de faire ou non pencher en leur faveur le bon vouloir des juges.
Ces derniers sont les seuls qui gagnent dans les contestations ;
les plaideurs sortent de leurs mains plus ou moins écorchés.
Le roi se réserve les affaires graves 5 les vols considérables,
l’adultère, le meurtre, déterminent l’envoi du coupable à Abomey,
la gore n'étant qu’une simple justice, de paix.
A l’arrivée à la capitale, l’accusé est jeté en prison et attend
ainsi que Sa Majesté veuille bien s’occuper de lui. Lè roi tranche
généralement la question sans plaidoirie ; il attend qu’il y ait plusieurs
prisonniers à juger, se fait rendre compte des faits, et prononce
ensuite son jugement ; deux ou trois mots brefs, irrévocables.
Il est rare qu’il acquitte, mais cela se voit e n c o re . il condamne ou
à la prison perpétuelle ou à la peine de mort. Dans ce dernier cas,
l’exécution n’aura lieu qu’aux prochaines coutumes, et dans le premier,
lé condamné est remis dans Sa prison où il meurt un jour
de maladie ou de privations. Quelquefois, au bout de quelques
années, quand on ne l’a pas oublié complètement, on le rend brusquement
à la liberté.
Les différents impôts qui composent les revenus du roi sont :
1° l'octroi à l’entrée des villes sur toutes les marchandises sans
exception destinées à la vente ; 2° l'impôt sur le travail, où chaque
habitant est tenu de donner à manger au roi, selon le terme
indigène ; il consiste en une partie, quelquefois la moitié, de ce
que l’individu gagne par son travail quel qu’il soit ; 3° les droits
d'importation que payent les Européens sur tous les colis qu’ils
débarquent, à un tarif établi; 4° les impôts sur les palabres, les
amendés, les professions diverses, les habitations, etc ; S- le droit
sur le passage des lagunes et chemins. Toutes ces impositions sont
perçues par les moços de la gore, ou bien, s’ils ont une habitation
spéciale à l’endroit de la perception, par des gens appelés décimer
es.
L’octroi à l’entrée des villes est perçu par des déciinères qui
séjournent sur les ehemins venant de la campagne, ou, si la ville
est entourée de murs, aux entrées. Cet octroi est payé en cauris
ou en nature. Souvent, les douaniers indigènes, pour ne pas
avoir à se déranger, mettent une corde en travers du chemin, et
la tendent pour arrêter les passants.
L’impôt sur le travail est versé chaque jour ou tous les deux jours
par l’habitant lui-même à la gore. La police sait au juste ce qu’il
gagne, et il ne peut frustrer en aucune façon les revenus du roi.
Les droits d’importation sont enregistrés par un décimère qui
surveille les débarquements des navires à la plage, avèc beaucoup
d’exactitude ; il règle avec les Européens chaque fois que le navire
a achevé son débarquement.
Les droits sur les palabres, amendes et professions, sont du domaine
des agorigans ; tous sont perçus à la gore.
Le droit de passage des lagunes est reçu par des décimères établis
sur leurs bords. Ils construisent des barrières, dont quelques-
unes sont fermées le soir. Ils reçoivent comme taxe, une bouteille
de tafia et une somme en cauris, qui diffère selon les points.
Le passage des chemins est payé à la gore; lorsqu’on demande
à sortir de la ville et que la permission en est accordée, ce sont
les blancs qui le payent.
Les Européens et les indigènes peuvent, comme nous le disions,
entrer librement au Dahomey, à Godomey, à Abomey-Calavy, à
Whydah ; il est interdit aux premiers d’aller à la capitale sans invitation
du roi ou sans son consentement. Dans ce dernier cas, ce
sont les autorités qui se chargent de leur voyage, de leur personnel
et de tous les détails.
Mais s'ils sont libres d’entrer dans les localités du littoral, il
n’en est pas de même de la sortie. Ils ne peuvent quitter la ville
où ils sont que si le yévogan et les agorigans le jugent à propos;
ils sont donc contraints à remplir la formalité humiliante, pour les
Européens, de demander la permission, à la gore, de se rendre à
tel ou tel endroit.
Ils envoient en même temps le montant de l’impôt appelé les
chemins et reçoivent en échange, si la permission est accordée, le
bâton de la gore, porté par un moço, qui les accompagne jusqu’à
la sortie de la ville; on va prévenir le décimère de leur laisser
libre passage.
Il arrive fort souvent que les agorigans refusent, pour des raisons
à eux, l’autorisation demandée. Ils font ainsi attendre des
personnes qui ont de gros intérêts en jeu et dont la présence
est indispensable ailleurs pendant plusieurs jours ; ils n’écoutent
aucune explication ; au contraire, plus on leur prouve qu’on est
pressé, plus ils prennent plaisir à vous faire attendre.
Le droit sur les naufrages est un des privilèges exclusifs et personnels
du roi; quand un navire est jeté à la côte, tout lui
appartient.
Nous fûmes témoin, en 1887, du naufrage d’un navire italien,