le monopole de la
traite et du gros commerce à Whydah; il était le vrai roi du
Dahomey. Sa fortune lui permit d’aider Guêzou dans les expéditions
auxquelles il l’excitait incessamment, se réservant les prisonniers
qu’il vendait et embarquait comme esclaves..
Depuis 1794 (4 février), où la Convention française avait décrété
l’abolition immédiate de la traite, des vaisseaux parcouraient les
1. L’origine de ce nom était due au passé du Brésilien. Condamné à la
déportation pour troubles politiques et émission de fausse monnaie, F ra n cisco
da Souza avait quitté Bahia pour venir s’établir et faire du commerce
à Whydah. Ses compatriotes, connaissant son passé, le qualifiaient entre
eux, en patois brésilien, de chanchan, qui veut dire faux monnayeur. Le mot
re s ta et de chanchan on fit chacha.
Depuis, l’usage a altéré également sa signification et il est devenu l’équivalent
de vice-roi, de chef.
mers et forçaient ceux qui la continuaient à prendre de grandes
précautions s’ils ne voulaient pas être punis sévèrement.
Quoique fait en contrebande, le commerce des esclaves continua
à enrichir le chacha ; on raconte qu il avait, sur la plage de
Whydah, des barils pleins de piastres fortes qu’il faisait transporter
en ville dans des paniers, et les noirs, dans leur simplicité
de ce temps-là, les couvraient de feuilles de peur que le métal
ne se fondît sous les rayons du soleil d’Afrique.
Guêzou ne voyait pas d’un oeil favorable augmenter de jour en
jour la puissance et la richesse de son ami; plus malin que le
chacha, il se faisait fort, dès que ce dernier deviendrait dangereux,
de le ruiner en faisant rentrer toute cette fortune dans son
trésor. Ce n’était qu’en lui confisquant ses biens qu’il pouvait, le
cas échéant, anéantir son allié.
Le chacha avait trois fils établis et jouissant également d’une
belle situation : Isidoro, Ignaço et Antonio (ce dernier, surnommé
Quacou par les indigènes).
Le roi devint de plus en plus jaloux de Francisco da Souza.
Sans lui confisquer ses biens, il se mit à puiser dans ses caisses
avec une telle prodigalité, que son ami fut, en quelques années,
à moitié ruiné; d’un autre côté, il fit cesser le privilège qu’avait le
chacha d’être l’intermédiaire entre les commerçants et lui, et il
reçut un jour, à la capitale, un noir émigré du Brésil, appelé Joac-
quim d’Alméida, auquel, sur les conseils d’un cabeçaire1 nommé
Quénou, il accorda le droit de faire le gros trafic à Whydah.
Francisco da Souza comprit âlors qu’il avait perdu l’amitié du
roi et que sa ruine avait été causée avec intention. Il en fut tellement
affecté qu’il en conçut une maladie mortelle.D’autres disent
qu’il mourut empoisonné (1849).
Mais revenons au règne de Guêzou et aux principaux événements
qui le distinguèrent.
En 1815, il créa le corps des amazones, qu’il destina d’abord
à protéger sa personne, et qui combattit plus tard avec le reste
des troupes. Nous décrirons dans un autre chapitre l’organisation
de ce bataillon féminin; qu’il nous suffise de dire que, constitué
comme le reste de l’armée, le corps des amazones prit plus tard
une part glorieuse aux combats qui eurent lieu entre le Dahomey
et ses ennemis.
I. Cabeçaire, de cabeça, chef, commandant, tête, en portugais.