CHAPITRE IV
NOURRITURE ET PRÉPARATION DES ALIMENTS.
Les principaux éléments de la nourriture indigène : préparations culinaires •
1 akassa, le calalou. -— Les ustensiles de ménage.
^ L alimentation, chez les peuples peu civilisés, est assez curieuse
à étudier. Elle n ’est pas aussi monotone qu’on pourrait le croire
et un livre de cuisine contenant toutes les recettes et les détails
de leurs préparations culinaires ferait dresser d’horreur les cheveux
de nos ménagères.
Les Européens qui habitent le pays subissent peu à peu l’influence
du milieu et, après quelques années de séjour, ils mangent
avec plaisir des mets qui leur semblaient repoussants, lors de leur
arrivée dans le pays.
Autrefois, dans la plupart des descriptions de ce qu’on appelait
les sauvages, on remarquait que, selon les régions, les indigènes
se nourrissaient d’une façon différente, généralement d’une seule
qualité d’aliments : on les avait alors classés selon leur nourriture
préférée. On disait que les peuples civilisés, et surtout les Européens,
étaient ceux auxquels il fallait la plus grande variété de
mets et qu’ils avaient créé le raffinement dans l’alimentation ; les
barbares, au contraire, avaient une nourriture circonscrite aux
productions locales. On désignait même , les peuples par cette
seule distinction.
Diodore de Sicile, dans sa description des populations de
1 Afrique, appelait rhizophages ceux qui vivaient de racines, sper-
matophages ceux qui demandaient leur nourriture aux fruits, hylo-
phages ceux qui mangeaient des bourgeons, struthophages ceux
qui n ’aimaient que la chair de l’autruche, acridophages, les amateurs
de sauterelles ; les chelonophages mangeaient des tortues,
les ichlyophages vivaient de poisson ; quant aux anthropophages,
on sait jusqu où ils poussaient l’affection de leurs semblables.
Aujourd’hui, si toutefois c’est un raffinement que de varier ses
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aliments, nous pouvons dire que les indigènes de la côte occidentale
d’Afrique sont des gens raffinés : ils mangent de tout. Il
y a toujours, naturellement, un aliment qui prime, comme le
poisson chez les populations riveraines, la viande chez celles de
l’intérieur ; mais ils n’ont pas de préférence marquée, de nourriture
spéciale.
Il y a encore des anthropophages dans le Jébou, sur les bords
du Niger, et au nord de la côte de Krou ; mais nos Dahomiens et
leurs voisins n’ont aucun goût, du moins de nos jours, pour ce
genre de nourriture. Certains voyageurs ont accusé timidement
leurs ancêtres de cannibalisme, mais ce fait n’a jamais été prouvé.
Aujourd’hui, ils n’ont pas l’air d’avoir la moindre inclination pour
la chair humaine, sauf toutefois dans les fêtes du fétiche où le
fanatisme religieux n’a plus de bornes, et où nous les verrons
dévorer à belles dents le corps d’un de leurs semblables en pleine
décomposition.
Si l’on réunissait en une liste tout ce qui sert à l’alimentation
dans les différentes parties du monde, en dehors des végétaux, on
arriverait à cette conclusion que tout ce que là nature a placé sur
la terre de vivant se mange et trouve des amateurs. Ne serait-ce
pas dans ce but que les animaux ont été créés, comme un gigantesque
menu où l’homme est libre de choisir ce qui lui plaît?
Au Dahomey et dans les régions avoisinantes, les indigènes
sont omnivores. Ils ont peu de ressources culinaires, mais leurs
aliments sont assez variés, comme nous le constaterons en jetant
un coup d’oeil sur leurs mets.
Voyons d’abord où est ia cuisine et de quoi se compose son
matériel. La cuisson des aliments se fait généralement dans un
coin, à découvert, près de la case, quelquefois sur lè derrière,
lorsqu’il y a en cet endroit une petite cour. Pendant les pluies, la
cuisine se fait dans la çase, qu’elle remplit de fumée à cause du
manque de courant d’air; elle ajoute à ce brouillard opaque une
odeur plus ou moins agréable, pour les sens olfactifs européens
bien entendu, les noirs ne faisant pas attention à ces légers
détails.
Les ustensiles de cuisine sont généralement peu nombreux;
ils se composent de marmites ou pots du pays, plus ou moins
hauts, selon l’usage auquel ils sont destinés. Le fourneau portatif
est une copie de ceux que l’on fait en Europe. C’est un pot
très épais et solide, sur le fond supérieur duquel s’élèvent trois