feux dans la direction de l’attaque. Une section s’avance même pour menacer
la retraite de l’ennemi.
Une section de la 4° compagnie, contournant l’ancien emplacement du
village, se rend en toute hâte au secours du lieutenant Compeyrat en passant
derrière les positions occupées par le capitaine Oudard.
Mais, en ce moment, des ennemis ont passé entre le télégraphe et la gore
et sont arrivés en rampant en dedans de la ligne de défense des trois postes
avancés allant sud-ouest-nord-est.
Des feux commencent également entre ces postes avancés et les factoreries,
e t les Dahomiens arrivent au pied des palissades.
Près du sanitarium, où une pièce d’artillerie avait été installée, le maréchal
des logis Moreau, au moment de l’attaque de la gore, cherchait quel-
qu un p o u rl aider à manoeuvrer sa pièce, lorsqu’il aperçut des gensàquelques
pas de lui et [les appela à son aide ; ceux que le sous-officier prenait pour
des auxiliaires du roi Toffa commis au service de la batterie (auxiliaires qui
s étaient enfuis) étaient des Dahomiens qui ne l’avaient pas remarqué et
dont il a ttira l’attention. Ils lui tombent dessus une dizaine ; le malheureux
est littéralement massacré. Un Dahomien, à cheval sur son corps, s’apprête
a lui couper la tête, lorsqu’un artilleur accourt au secours de son supérieur,
un peu ta rd , il est vrai, et assomme le Dahomien d’un coup de crosse de
mousqueton. Le renfort arrive sur ces entrefaites ; mais les ennemis ont
dépassé le fortin et se groupent au pied des palissades, cherchant à pénétrer
dans la factorerie Régis.
Tout cela avait lieu aux premières lueurs du crépuscule, alors qu’une
clarté indécise n ’éclairait que très vaguement la scène du combat. Mais nos
o liciers ne perdaient pas leur sang-froid ; chacun contribua pour sa p a rt
et d après sa propre initiative à repousser l’ennemi, et, vers 6 heures, les
Dahomiens, repoussés de toutes parts, reculent vers le bois situé au nord-
ouest de Kotonou, laissant un instant de repos aux troupes. Mais ils ont
l’intention évidente de revenir à la charge.
Le jo u r est presque dans son plein, on distingue la plaine, les lignes
ennemies, on entend distinctement le tam-tam de guerre, les cris des chefs ;
quelques-uns de ces derniers se voient, à cheval, apparaissant de temps en
temps dans des éclaircies. En effet, au bout de quelques instants, des colonnes
noires ondulent à l’horizon, hérissées de canons de fusils, et des
clameurs lointaines amènent les cris de guerre aux oreilles de nos troupes.
Cette fois, tout le monde était prêt ; les officiers, calmes, n ’avaient plus
cette incertitude que causent les ténèbres ; le jo u r éclairait la plaine e t les
ordres étaient d’attendre l’attaque sans prendre l’offensive.
Les Dahomiens s avancent, quittant le bois ; on peut évaluer leur nombre
à 5 ou 6000; ils paraissent décidés, cette fois, à en finir. Du côté des F ran çais,
rien ne bouge; chacun est à son poste, l’oreille attentive au commandement.
On voit au premier rang les meilleurs guerriers dahomiens, le
canon baissé, le doigt sur la détente, s’avançant avec assez d’ordre vers le'
pied des palissades. Les chefs de guerre et les féticheurs, dans tout leur
apparat, vont de l’un à l’autre, excitant l’ardeur des combattants ; ils circulent
au milieu des rangs, se portant partout où leur présence e st nécessaire
, les grands chefs, à l’arrière, stimulant les troupes par leur présence,
prêts à en tre r en triomphateurs dans la place ennemie. Çà et là, quelques
amazones, qui s’y trouvent on ne sait pourquoi, car leur corps n ’e st pas
présent. Toute cette masse noire avance sans hâte, mais sans crainte.
A 100 mètres des palissades, au moment où partent les premiers coups
de fusil, nos troupes commencent le feu ; les rangs ennemis sont fauchés à
vue d’oeil; les pièces d’artillerie crachent leur mitraille, faisant de véritables
trouées dans les masses. Ceux qui re sten t debout ne ralentissent pas leur
marche en avant. Tels sont l’exaltation et l’acharnement des Dahomiens,
que beaucoup d’entre eux passent à travers une grêle de balles e t d’éclats
d’obus, et viennent se faire tu e r à la baïonnette, en essayant de combattre
corps à corps. Beaucoup de guerriers meurent ainsi au pied des palissades.
L’armée ennemie avance, encore décimée p ar le feu des tirailleurs e t l’a rtillerie,
luttant en désespérée contre celte force incomparable des armes
perfectionnées entre des mains exercées. Enfin, voyant leurs efforts impuissants,
leurs pertes considérables, et comprenant leur infériorité, les Dahomiens
se décident à battre en retraite, lu ttan t jusqu’à la dernière charge
de poudre, mais si désespérés, qu’ils ne songent même pas à enlever leurs
morts, chose qu’ils n ’oublient jamais en temps ordinaire.
Leur retraite est accélérée p ar les balles. De la rade, le Sané appuie l’action
p a r ses hotchkiss et' quelques grosses pièces qui tiren t sur le bois. On
aperçoit dans cette direction quelques chefs groupés, à cheval, lesquels
paraissent ten ir conseil ; un obus du Sané tombe au milieu d’eux.
Dans un rayon re stre in t, 200 ou 300 mètres autour de nos positions, on
découvrit plus de quatre cents cadavres ; ce qui peut faire évaluer les pertes
de l’ennemi, étant donnée la portée de nos armes, à 6 ou 700 morts et
1 200 blessés, en moyenne.
On trouva, sur le ehamp de bataille, deux ou trois amazones, dont une
très jeune encore vivante, mais blessée grièvement ; elle fut achevée comme
tous ceux qu’on ne trouva pas morts. Une autre amazone avait été tuée par
une balle au moment où, auprès du corps d’un caporal gabonnais, elle était
occupée à lui couper la tête. Au petit jour, on en surprit une troisième à
l’intérieur des palissades, portant du soufre e t des allumettes dans l’intention
évidente de mettre le feu à la factorerie.
Sauf ces quelques femmes, qui avaient dû prendre p a rt volontairement à
l’action, le corps des amazones n ’avait pas donné ce jo u r-là . On prétend
qu’elles assistèrent à l’action et à la défaite, ainsi que le roi lui-même, à
peu de distance de Kotonou.
Les Dahomiens étaient certains de la victoire le matin du 4 mars. Dans
leur orgueil de guerriers, ils pensaient qu’ils auraient facilement raison de
quelques soldats français enfermés dans une palissade en paille; ils avaient
tous au poignet gauche la cordelette destinée à emmener les prisonniers ou
emporter les têtes ennemies.
Le combat du 4 démontra clairement, et une fois pour toutes, aux Dahomiens
leur infériorité irrémédiable en champ découvert. Aussi fallut-il
renoncer, dès lors, à les revoir jamais ainsi, face à face, dans le courant
de la campagne. Ce devait être e t ce serait, à l’avenir, la guerre d’embüs-
cade, favorisée par la végétation compacte , e t inextricable du pays et la
connaissance parfaite des lieux. Dès ce jour, partout où l’expédition fit des