mienne a généralement un but, elle dédaigne de s’atta rd e r sur les bords du
Wheme, si les gens ne se trouvent pas sur son chemin.
Tous les villages de la rive droite sont doubles, à peu d’exceptions près.
Quand on arrive dans le haut Whémé, à la hauteur de Séti, les lieux habités
qu on trouve de ce même côté sont peuplés p a r des Dahomiens et non plus
p a r des gens de Whémé ; il n ’y a donc plus de villages doubles à p a rtir de
cet endroit.
. A p a rtir de ce point également, les chefs de la rive gauche se déclarent
indépendants et hors de l’influence du roi de Porto-Novo ; ils ne lui payent
aucune redevance, tandis que, jusque-là, tous les autres sont ses tributaires.
Au départ de Séti, le quatrième jo u r du voyage, nous rencontrons le gué
dnQuamvi, où nous restons échoués pendant près d’une heure ; tout notre
personnel est dans l’eau afin de nous sortir de là. Tout ce pays à l’air désert,
on devine sans peine que le Dahomey a passé p a r là ; su r notre droite,
a 2 milles du gué, nous constatons les traces récentes d’un village • des pots
brisés, des bambous demi-brûlés, des débris de toutes sortes jonchent le sol •
des os humains éparpillés p ar les bêtes fauves, quelques monticules où Commence
à pousser l’herbe, sont les derniers vestiges d’une razzia daho-
mienne. C est là que se trouvait, comme nous l’apprîmes ensuite, le village
d’Azanzoumé.
Nous quittons ces lieux désolés, dont la contemplation ne peut qu’éveiller
des idées tristes; nous passons à Quamvi, à Lantonou, dans la matinée, et
nous assistons à un ‘changement de paysage. D’épaisses forêts de grands
a rbres longent le fleuve, la route des indigènes passe sous son ombrage;
de temps à autre, nous apercevons des gens, qui, à la file indienne, parais-
sent e t disparaissent entre les arbres, parcourant de leur pas régulier, avec
leur fardeau su r la tête, ces sentiers ombragés pendant des kilomètres.
Les berges du fleuve sont de plus en plus hautes; nous voyageons mainten
a n t dans une partie du fleuve qui est encaissée entre des escarpements
de 5 et 6 mètres de haut. Près de leur crête, on aperçoit sur leurs parois
des traces d érosions indiquantla h au teu r des eaux après les pluies (octobre
novembre). Cet endroit doit avoir, à cette époque, de 6 à 7. mètres de profondeur.
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Les eaux, basses en ce moment, permettent, en laissant les berges à sec
de voir distinctement la nature des terrains p a r couches superposées.
La forêt se prolonge sur to u t le parcours du fleuve que peut embrasser
la vue en face de nous; nous apercevons, après un tournant, une colline
boisée chargée de verdure entourée d’éminences également couvertes de
végétation : c’est Fanvier.
Le purificateur du Whémé nous procure un accueil aimable. On nous re g
a rd e ; on nous palpe avec un étonnement mêlé de crainte. Jamais on
n avait vu de blanc.^ Tout, nos vêtements, nos armes, notre embarcation
sont un sujet d admiration ; nous demandons au chef, un petit vieux alerte
de nous indiquer un endroit pour nous reposer, et il nous conduit, après
plusieurs détours, dans un endroit charmant.
Autour de nous un espace circulaire formé p a r de grands arbres, dont le
feuillage épais se réunit su r nos têtes en un dôme de verdure de 13 mètres
d élévation. Autour des a rb re s, des mimosées variées, mélangeant aux lianes
innombrables leurs fleurs aux couleurs vives; des oiseaux familiers voltigent
autour de nous, et le grillon, de tous côtés, fait entendre son bruissement
monotone. Nous jetons un coup d’oeil à travers la forêt, et nous
voyons à nos pieds, diminués par l’éloignement, le Whémé e t ses rives pitto resques.
Ce coup d’oeil admirable, cette forêt, ces collines, nous font autant de
plaisir à contempler que les prairies et le bétail d’Afotonou; C’est le paysage
d’Europe. Immobiles, absorbés p a r nos souvenirs, oubliant la foule qui nous
regarde, nous pensons un instant à la patrie, à ses belles et riantes campagnes,
à ses rivières tranquilles, là-bas, bien loin...
Le sol est jonché de feuilles sèches ; le vieux chef fait sortir tout le monde
de l’endroit qu’il nous réserve, et se met à balayer lui-même avec vigueur.
Il met à découvert un sol uni, couvert de mousse rase ; tout nous invite à
nous asseoir ; ce sera notre salle à manger.
Les habitants nous observent à travers le feuillage ; nous entendons des
exclamations d’étonnement, des marques de stupéfaction pendant tout le
repas. Le chef s assied, silencieux, à quelque distance de nous, p rê t à nous
être utile si nous le désirons ; il a la physionomie d’un brave homme e t l’air
intelligent et perspicace.
Nous l’interrogeons tout eD déjeunant. Il n ’a jamais vu d’Européens, il en
a entendu parler par les habitants du bas Whémé, mais ni lui ni personne,
à Fanvier, n’a quitté son village. Il a reconnu, en nous voyant, les blancs
dont on lui a fait la description. Il nous demande la permisión, pour les h a bitants,
de venir nous voir à leur aise, ce à quoi nous nous prêtons avec
plaisir.
Nous distribuons u n peu de tafia; bientôt le tam-tam arrive et mêle son
bruit à la fête. On s ’amuse, on chante autour de nous; des jeunes filles
exécutent des danses to u t à fait locales. On veut de force nous garder ju s qu’au
lendemain, mais nous ne pouvons nous attard er. La fièvre commence
à nous attaquer depuis la veille ; nous ne dormons pas, nous mangeons mal.
• Nous avons toute la journée le soleil sur la tête, malgré la tente légère qui
surmonte l’embarcation, et nous respirons une atmosphère humide, certainement
trè s malsaine.
11 faut que nous nous dépêchions, sans quoi nous ne pourrons continuer
notre voyage. Nous quittons Fanvier après y avoir toutefois placé le pavillon
sur la case du chef. Nous lui faisons des cadeaux, et il nous apporte en grande
pompe deux porcs, qui poussent des cris déchirants d’avoir à quitter leur
patrie.
Nous laissons à reg re t ces braves gens. On doit être heureux dans ce
charmant village de Fanvier. Combien sont plus sympathiques les populations
que l’Européen n ’a pas perverties avec sa civilisation !
J ai photographié du haut de la colline de Fanvier, ayant au-dessous de
moi le village, le Whémé, qui coule dans une espèce de brouillard; on distingue
à peine, de l ’autre côté, quelques cases rondes qui font face au village.
Cette colline a une altitude de 140 mètres au-dessus du niveau de la
mer, et environ 90 mètres au-dessus de celui du fleuve. Mes compagnons
l’ont appelée le mont Foà.
Vu du fleuve, le village est aussi pittoresque que du côté de la colline ; on
BIBL. DE L’EXPLOR. III. gn