un gouverneur y était indispensable. Afin de toujours connaître
ses agissements, le roi entoura le prince d’Allada1 de gens dévoués
au Dahomey. Toute tentative de rébellion eût, d’ailleurs,
été inutile, le royaume d’Ardres étant peuplé de Fons et son
ancienne population éparpillée chez ces derniers. Le roi de Dahomey
avait fait grâce une fois, mais sa clémence n’allait pas plus loin.
Les princes d’Allada n’ignoraient pas que toute conspiration eût
été la perte de la famille entière. Ils refoulèrent donc au fond du
coeur toutes leurs idées d’indépendance et s’acquittèrent tranquillement
de leurs fonctions.
Ardres ou Ardra-Offra fut pendant longtemps connu sous ce
nom. Les Fons l’appelaient Anjachê et les Portugais Porto-Novo.
C’est ce dernier nom qui lui resta depuis le dix-huitième siècle.
Les rois de Porto-Novo ne peuvent être considérés jusqu’en 1843
que comme des chefs ou gouverneurs soumis au Dahomey. Étant
en sous-ordre et incapables d’initiative, leur histoire est confondue
avec celle du Dahomey jusqu’à la même époque. Aujourd’hui
on en parle comme s’ils avaient été rois et indépendants, mais, en
réalité, ils ne peuvent réclamer ce titre que depuis l’époque de
Méji.
DESCENDANTS DES PRINCES D ’ALLADA DEPUIS LA CONQUÊTE.
Kopou, 1724, dernier roi d’Ardres.
Princes gouverneurs.
Té Agbanlin.. . . ,. 1724-1740 Ayipé............. . . . 1803-1816
Té Hapon.......... . 1740-1735 Ayaton........... . . . 1813-1820
Lopon................... 1753-1770 Houfon............ . . . 1820-1829
Hudé................... . 1770-1781 Ajohan . . . . 1829-1832
Messé................. . 1781-1790 Todji............. . . . . 1832-1838
Ilougi.............. . 1790-1797 Ouézé........... ___ 1838-1841
Gbéyon............... 1797-1805 Toyon........... 1841-1843
Rois de Porto-Novo.
Méji............... .. 1843-1846 Mésé............. . . . . 1872-1873
Sodji................. .. 1846-1864 Toffu.............. . . . . 1873
Mecpou. . . . . . . .. 1864-1872
L’histoire de Porto-Novo prend son point de départ au moment
où le pays chercha à s’affranchir du joug dahomien, c’est-à-dire
vers 1840.
1. Princes d ’Allada, nom de famille des rois d’Ardres.
Les princes d’Allada furent longtemps indécis sur la marche
qu’ils devaient suivre pour arriver à l’indépendance : ils n’étaient
pas assez forts pour se révolLer ouvertement ; à la moindre tentative
de ce genre, leur suzerain eût sans peine arrêté leurs projets
et ruiné pour toujours leurs espérances. Il leur fallait un
appui solide ; s’adresser aux voisins eût été dangereux et n’eût
rien changé à leur situation. Les Yoroubas les auraient volontiers
aidés contre le Dahomey s’ils l’avaient voulu et auraient facilement
enlevé le territoire de Porto-Novo aux descendants des Fons ;
mais ils eussent pris pour eux-mêmes leur conquête et les princes
d’Allada n’eussent fait que changer de maître. Ce n’est pas à quoi
ils aspiraient. Le seul moyen qui se présenta à leur esprit fut de
demander à une puissance européenne son appui contre le Dahomey
; ils n’ignoraient pas que la nation qui leur viendrait en
aide ne le ferait pas d’une façon désintéressée et uniquement
pour les obliger. Élle leur imposerait son protectorat. Restait à
savoir ce qui était préférable, de l’influence étrangère ou de la
suprématie du Dahomey.
De ces deux partis, le premier semblait les rapprocher davantage
de leurs désirs ; il assurerait l’indépendance de Porto-Novo
au moins vis-à-vis des autres peuples indigènes et augmenterait la
richesse du pays par le commerce et les relations suivies avec les
Européens.
Une fois l’idée du protectorat admise, il restait à désigner la
nation à laquelle on ferait appel. Les Portugais, à cette époque,
travaillaient en sous-main pour obtenir le protectorat du Dahomey
qu’ils ambitionnaient ; s’ils l’obtenaient un jour, Porto-Novo,
ayant demandé leur protection auparavant, se fût de nouveau
trouvé confondu avec le Dahomey sous leur pavillon ; il n ’y fallait
donc pas songer. Restaient la France et l’Angleterre, car aucune
autre nation n’était connue.
L’opinion était très partagée à ce sujet comme on va le voir ;
il fut des princes d’Allada qui appelèrent les Anglais, d’autres qui
nous implorèrent.
En 1843, Méji, auquel les Anglais avaient fait faire les propositions
les plus alléchantes, demande le protectorat de Sa Majesté
Britannique. Les Anglais commencent à apparaître à Porto-Novo.
Mais Méji meurt avant que rien ne soit conclu (1846).
Son successeur Sodji est, au contraire, contre les Anglais ; il
veut le protectorat de la France et nous le demande à plusieurs