On appelle ces grosses embarcations, chargées d’huile et
d’amandes, des pirogues de foire ; elles ne sont connues que du
Jebou à Porto-Novo.
Les gens du Whémé se revendent leurs marchandises les uns
aux autres, et ce sont les plus proches de la lagune de Porto-Novo
qui viennent les y vendre ; ils poussent jusqu’à Badagry et même
jusqu’à Lagos.
Les Européens ont cherché à aller au-devant de ces arrivages
de produits, en créant dans l’intérieur des succursales où ils
supposent pouvoir se les procurer meilleur marché ; c’est une
grosse erreur dont ils sont revenus. Le noir ne ménage pas ses
pas quand il s’agit de son intérêt ; une dizaine de kilomètres de
plus ou de moins, ou deux jours de lagune ne sont rien pour
lui, s’il peut vendre ses produits 25 centimes de plus. S’il rencontre
un acheteur à moitié chemin, il exige le même prix que
dans les villes.
En admettant même qu’on puisse acheter un peu meilleur
marché, il faut alors ajouter les transports, dès lors à la charge de
l’Européen, et qui compensent avec usure la différence de prix ;
on a renoncé ou l’on renoncera à ces tentatives. Il vaut mieux
laisser concentrer les produits dans les villes; cela développe
mieux les affaires du marché.
Le roi de Porto-Novo défendait, pour ce motif, aux commerçants,
il y a quelques années, de s’établir en dehors des murailles
de la ville ; les indigènes préfèrent cela de beaucoup, car dans les
villes ils bénéficient de la concurrence ; ils donnent au plus offrant.
Il est amusant de voir les tentatives désespérées des négociants,
à Porto-Novo, par exemple, pour attirer chez eux le noir qui passe
dans la rue, apportant des produits. On l’appelle, on le prend par
le bras et, en lui soufflant dans l’oreille les plus alléchantes promesses
de cadeaux, en sous main on cherche à le faire entrer
dans sa maison.
Il y consent souvent, entre, se fait montrer les marchandises,
ressort et va faire la même expérience dans vingt maisons ; il
interroge ses compatriotes qui se sont débarrassés de leurs produits
et leur demande où et comment ils les ont vendus ; il fait
ensuite son choix et retourne là où il lui semble que le marché
soit le plus avantageux, mais il faut qu’il courre toute la ville auparavant,
pour être à même de juger.
Chez l’Européen, c’est différent ; il saiUe qu’on paye au détail,
et qu’on trouve chez lui des boissons moins frelatées que lorsqu’elles
ont passé par les mains d’un tiers. La qualité est alors
compensée par la quantité, ce que beaucoup d’indigènes comprennent
difficilement. Les Européens traitent avec les indigènes,
soit directement, soit par l’intermédiaire de négociants noirs et
de commissionnaires.
Les marchandises que les indigènes demandent en retour de
leurs produits varient selon les endroits ; en voici un aperçu :
A Lagos se vendent tissus, genièvre, dames-jeannes rhum de
15 litres, tabac en feuilles, articles de Paris, bonneterie, quincaillerie,
chemiserie, chaussures et conserves alimentaires, vins et
liqueurs, provisions fraîches.
A Porto-Novo, des tissus, des alcools en tout genre, des chaussures,
vins, liqueurs, tabac en feuilles, sel fin et poudre.
Au Dahomey, des alcools faibles, des tissus, quelques articles
de Paris, quincaillerie, chemiserie, chaussures, conserves, vins
et sirops, verroterie et poudre, tabac de rôle et en feuilles *, des
lingots de plomb, etc.
Aux Popos, des tissus, des dames-jeannes vides de différentes
tailles, des articles de Paris, de la quincaillerie, des chaussures,
des alcools, de la poudre, du tabac en feuilles, du gros sel, des
tissus de fantaisie mi-soie, foulards, mouchoirs, etc-, de la parfumerie
et de la verroterie.
A la Côte d’Or, comme à Lagos, on adopte le système des
bazars.
Les indigènes sont assez difficiles à satisfaire dans leurs goûts ;
les tissus doivent attirer l’oeil, les Goulerurs être variées. Le système
allemand, pour la vente des étoffes, consiste à recevoir constamment
de nouveaux dessins en quantités minimes, ce qui
donne lieu à des déballages constants, qui attirent le chaland et
accélèrent les ventes. C’est le vrai moyen de vendre les tissus ;
les pièces sont généralement de 12 yards. 11 faut de l’étoffe empesée,
qui ne vale absolument rien et qui surtout soit bon marché
— durée et couleur éphémères, mais prix très bas et bonne
apparence ; tel est le problème à résoudre pour la vente des tissus
sur une échelle considérable.
I. La vente du tabac au Dahomey est le privilège exclusif des autorités
locales. Tabac de rôle : derollo, rouleau, en portugais, parce qu’il est roulé
en cordes.