extrême, une population décuplée, des préparatifs de toutes sortes,
on amoncelle les vivres, on en fait des charges1 ; on prépare la
poudre pour la distribution, les balles en fer, les cordelettes à
prisonniers, les sacs à têtes ; on aiguise les sabres, on nettoie les
fusils et on en change les pierres.
Le roi fait aussi ses préparatifs ; il va emmener quinze femmes
seulement ; on prépare ses hamacs, ses parasols, ses chevaux2,
ses vivres et le train de maison qui le suit toujours.
L’armée dahomienne se divise en deux catégories bien distinctes
: l’élément permanent et l’élément provisoire. Les amazones
composent le premier, et le deuxième est formé par tous
les sujets du roi, appelés au moment de la guerre.
Les amazones du Dahomey ont beaucoup fait parler d’elles ; on
les a comparées aux femmes guerrières de Diodore et de Plutarque,
à ces intrépides combattantes de la Cappadoce, mutilées et vouées
au célibat, qui faisaient trembler leurs ennemis et les couchaient
à leurs pieds autant par leur beauté éclatante que par leur valeur
guerrière.
11 nous est pénible de couper les ailes à l’enthousiasme et de
ramener à la réalité l’idée qu’on s’est faite des amazones daho-
miennes, mais nous devons dire que, sauf leur férocité et leur
bravoure sans égales, ces noires viragos n’ont rien qui puisse
provoquer l’admiration.
L’origine de cette armée féminine remonte à peu près au commencement
du siècle actuel. Nous avons vu, dans l’histoire du
Dahomey, qu’Adonozan fut détrôné par son peuple, las de sa
tyrannie et de ses cruautés. Guêzou, son frère, à son avènement,
songea qu’autrefois, au Dahomey, les rois étaient inviolables,
mais que les temps étaient changés ; désormais, le peuple savait
qu’il pouvait, par l’unanimité, détrôner le monarque, et il était à
craindre que la fantaisie ne lui prît de recommencer, maintenant
qu’un précédent était créé.
Avec la supériorité d’intelligence qui le caractérisa toujours,
Guêzou chercha et trouva remède à l’état de choses ; il savait qu’en
cas de révolte, si l’accès du palais et l’approche de sa personne
étaient impossibles, il restait le maître de la situation ; quelques
1. Quarante kilogrammes environ destinés à être portés sur la tète en un
paquet bien attaché.
2. Il y a au Dahomey quelques-uns de ces animaux appartenant au ro i et
aux grands chefs, mais les pauvres bêtes n ’ont du cheval que le nom.