des Ogbonis qui veulent remplacer le roi, et selon la loi du pays, ne peuvent
le faire que s’il meurt. Le roi doit se soumettre ; si le courage lui
manque à cette heure suprême, un ami lui rend ce dernier service, ou bien
on l’empoisonne dans son palais.
La chose est tellement inévitable, si certaine, que les Ogbonis, en quitta
n t le roi, annoncent au peuple sa mort, qu’ils l’aient vu mourir ou non.
A Ohio, dans le Yorouba, à cinq jours de voyage d ’Abéokouta, la chose
se passe différemment, quoique le résultat soit le même. Les- Ogbonis, quand
le fils du roi vient au monde, modèlent en argile le pied du nouveau-né,
et gardent soigneusement le moule ainsi façonné ; si le roi d’Ohio se rend
coupable d’un crime quelconque, les Ogbonis lui montrent, dans une
grande cérémonie, la forme du pied de son enfant, ce qui signifie qu’il doit
mettre immédiatement fin à ses jours.
Les Ogbonis jouent un rôle fort important dans les enterrements des gens
rich e s, ces derniers sont en grand nombre dans le royaume d ’Abéokouta,
où, contrairement au Dahomey, chacun peut garder ce qu’il a.
Les Ogbonis font payer cher à la famille l’honneur qu’ils lui font de s’oc-
: cuper du défunt. De plus, ils font amonceler autour de lui, pour être joints
au cadavre dans la fosse, des pagnes, des bijoux, to u t ce que le mort possédait
d effets personnels ou que la famille a les moyens de fournir.Ils font
I enterrement sans témoins, de façon à pouvoir ensevelir le défunt dans un
mauvais pagne et s’approprier tout ce qui est censé être mis dans sa fosse.
On assure qu à Aké, la capitale du royaume d’Abéokouta, lorsque le roi
meurt, les Ogbonis le décapitent et placent sa tête dans un pot en terre qui
est remis au nouveau souverain. Ce sera son fétiche. Quant au corps, il est
porté loin de la ville et jeté dans les bois, ce qui n ’empêche pas de nombreuses
cérémonies pour célébrer ses funérailles.
Le signe distinctif des Ogbonis est la queue de cheval et un sac de cuir
lors des enterrements. Ils portent généralement un chapeau à larges bords
et se drapent dans leur pagne d’une façon particulière.
Les honneurs de la sépulture sont souvent refusés ; les Egbas se montren
t très sévères à ce sujet. On je tte ainsi le corps des esclaves loin des
villes, où les animaux carnassiers se chargent de les faire disparaître.
Les enfants qui meurent au-dessous de douze ans ont le même sort ; on
prétend qu’on les punit ainsi d ’avoir quitté leurs parents.
La justice, les héritages, n ’ont pas de différence marquée avec ceux du
Dahomey. La principale réjouissance du pays est la fête dite des Ignames,
qui vient eh août ou septembre. Tout prend alors un air animé; les féti-
cheurs prennent p a rt à-la fête, on échange des cadeaux d’ignames; les
femmes se parent ce jour-là avec des tranches de ce légume.
II n ’y a rien à ajouter sur ce que nous avons dit du Dahomey sur l’administration
intérieure, la perception des impôts, la police indigène. Toutefois,
le Zangbéto n ’existe pas, il est remplacé p a r Ovo1.
Les Egbas sont laborieux p a r comparaison à leurs voisins de l’ouest ; ils
ont poussé assez loin, dans leur industrie, le tissage et la teinture.
Abéokouta est destiné, selon toute apparence, à être un. jour, avec le
1. Voir chapitre VIII, Religions, p. 232.
Yorouba, sous l’influence anglaise. Néanmoins, si nous le voulions, il nous
serait facile de changer les choses à notre avantage.
Le 25 maïs 1889, le roi d’Abéokouta, Onilado (il est certain que c’est p ar
décision des Ogbonis), a écrit au gouvernement du Sénégal pour lui demander
de placer son pays sous le protectorat de la France. Il disait être disposé
à faire tout ce qu’on exigerait. On n ’a pas répondu à ses avances.
En 1890, au moment de l’expédition franco-dahomienne, un mot de notre
p a rt eût suffi pour joindre les Egbas à notre parti, et ces excellents auxiliaires,
ennemis mortels du Dahomey, nous eussent certainement permis
d’obtenir un tout autre résultat.
Avec un traité d’alliance, on arriverait aisément à a rrê te r les affaires
d’Abéokouta avec Lagos, et Porto-Novo bénéficierait ainsi d un rendement
énorme.
Les Popos.
Les Popos ont conservé un caractère particulier, malgré le voisinage des
grands États auxquels ils touchent. On connaît déjà quels sont leur langue
et les caractères les plus saillants de leurs moeurs. Jetons un coup d’oeil sur
leur histoire moderne et leur situation géographique.
Les Popos ont été placés sous le protectorat de la France en 1881 ; le
traité fut ratifié, par décret du Président de la République, le 19 juillet 1883.
La proclamation n ’eut lieu que plus tard, et cela permit aux Allemands de
passer, avec le roi de Porto-Seguro, Messan, un traité par lequel ce dernier
mettait son territoire sous leur protection (5 juillet 1884).
Il ne nous restait donc plus que Grand et Petit-Popo. M. le lieutenant de
vaisseau Pornair vint y proclamer le protectorat, le 10 avril 1885.
Les Allemands convoitaient les Popos ; ils parvinrent, quelques mois après,
à obtenir une autre concession de notre gouvernement.
Le 24 décembre 1885, M. Herbert de Bismark et M. le baron de Courcel
signaient, à Berlin, un protocole p ar lequel le gouvernement de la République
renonçait aux droits qu’il pouvait avoir su r le territoire de Togoj
Porto-Seguro et Petit-Popo.
Le 1er février 1887, M. Jean Bayol, lieutenant gouverneur du Sénégal, et
M. de Farkentall, commissaire de l’Empire, désignés p ar leurs gouvernements
respectifs, ont fixé comme limite séparative entre les territoires français
et allemands, le méridien qui passe p ar l’extrémité ouest de l’île Bayol
(située dans la lagune du Petit-Popo, entre ce point e t Agomé, par'6°14'45"
de latitude nord, et 0°40'37" de longitude ouest de Paris).
Le gouvernement français fait, depuis le mois de, janvier 1889, des rentes
aux premiers chefs. Notre influence n ’est pas considérable dans cette ré gion
; les Allemands y ont beaucoup plus de partisans que nous. C’est notre
faute; nous ne faisons que percevoir des droits,tandis que nos voisins cherchent
à améliorer le pays à tous les points de vue.
Il s’est , élevé entre les deux puissances une contestation qui fut réglée
en 1889.
Le pays des Ouatchis, situé au nord de Grand-Popo, avait été placé sous
notre protectorat le 10 juin 1885, et le tra ité ratifié le 21 juillet de la même