ment selon l’importance de leurs cadeaux. Enfin, le roi Guêzou
était affable autant que peut l’être un Dahomien.
De son temps, le chacha traitait seul avec les blancs, et les autorités
indigènes n’auraient jamais osé se mêler de leurs affaires;
plus tard, il n’en fut plus ainsi, par la faute même des Européens.
Il y eut des négociants portugais qui ne voulurent pas s’incliner
devant l’autorité du chacha, parce qu’il était mulâtre % et s’adressèrent
directement au roi. Celui-ci, qui ne se dérangeait pas pour
des choses d’aussi peu d’importance, les renvoya àseseabeçaires,
ce qui fit que, pour ne pas être gouvernés par un mulâtre, ils furent
à la merci des caprices d’autorités nègres, par lesquelles ils ont
toujours été harcelés depuis cette époque.
Nous arrivons au règne de Glèlè, qui est presque une actualité.
Glèlè avait un culte particulier pour la mémoire de son père; il
l’avait toujours profondément admiré de son vivant et rêvait de lui
ressembler. Ce désir, joint à celui de s’instruire, en fit positivement
un homme supérieur2.
Ayant une réelle valeur lui-même, il se laissa beaucoup moins
que son père influencer par le chacha. Les vice-rois de Whydah
jouèrent, à partir de son avènement, un rôle beaucoup moins
important dans la politique dahomienne. Néanmoins, comme on
le verra plus tard, ils menèrent encore de nombreuses intrigues.
Les funérailles3 que Glèlè fit à son père dépassèrent en faste et
en munificence tout ce que l’on avait vu jusqu’à ce jour, tout ce
que l’on avait entendu raconter. Les choses furent faites grandement
; ni le sang humain ni les richesses ne furent épargnés ; des
milliers de victimes furent offertes en holocauste à la mémoire
du roi défunt, et la chose parut comme toujours toute naturelle,
tant est grand l’aveuglement de ce peuple quand il s’agit de ses
souverains.
1. Les enfants de Franciseo da Souza étaient fils d’une- négresse brésilienne.
2. Le bruit a couru, à une certaine époque, que le fils du roi de Dahomey
avait été élevé au lycée de Marseille; la chose est inexacte. Sous le règne
de Guêzou, le prince Badohoun confia à M. Victor Régis, de Marseille, un
petit noir, fils d’une de ses esclaves. M. Régis lui donna, son prénom, et.
l ’ayant fait venir en France, le mit au ljc é e de Marseille où il reçut une
petite éducation en 1837-1858-1859. Au Dahomey, l ’esclave porte le nom du
maître, e t 1 usage fit de Badohoun, Badou. Victor Badôu est aujourd’hui un
grand négociant à Porto-Novo.
3. Fêtes qui suivent la mort du roi ou son anniversaire.
Règne de Glèlè, de 1858 à 1889.
La première chose que Glèlè voulut entreprendre fut de chercher
à venger l’échec reçu par son père à Abéokouta, six ans
auparavant. Pour cela, il fit secrètement, pendant plusieurs années,
des préparatifs pour cette campagne qu’il voulait rendre décisive.
Lorsqu’il fut prêt, il annonça qu’il allait chercher la pantoufle de
son père chez les Egbas, et une nouvelle armée se dirigea vers
cette contrée, qui avait été si funeste à la première, et d’où celle-
ci n’était jamais revenue (janvier 1860). En premier lieu, Glèlè
marcha sur Ichaga, qu’il voulait punir de sa lâcheté. On se souvient
que, lors de la retraite de l’armée, Guêzou avait voulu y chercher
refuge, et que les habitants s’étaient joints à ses ennemis. Le
petit peuple paya cher sa félonie; pas un seul être humain
n’échappa à la vengeance de Glèlè. Le roi, ses chefs, les femmes,
les enfants, tout fut fait prisonnier. Le roi de Dahomey ne voulut
pas les faire mettre à mort; il trouva pour eux un sort plus cruel.
Ayant rencontré près d’Ichaga une caravane de négriers en
quête d’esclaves, Glèlè leur vendit à prix d’or tous ses prisonniers ;
ceux-ci s’éloignèrent enchaînés, roués de coups; aucun d’eux ne
revit jamais sa patrie. Quant aux villages, ils furent réduits en
cendres, les récoltes brûlées, les palmiers coupés. Le territoire
d’Ichaga était ruiné pour un siècle.
Le vainqueur se borna pour cette fois à cette première victoire.
11 décida de retourner au Dahomey, où il continua ses préparatifs
pour la campagne contre Abéokouta.
En 1863, Glèlè se dirige vers la capitale des Egbas, à la tète
d’une armée formidable, et, comme son père, il arrive sous les
murs de la ville après avoir tout détruit sur son passage. Se rappelant
ce que l’assaut avait coûté d’hommes à son pays, il décide
d’attendre les Egbas dans la plaine avoisinant la ville.
Du haut de leurs blocs de granit, les Egbas pouvaient compter
l'ennemi, fort d’environ quarante mille hommes, six à sept mille
porteuses, trois à quatre mille amazones. Us pouvaient distinguer
les parasols des chefs et la tente du roi. Quoique Glèlè les eût
envoyé défier, les Egbas n’osaient pas quitter leur forteresse naturelle,
où ils savaient qu’ils auraient tôt ou tard à soutenir l’assaut.
A partir de ce moment, les événements se succédèrent exactement
comme Îors de la première expédition : la famine forçant les