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 âge  et même  dans  l’antiquité.  Mais  quel  développement n’a-  
 t-elle  pas  pris  depuis  que,  sur  toutes  les  côtes,  les  marines  
 européennes,  portugaise d’abord,  puis  espagnole,  hollandaise,  
 anglaise,  française  et  d’autres  encore,  sont  venues  à l’envi  se  
 disputer  cette proie,  ont  fait  renchérir les prix,  ont  excité  la  
 cupidité  des  vendeurs  par  les  produits,  eau-de-vie,  armes,  
 parures,  qu’ils  offraient  à  leur  cupidité.  M.  Foà  évalue,  par  
 hypothèse, à  2 millions le nombre  des habitants que cet infâme  
 trafic a enlevés  à la Guinée en trois siècles,  ce qui  implique  un  
 nombre  plus considérable  d’existences  sacrifiées  dans  les razzias  
 et dans  les transports jusqu’à la côte.  Quelques  villes,  surtout  
 des  ports,  s’enrichissaient par  ce brigandage;  mais  l’intérieur  
 du pays  était  désolé ;  les  hostilités  et les  surprises d une  
 tribu  à l’autre  étaient rendues  plus  fréquentes. Je suis  disposé  
 à me ranger de l’avis de  ceux  qui  pensent  que  la rareté  de la  
 population  actuelle  de  certaines  régions  de  l’Afrique, comme  
 la Guinée et le bassin du Congo, est due principalement à  cette  
 cause. 
 Les temps  sont changés.  Aujourd’hui,  des  esprits  généreux  
 prêchent une  croisade  contre l’esclavage et invitent l ’Europe  à  
 délivrer le pays des  noirs  de  ce  fléau,  qui,  quelque  douce  que  
 soit la  servitude,  est funeste à la  civilisation.  Leurs  efforts  sont  
 dignes  d’encouragement, et  l’on iie peut pas dire qu’ils  restent  
 absolument  sans  résultat  dans  les  parties  directement  soumises  
 à une  autorité européenne;  ils  sont  néanmoins très loin  
 d’aboutir,  et l’esclavage  domestique  persistera  bien longtemps  
 en Afrique. 
 Le  partage  de  l’Afrique,  que  la  diplomatie  européenne  a  
 décidé et réglé autour d’un  tapis vert,  pourra être  comparé par  
 les historiens de l’avenir à la bulle pontificale qui, au quinzième  
 siècle, a  partagé  entre les  Portugais  et les  Espagnols le monde  
 païen à découvrir  et  à  convertir; mais,  comme  cette  bulle,  il 
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 aura de  grandes  conséquences.  Ce n’est ni le désir  de convertir  
 les  noirs,  sur  lesquels  les missionnaires, protestants ou  catholiques, 
   n’ont  exercé jusqu’ici qu’une influence bien faible  à côté  
 de  l’influence  de  l’islamisme,  ni  même  le désir  de  supprimer  
 l’esclavage  qui  a  guidé  les  puissances,  c est la  pensée  de  s approprier  
 un marché  colonial.  La manufacture européenne,  que  
 la  science moderne  arme  pour  produire  beaucoup,  se  sent  à  
 l’étroit en Europe  et  craint  la  concurrence  américaine ;  elle  a  
 voulu  s’assurer un débouché  en Afrique.  L’Angleterre,  qui  est  
 la  plus grande manufacture d’Europe, a été la plus ardente à se  
 jeter  sur  cette proie,  la plus  avisée  aussi  et peut-être la moins  
 scrupuleuse ;  elle  s’est  fait  la  part  du  lion.  J estime  que  les  
 noirs, dont  on a disposé sans  leur  consentement,  n auront  pas  
 à  regretter  la  tutelle  qu’on  leur  impose;  leur  civilisation  est  
 trop peu développée pour qu’ils aient pu s’organiser eux-mêmes  
 en  États  durables,  excepté  dans  le  Soudan  musulman,  et  le  
 morcellement  en petites tribus  est  une cause d’hostilités  continuelles; 
   la  sécurité  leur  manque.  Leurs  nouveaux  maîtres  
 pourront peu à peu la leur  donner  et  en  même  temps  les  stimuler  
 quelque  peu  au  travail  par  l’attrait  du  commerce :  ce  
 qui sera un  bien  si les marchandises  corruptrices  ne  prennent  
 pas trop de place dans  ce commerce. Si cet état de choses dure,  
 il  ne  serait  pas  étonnant  que la  population  de l’Afrique,  dont  
 la densité  est  faible,  doublât  en  un  siècle. 
 Le Dahomey fait aujourd’hui partie du  lot de la France. Une  
 maison française  s’était  établie  à Whydah  en  1843,  à l’époque  
 où  le  gouvernement  de  Louis-Philippe  prenait  possession  de  
 quelques postes  sur  la  côte occidentale  de l’Afrique ;  un  traité  
 de commerce  avait été  signé  en  1851  avec le roi  du Dahomey;  
 un  autre traité,  en  1868,  avait  cédé à   la France le  petit  territoire  
 de Kotonou  (600  mètres  de  côte),  situé  sur  la  frontière  
 des royaumes  du  Dahomey  et  de  Porto-Novo;  en  1863,  sur  la