dans la direction de Décamey1 ou plutôt de Dangbô. Les troupes arrivent
sur des ondulations de terrain en vue de ce dernier village ; elles rencontrent
deux hameaux, qu’elles brûlent, et, du plateau, on bombarde un autre
village, situé dans un contre-bas. Le roi de Porto-Novo désavoue la plupart
de ces populations et les considère comme hostiles, quoiqu’elles se trouvent
sur son territoire. On les traite comme des Dahomiens ; il y a, d’ailleurs,
des ennemis dans les environs.
W h é m é , 2 8 mars. — On arrive dans le village qu’on vient de bombarder,
où il n’y a plus aucune trace d’habitants. On visite les lieux ; tout a l’air
abandonné. Le capitaine Oudard s ’avance vers une case qui paraît sans
habitants et reçoit, sur le pas de la porte, dix balles à bout portant ; il tombe
frappé à mort. Pauvre capitaine Oudard ! âgé déjà et attendant sa retraite,
aimé de tous, il vient terminer sa longue et honorable carrière devant la
porte d’une case dahomienne, tué traîtreusement par un ennemi invisible.
Quelques fourrés s’agitent. Des coups de fusil partent du côté des grands
arbres ; on ne voit personne. Nouveaux feux de salve dans toutes lès directions.
La chaleur est suffocante, le soleil darde des rayons mortels sur nos
troupes ; le sous-lieutenant Mousset tombe foudroyé par une insolation
quelques instants après la mort du capitaine Oudard. Plusieurs cas d’insolation
se produisent également chez les blancs. On n’a pas vu l’ennemi. On
fait retour à Porto-Novo, où, le lendemain, on enterre les deux officiers, et,
de là, on retourne à Kotonou.
K o to n o u , 2 avril. — Le vapeur Ville-de-Maranhâo, des Chargeurs réunis,
débarque 75 disciplinaires blancs et 50 soldats d’infanterie de marine armés
du fusil Lebel, avec 5 officiers.
L’effectif total se trouve porté, en déduisant les morts et les blessés, à
environ 450 hommes, 14 officiers blancs et 6 indigènes.
Sur rade se trouvent les croiseurs Sané et Kerguelen et l’aviso l’Ardent.
Porto-Novo, 6 avril. — M. le lieutenant-gouverneur Bayol part pour Lagos,
se rendant au Sénégal, et M. l’amiral Cavelier de Cuverville est investi de
tous se s pouvoirs.
K o to n o u , du 7 au 10 avril. — Le Kerguelen part pour aller faire bloquer
les communications de la lagune entre Grand-Popo et Whydah ; il doit ensuite
se rendre et séjourner à l’extrémité est de nos possessions du Bénin.
Voici les termes de la notification du blocus :
« Je, soussigné, Rullier, Mathias, officier du transport l'Ariège, agissant
en vertu des ordres donnés à M. Guillon, commandant ce bâtiment, par le
commandant des forces navales françaises dans le golfe du Bénin, notifions,
par la présente inscription sur le registre du bord du navire :
« Le blocus de la côte et des ports compris entre la limite des possessions
françaises et allemandes, par 6°14'45" de latitude nord et 0°40'36"
de longitude ouest de Paris (ou 1°39'38" de longitude est de Greenwich) et
la limite orientale des possessions françaises de Porto-Novo, déterminée
1. Ici, il doit-y avoir confusion de nom, car Décamey se trouve sur la rive
droite du fleuve, entre l’embouchure du Whémé et le lac Denham ; or, les troupes
marchaient vers Dangbô sur la rive gauche.
par le prolongement jusqu’à la mer du méridien passant p a r la crique
d’Adjara.
« En foi de quoi j ’ai signé e t apposé le cachet du bord.
« Signé : R u llie r .
« 10 avril 1890. »
Le commandement de l’expédition est déféré à M. le capitaine de vaisseau
Fournier, commandant le Sané, depuis que la marine est autorisée, contrairement
aux ordres précédents, à prendre à l’expédition la p a rt qui sera
nécessaire. Mais personne n ’a jamais débarqué. On rend un officier de marine,
en rade de Kotonou, responsable d’une expédition qui opère dans
l’intérieur. Tout le monde en est étonné.
Le blocus une fois mis devant Whydah et signifié aux puissances, on est
plus tranquille de ce côté. Les Allemands passent, à tort ou à raison, pour
aider et exciter secrètement le Dahomey.
Quelques jours a u p a rav an t, le chef de l’expédition avait avisé notre
gouvernement qu’un bateau allemand débarquait à Whydah des quantités
anormales d’armes et de munitions.
Sur ces entrefaites, un nouveau renfort arrive; les 50 hommes de la
30e compagnie d’infanterie de marine sont renforcés p ar 150 de la 29e.
L’artillerie se monte à 30 hommes, 1 officier et 12 pièces de 80 de montagne.
Si cela continuait, on pourrait songer à une expédition sérieuse au coeur
du pays ennemi ; mais, malheureusement, nous sommes presque à la fin
de la campagne e t de la belle saison. Les pluies vont commencer, quelques-
unes sont déjà tombées; les malades peuplent les infirmeries, et les Européens,
officiers et soldats, commencent à payer leur tribut au climat.
Quant au roi du Dahomey, il accuse Toffa de tout ce qui e st arrivé, et
le bruit commence à circuler qu’il se dirige vers Porto-Novo.
Porto-Novo, 12 avril. — La défense de Porto-Novo n’est pas organisée ;
le camp où logent les troupes commence à peine à se fortifier ; on n ’a pas
eu le temps, jusqu’ici, de s’occuper de tout.
Dans les environs de Kotonou, on signale, à chaque instant, des Dahomiens,
destinés, sans doute, à a ttire r notre attention de ce côté pendant
qu’on va opérer de l’autre. Mais on a eu soin de placer des postes d’Aoussas
tout autour de Porto-Novo ; le roi Toffa a de nombreux espions et il sait,
jo u r p a r jour, ce qui se passe dans les environs. C’est lui qui tien t le ré sident
au courant.
Quant au roi de Dahomey, il est décidé cette fois à en finir ; il lui faut
Porto-Novo ; il lui faut la tête dè Toffa et la liberté des agorigans : toute
l’armée dahomienne est sur pied.
Le 13, le roi Toffa avertit le résident que le bruit court, sur les bords du
Whémé, que le Dahomey approche. Le commandant de l’expédition délégué,
le lieutenant-colonel Terrillon, paraît to u rn e r ses plans d’attaque de
ce côté.
Le 14 et le 15, la rumeur continue et, le 15 au soir, le roi de Porto-Novo
donne avis que l’armée dahomienne vient de passer le Whémé e t qu’elle
est à Gbuéji, à 30 kilomètres environ de Porto-Novo. A l’appui de son dire,